Les marchés de capitaux

Georges Soros
Les problématiques
- Pourquoi ont-ils pris une telle ampleur ?
- Leur fonctionnement menace-t-il la stabilité des économies ?
I – Définition et caractéristiques
Sur le marché monétaire s’échangent des liquidités à court terme et sur les marchés financiers des fonds prêtables à moyen et long terme sous forme d’actions (bourse) ou d’obligations (marché obligataire). Dans tous les cas il s’agit de mécanismes de confrontation entre une offre et une demande de capitaux permettant de fixer les taux d’intérêt correspondant à différentes échéances et à différents niveaux de risque ainsi que les cours des titres qui s’y échangent. Secondaire des années 1930 à la fin des années 1970, leur rôle est redevenu essentiel dans les années 1980 à l’instigation des Etats qui les ont déréglementés pour financer leurs déficits et en raison de leurs caractéristiques spécifiques. Ils sont en effet supposés être efficients, c’est à dire capables d’utiliser toute l’information disponible pour évaluer correctement la valeur des différents actifs, ce qui permet d’orienter le financement vers les emplois les plus productifs. Mais ils sont aussi le support d’opérations de spéculation générant de l’instabilité et faisant naître des risques (de taux, de change) tout en permettant de s’assurer contre eux et de les répartir sur un grand nombre d’agents par le biais des marchés dérivés
II – Les marchés financiers (ou bourses de valeurs)
Trois distinctions permettent d’en préciser le rôle. La première oppose marché primaire (qui traite des titres au moment de leur émission) et marché secondaire (ou de l’occasion), la seconde porte sur la nature des titres échangés (actions ou obligations) et la troisième oppose les marchés de transactions courantes aux marchés dérivés.
Dans les années 80 et 90 en France leur dynamisme est manifeste : essor du volume des émissions de titres, du volume des transactions, du nombre de porteurs et du montant de la capitalisation boursière (5% du PIB en 1980, 110% en 2000). Les ménages y réorientent leur épargne financière au détriment des placements liquides, les entreprises y ont davantage recours pour financer leurs projets, les administrations y placent de plus en plus d’emprunts pour combler leurs déficits. En dépit de crises financières récurrentes dans les années 2000 leur rôle reste central, voire préoccupant.
Eléments à retenir
Les marchés dérivés permettent aux agents de se protéger (ou de spéculer) contre les variations des taux de change, des taux d’intérêt et des cours des titres. Ils sont de deux types :
- sur les marchés de contrats à terme, les transactions portent sur des engagements à livrer ou à recevoir des montants prédéterminés de titres ou de devises
- sur les marchés d’options ou warrants, elles portent seulement sur des droits à le faire.
III – Le remodelage des règles du jeu (l’exemple de la France)
1984 marque une rupture dans la politique financière de l’Etat. Par le biais de mesures fiscales on a incité les épargnants à acheter des valeurs mobilières. On a également stimulé la demande de fonds des entreprises en leur permettant d’émettre de nouveaux types de titres (actions sans droit de vote, obligations convertibles en actions, obligations à taux variables), en facilitant l’accès du marché aux entreprises nouvelles et en favorisant l’essor des sociétés de capital-risque qui prennent des participations dans le capital d’entreprises en phase de démarrage. On a enfin modernisé le fonctionnement des marchés en mettant fin au monopole des agents de change sur les achats et les ventes de valeurs mobilières, en informatisant la gestion des transactions, en dématérialisant les titres et en améliorant la couverture des risques financiers (marchés dérivés)
IV – Les enjeux de la globalisation financière
Au terme de ce processus de mutations le système financier français est déréglementé, décloisonné et désintermédié. Les marchés de capitaux en occupent désormais le centre de gravité et sont tous interconnectés. Il y avait des marchés distincts géographiquement et spécialisés par produits. Avec les technologies numériques ils sont devenus des compartiments du marché global, rendus perméables les uns aux autres et interdépendants par les arbitrages. Le système français s’est intégré dans un ensemble devenu mondial. C’est ce qu’on appelle la globalisation financière
Ces évolutions s’accompagnent d’une plus grande instabilité des marchés. Confrontés à une incertitude radicale, les opérateurs y adoptent des comportements mimétiques. Cela peut conduire à la formation de « bulles financières » et déboucher sur des crises aigües, comme ce fut à plusieurs reprises du krach boursier de 1987 à la crise dite des subprimes. On est aujourd’hui fondé à se demander avec des auteurs comme Michel Aglietta s’ ils ne font pas courir un risque à l’ensemble du système économique.
Il faut aussi s’interroger sur l’impact que leur essor a eu sur la gestion des entreprises (en modifiant le processus de prise de décisions et la répartition des profits) et sur l’influence qu’ils exercent sur les Etats dans la conduite de leurs politiques économique et sociale (sont-ils soumis à leur dictature après avoir délibérément favorisé leur expansion?)
Une citation à retenir
- Dans le passé le discours libéral est allé de pair avec une pratique dirigiste […] L’idée qui a commandé la modernisation du financement est à l’opposé de cet héritage. Il faut que l’argent soit mobile pour apporter aux prêteurs et aux emprunteurs une liberté de choix essentielle à une économie moderne – Pierre Beregovoy, Ministre des finances, 1984