Le rôle des banques (Le cas de la France depuis 1945)
Les problématiques
- A quoi servent les banques ?
- Quel rôle ont-elles joué dans la financiarisation de l’économie ?
I – Un rôle stratégique qui ne cesse d’évoluer
En France il se compose d’environ 400 banques. Présentes sur le territoire à travers un peu moins de 40 000 agences, elles emploient environ 400 000 personnes et contribuent à près de 3% du PIB. Ayant « le pouvoir de dire oui », c’est à dire de fournir ou non aux agents non financiers le crédit dont ils ont besoin pour mener à bien leurs projets, elles jouent un rôle stratégique. Depuis 1945 leur place et leur rôle n’ont cessé d’évoluer en même temps que le contexte dans lequel elles se situent.
II – De 1945 aux années 1980
En 1945 la loi nationalise la Banque de France et les 4 grandes banques de dépôt de l’époque, ce qui met l’Etat en position de financer la reconstruction alors que le pays est ruiné. La Banque de France (B.D.F.) répartit les crédits de l’aide Marshall et accorde massivement des avances au trésor public, en créant de la monnaie. Très dirigiste, ce système répond aux besoins du moment mais étouffe la concurrence entre banques et finit par être contreproductif. Cela incite l’Etat à se désengager et à pousser le système bancaire en première ligne du financement. En 1966/67, les réformes Debré-Haberer suppriment la spécialisation bancaire et instituent des banques à tout faire. L’ ouverture de guichets devient libre, ce qui favorise la bancarisation de la population. Dans ce contexte d’ économie d’endettement, les banques pratiquent la transformation à grande échelle, rendant compatibles les besoins des investisseurs (prise de risque, horizon long) et les désirs des épargnants (aversion au risque, horizon court). La BDF refinance de manière quasi automatique les crédits qu’elles accordent, ce qui alimente la création monétaire et a des effets inflationnistes.
Dans cette phase le système bancaire hétérogène et très réglementé, repose sur des bases qui ne sont pas libérales du fait que les circuits de financement sont cloisonnés (il y a autant de conditions d’attribution de crédit et de taux d’intérêt différents que de types d’activité), que la concurrence est faussée (une banque comme le Crédit Agricole a, par exemple, le monopole du financement de l’agriculture) et que le crédit est encadré. Cela pousse les plus dynamiques d’entre elles à se concentrer et à s’internationaliser.
Eléments à retenir
- Le circuit du Trésor : système permettant à l’Etat de contrôler l’emploi des ressources collectées par les banques et de monétiser le financement de l’économie
- La bonification des taux d’intérêt : procédé permettant de financer une activité jugée prioritaire par des prêts à taux d’intérêt préférentiel
III – Depuis les années 1980
Avec le tournant libéral le secteur bancaire entre en crise. D’abord latentes, ses difficultés sont liées au contexte de désinflation des années 80. L’inflation gonflait automatiquement les dépôts à vue, ce qui leur procurait gratuitement des ressources. Avec la désinflation, ce n’est plus le cas et, en outre, les taux d’intérêt réels augmentent. Les ménages déplacent leur épargne des dépôts bancaires vers les marchés financiers où elle est mieux rémunérée. De plus, au plan national, les entreprises ont moins recours au crédit bancaire (soit moins de profits pour les banques) et au plan international elles subissent l’instabilité croissante des taux de change et d’intérêt. Les difficultés ont aussi une origine interne au système bancaire français du fait de coûts salariaux élevés et des lourds investissements à engager pour faire face à la croissance exponentielle du nombre d’opérations à traiter.
Le système bancaire doit engager des mutations. Elles passent par l’unification du cadre juridique (loi de 1984), par la régression des crédits bonifiés qui jusqu’ici favorisaient le financement d’activités jugées prioritaires (comme par exemple la construction navale), mais au détriment des autres, et par la possibilité ouverte à toutes les banques de distribuer des produits d’épargne défiscalisés
Elles s’accompagnent de la réforme du marché monétaire (1985) qui jusqu’alors réservé aux seules banques s’ouvre aux agents non financiers. Trois catégories de titres courts y sont négociées : les certificats de dépôt négociables émis par les institutions financières et qui peuvent être souscrits par les entreprises, les bons du Trésor négociables qui facilitent le financement du Trésor public et les billets de trésorerie qui sont émis par les entreprises.
Les conditions de placement et de financement des agents économiques s’unifient. Le système financier acquiert des bases libérales, laissant davantage de place aux mécanismes de marché, à la concurrence et à la régulation par les taux. Cela participe d’un vaste mouvement de désintermédiation et de développement du financement direct.
IV – Les banques face à l’essor des marchés financiers
Cet essor les met sur la touche alors qu’elles étaient au centre du système financier et rend plus coûteuse la collecte de leurs ressources. Les banques s’adaptent à ces nouvelles conditions. Elles adaptent leur offre de crédit et se tournent davantage vers les ménages, ce qui pousse à leur surendettement. Elles développent leurs opérations sur titres, leurs opérations de couverture des risques de taux et de change ainsi que leurs opérations dans l’immobilier qui sont toutes plus risquées que leurs opérations traditionnelles. Cela les rend plus fragiles comme l’a montré en 1994 la quasi-faillite du Crédit Lyonnais, banque nationalisée supposée être contrôlée par l’Etat. Cette faillite est le signal d’une restructuration en profondeur : les banques nationalisées sont privatisées, la réglementation spécifique au secteur bancaire devient plus concurrentielle et les banques libérées de la tutelle de l’Etat rationalisent leurs structures (à titre d’exemple la BNP fusionne avec Paribas). En 2008 le système bancaire français a été fortement secoué par la crise financière mais a globalement bien résisté en faisant la preuve de sa capacité d’adaptation. Aujourd’hui il doit faire face à la montée en puissance des fintech.
Eléments à retenir
- Marché monétaire : marché de l’argent à court terme où se confrontent des agents ayant des excédents et des agents ayant des besoins de trésorerie. S’y forment des taux à court terme dont le niveau et les variations dépendent entièrement de la banque centrale
- Fintech : entreprise évoluant dans le secteur de l’innovation technologique applicable aux services financiers et bancaires