La monnaie (2)

John Law, promoteur de la monnaie de papier
Les problématiques
- Qui crée la monnaie ?
- Comment ?
- Selon quelles régulations ?
- Avec quelles conséquences ?
I – Les acteurs de la création de monnaie
Celle de monnaie métallique était directement fonction des découvertes d’or et d’argent et réservée à l’autorité politique qui seule avait le pouvoir de battre monnaie. Celle de monnaie fiduciaire a été confiée par l’Etat à des banques centrales qui, au cours du 19ème siècle ont obtenu le monopole de son émission. Celle de monnaie scripturale est le fait des banques commerciales sous le contrôle de la banque centrale.
Lorsqu’une banque accorde un crédit à un client, elle détient une créance sur lui qu’elle inscrit à l’actif de son bilan. Elle la monétise en créditant au passif de son bilan le compte du client d’un montant équivalent en monnaie. Le client la fait circuler par voie de chèques ou de virements pour régler ses dépenses auprès d’autres agents qui à leur tour déposent les sommes correspondantes auprès de leur propre banque. Une formule résume ce processus : « Les crédits font les dépôts », ce qui n’empêche pas les banques de financer leurs crédits par des fonds préalablement épargnés.
Seules les banques ont le pouvoir de transformer des créances en moyens de paiement.
Elles le font à l’occasion de trois types d’opérations :
– octroi de crédits aux agents non financiers pour répondre à leurs besoins à court terme (découverts, escompte de papier commercial) ou à moyen et long terme (crédits d’investissement, crédits immobiliers).
– octroi de crédits au Trésor public qui les rend détentrices de créances sur le Trésor
– achats de devises qui les met en possession de créances sur l’extérieur
Ces trois types d’opérations forment les contreparties de la masse monétaire.
Au fur et à mesure que le crédit accordé est remboursé, la monnaie correspondante reflue dans les caisses de la banque qui l’a émise. Sa contribution à la création de monnaie varie donc en fonction de ses opérations de crédit puis de leur remboursement. Au plan global, lorsque l’économie est en période d’expansion, les opérations de création de monnaie l’emportent sur celles de remboursement et le montant de la monnaie en circulation augmente. A l’inverse il diminue en phase de contraction.
Les mots à retenir
- Escompte: Opération par laquelle une banque transforme moyennant intérêt une reconnaissance de dette payable plus tard en monnaie versée immédiatement.
- Monnaie centrale : 80 à 90% de la monnaie en circulation est émise par les banques commerciales (dites aussi de second rang) lorsqu’elles accordent des crédits à leurs clients. La monnaie dite centrale, celle que contrôle directement la banque centrale représente le solde, soit moins de 20% de la masse monétaire. Toutefois elle joue un rôle essentiel dans le fonctionnement du système monétaire.
II – Les limites de la création monétaire
Pour créer de la monnaie, une banque n’a pas besoin de disposer de monnaie préalablement déposée par ses clients sur des comptes. Elle peut créer de la monnaie ex nihilo, de par sa seule volonté. Toutefois plusieurs mécanismes limitent ce pouvoir.
- Première limite : une banque ne peut accorder un crédit que si on le lui demande. Les banques ne créent de la monnaie qu’en réponse à une demande de monnaie. La création monétaire est donc bornée par les besoins en liquidités des agents non financiers, et ces besoins eux-mêmes dépendent de la conjoncture.
- Deuxième limite : une banque ne peut régler ses opérations avec les autres banques qu’en monnaie centrale. Cela suppose que chaque banque de second rang ait un compte auprès de la banque centrale.
- Troisième limite: Les banques ont des besoins récurrents de billets demandés par leurs clients. Seule la banque centrale pouvant les émettre , elles doivent se les procurer en effectuant des retraits sur leur compte à la banque centrale. Ce compte est alimenté par des virements et/ou par des emprunts sur le marché monétaire
- Quatrième limite : le marché monétaire est complètement soumis aux impératifs de la banque centrale. Elle y intervient pour prêter de la monnaie centrale aux banques de second rang, moyennant paiement d’un intérêt, et en contrepartie de titres de créance qu’elles détiennent. Elle facilite leur refinancement, et donc la création monétaire, en y offrant beaucoup de liquidités et en faisant baisser les taux d’intérêt comme le fait actuellement la banque centrale européenne (BCE), ou, au contraire, le freine en faisant l’inverse. La banque centrale peut aussi intervenir en fixant des coefficients de réserves obligatoires plus ou moins élevés (sur les crédits ou sur les dépôts)
La politique monétaire et ses mutations récentes seront analysées ultérieurement. Ce qu’on retient à ce stade c’est que la banque centrale contrôle indirectement la création monétaire des banques de second rang ; lorsqu’elles créent de la monnaie scripturale, elles ont ensuite besoin de se refinancer et la banque centrale décide des conditions de ce refinancement (plus ou moins facile, plus ou moins coûteux).
III – Les conséquences de la création monétaire
Un excès de création de monnaie risque de susciter de l’inflation. Ainsi pendant les 30 glorieuses, alors que les banques centrales n’étaient pas indépendantes, les gouvernements ont privilégié la lutte contre le chômage à la lutte contre l’inflation qui n’a de ce fait cessé d’augmenter. Avec le tournant monétariste les banques centrales devenues indépendantes du pouvoir politique ont reçu pour mission prioritaire de lutter contre l’inflation et d’assurer la stabilité des prix en faisant en sorte qu’il n’y ait ni trop ni trop peu de liquidités.
Eléments à retenir: les taux directeurs
- Le taux des facilités de dépôt est appliqué par la banque centrale aux liquidités que les banques qui ont des excédents n’ont pas placé sur le marché monétaire. C’est un taux plancher.
- Le taux des facilités marginales de prêt est celui appliqué aux banques qui ont des besoins de liquidité qu’elles n’ont pas couvert sur le marché monétaire. C’est un taux plafond.
- A son initiative, la banque centrale procède également à des opérations de refinancement des banques par des appels d’offre hebdomadaires sur la base du taux dit refi qui est son principal taux d’intervention sur le marché monétaire.