La diffusion du libéralisme dans les autres PDEM
I – Les cas de la RFA et du Japon
1. RFA : un libéralisme bien tempéré
En République Fédérale d’Allemagne, le chancelier Kohl anime une coalition des partis libéral (FDP) et démocrate chrétien (CDU). Son gouvernement infléchit la politique économique dans un sens plus libéral, mais ne prétend pas mener une révolution conservatrice : il n’y a ni baisse importante des impôts, ni déréglementation spectaculaire. En revanche, la croissance des dépenses publiques est ralentie ; le déficit diminue jusqu’en 1986, alors que la gestion monétaire reste rigoureuse. Globalement, la RFA, où les classes d’âge entrant sur le marché du travail sont relativement peu nombreuses, privilégie la stabilité des prix et le respect des grands équilibres. Le prix à payer est une croissance lente tirée par les seules exportations, ce qui pénalise les autres pays européens.
En 1990, la réunification modifie la donne. Dans un premier temps, elle donne un coup de fouet à la croissance. Mais la forte augmentation des dépenses publiques et du déficit budgétaire requis pour la financer provoque des tensions inflationnistes. Pour les combattre, une politique monétaire rigoureuse élève les taux d’intérêt et provoque la hausse du cours du deutschemark, ainsi qu’une récession en 1992. Dans le cadre du système monétaire européen (qui arrime le franc français à la monnaie allemande), l’économie française souffrira beaucoup de ces évolutions dans les années 1990.
2. Japon : les méfaits de la libéralisation financière
Si l’économie japonaise reste très dynamique dans les années 1980, la vague libérale y est très amortie. Il y a peu de réformes de fond, sauf dans le domaine financier. La déréglementation y définit de nouvelles règles du jeu qui rendent les banques beaucoup moins dépendantes de la banque centrale, la BOJ (Bank of Japan), mais aussi beaucoup moins prudentes. La spéculation se développe à la Bourse et dans l’immobilier. Les cours sont de plus en plus déconnectés de l’économie réelle et une bulle financière se forme. Son éclatement au début des années 1990 fait entrer l’économie du pays dans une longue période de marasme et de stagnation à caractère déflationniste.
II – Le cas de la France
1. De la relance à la rigueur
L’échec de la politique de relance d’abord menée par le gouvernement de Pierre Mauroy conduit à la mise en œuvre de mesures de rigueur : les prélèvements sur les ménages augmentent, les dépenses publiques sont freinées, les salaires sont bloqués, puis désindexés des prix à la sortie du blocage. Dans le cadre d’une politique de désinflation compétitive, il s’agit de restaurer la compétitivité des entreprises en infléchissant en leur faveur le partage de la valeur ajoutée. Cette politique d’inspiration plus libérale est poursuivie et accentuée par le gouvernement de Laurent Fabius, dont le ministre des Finances, Pierre Bérégovoy, déréglemente les activités financières.
Par ailleurs, après avoir été recapitalisées par les pouvoirs publics, les entreprises nationalisées sont de plus en plus gérées comme des entreprises privées, avec pour principal objectif le profit.
2. D’un bref sursaut réformateur à l’immobilisme
En 1986, le gouvernement de cohabitation dirigé par Jacques Chirac entreprend de les privatiser dans le cadre d’un vaste programme interrompu par l’effondrement de la Bourse en 1987. Ce même gouvernement, qui se réclame de la révolution néoconservatrice anglo-saxonne, entreprend plus généralement de relancer l’offre et de faire reculer le dirigisme en supprimant le contrôle des prix, le contrôle des changes et l’autorisation administrative de licenciement. Cette politique contribue à la défaite de la droite aux élections présidentielles de 1988.
En définitive, si des réformes structurelles ont bien été amorcées, les changements restent toutefois limités. Ils le sont d’autant plus que réélu en 1988, le président Mitterrand insuffle une politique prudente et assez conservatrice qui gèle pour longtemps toute réforme d’inspiration libérale. Ainsi alors même que depuis le milieu des années 80 le marché des capitaux est devenu beaucoup plus réactif, le marché du travail reste régi par des règles et des normes appelées à devenir de plus en plus rigides jusqu’à sa réforme récente par les ordonnances Macron.
III – Le tournant libéral: une inflexion plus qu’une rupture
Avec le recul, il apparaît que le retour en force du libéralisme en économie après une période dirigiste et très interventionniste n’a pas fait sensiblement reculer le poids de l’État dans l’économie, tel que le mesurent les indicateurs habituels.
Même en Grande-Bretagne, le taux des prélèvements obligatoires ne recule pas de manière significative et la part des dépenses publiques en pourcentage du PIB reste élevée partout en Europe.
Même aux États-Unis, le rôle de l’État reste essentiel et un décalage entre ce qui était souhaité et ce qui est effectivement réalisé apparaît. S’il donne un coup d’arrêt aux tendances antérieures, le tournant libéral traduit une inflexion bien plus qu’une rupture dans la conduite des politiques économiques.