D’une guerre à l’autre (1914-1945): la séquence des évènements
I – Le contexte général
«Ce fut une période complexe et sombre, profondément marquée par le choc de deux guerres mondiales entrecoupées d’une dépression. L’ordre économique libéral vola en éclats. Les échanges mondiaux en 1950 étaient bien plus modestes en termes de revenu mondial qu’ils ne l’avaient été en 1913. La migration internationale n’était qu’une fraction de ce qu’elle avait été au XIXe siècle. La plupart des avoirs étrangers de l’Europe occidentale furent vendus, saisis ou détruits. Les empires d’outre-mer disparurent ou étaient dans un état avancé de désintégration.»
Maddison, Angus, L’Économie mondiale. Une perspective millénaire, 2001, Paris, OCDE, 400 p.
La période est en effet marquée par une succession de chocs désastreux avec deux guerres mondiales séparées par un épisode dépressif majeur suscitant un effondrement des échanges internationaux, des marchés de capitaux et des courants migratoires. L’entre-deux-guerres marque une véritable régression du processus de mondialisation qui s’était amorcé à la fin du XIXe siècle et dont Suzanne Berger a bien analysé le caractère réversible (Notre première mondialisation, leçons d’un échec oublié, Seuil, 2003).
II. Les années 20
En Allemagne, les classes moyennes sont ruinées lors de l’épisode d’hyperinflation qui culmine en 1923. En France, on ne parvient pas à remettre de l’ordre dans les finances publiques et la monnaie nationale perd 80 % de sa valeur lorsque Poincaré dévalue le franc en 1926.
En Grande-Bretagne, une politique monétaire très restrictive fait chuter l’investissement. L’économie tourne au ralenti, souffre d’un chômage chronique et amorce un déclin en termes non plus relatifs, mais absolus.
Aux États-Unis, après la crise aiguë de reconversion de 1920-1921, la prospérité des Roaring Twenties (littéralement, les années 20 rugissantes) repose sur la spéculation et le crédit.
III. La crise de 1929
Elle éclate aux États-Unis en octobre 1929 lorsque se produit un spectaculaire krach boursier. Parti de ce pays, un double choc déflationniste se propage dans le reste du monde à travers un canal financier et un canal commercial.
- Le canal financier passe par le rapatriement des capitaux américains placés en Europe et notamment en Allemagne, qui depuis l’hyperinflation vit sous perfusion financière.
- Le canal commercial joue à travers la chute drastique des importations de la première économie mondiale. Cet effondrement est à relier au vote de la loi Hawley-Smoot (sur les tarifs douaniers) qui, dès 1930, porte aux États-Unis les droits de douane à un niveau prohibitif. En représailles, tous les pays se lancent dans une surenchère protectionniste qui est très destructrice pour les échanges internationaux.
La crise est relancée en 1931 par la faillite complète du système financier allemand. Quelques semaines plus tard, la livre doit être dévaluée en catastrophe, ce qui inaugure une véritable guerre des monnaies.
Les mots à retenir
- Déflation – C’est une spirale cumulative entrainant à la baisse l’activité, les prix, l’investissement, l’emploi, les revenus et les patrimoines. La crise des années 1930 a illustré les ravages de la déflation consécutive au dégonflement d’une vaste bulle spéculative. L’économiste américain Irving Fisher (1867-1947) en a fait la théorie, montrant que le désendettement accéléré conduit à l’effondrement du prix des actifs, qui se répercute sur l’ensemble des prix, provoquant la chute des profits puis l’explosion des faillites et du chômage.
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Dévaluation, dépréciation – Une monnaie subit une dévaluation lorsque les autorités monétaires décident d’abaisser son taux de change par rapport à une monnaie de référence, ou un panier de monnaie. Le contraire est une « réévaluation », également décidée par les autorités monétaires. Lorsque la valeur de la monnaie baisse sur le marché des changes, sans décision officielle, on parle simplement de dépréciation, le contraire étant une appréciation. Dans les deux cas différentes causes sont possibles : récession, déficit commercial, émission de monnaie par la banque centrale
IV. Les années 30
En 1930, l’Allemagne n’a plus aucune réserve de devises, ni aucun accès aux crédits internationaux. Surnommé le « chancelier de la faim », Brüning doit pratiquer une sévère politique de déflation. En 1932, on dénombre 6 millions de chômeurs, dont la plupart ne sont pas assistés. Cela ouvre la voie au parti national-socialiste, qui remporte les élections en janvier 1933 et entreprend aussitôt d’instituer un régime totalitaire.
Plus tardivement touchée que les autres pays, l’économie française traverse un long épisode de dépression. Elle n’en est toujours pas sortie à la veille de la guerre après avoir connu successivement une politique de déflation menée par le gouvernement Laval puis un épisode d’inflation avec le front populaire.
Aux États-Unis, la production industrielle s’effondre, l’agriculture s’enfonce dans le marasme, les banques font faillite par centaines et le pays compte plus de 15 millions de chômeurs en 1932. Les mesures du New Deal redonnent quelques couleurs à l’économie américaine, mais une rechute se produit en 1937 et 1938, lorsque le gouvernement tente de revenir à l’équilibre du budget.
La Grande-Bretagne, paradoxalement, connaît une décennie moins mauvaise que la précédente. Contrainte de dévaluer sa monnaie, elle ne s’acharne plus à la défendre. Elle peut, de ce fait, pratiquer une politique d’argent bon marché qui stimule l’investissement et, par conséquent, la construction, les travaux publics et les activités industrielles. De plus, ayant abandonné le libre-échange en 1932 (Import duties act), elle peut protéger son économie et profite de liens privilégiés avec son Empire pour y exporter une partie de sa production et y placer des capitaux.