Introduction
Conférence donnée au Centre Culturel Franklin
Extrait vidéo INA
Le thème qui nous réunit aujourd’hui est double puisqu’il recoupe la passion de lire et l’oeuvre de Raymond Aron. A priori Aron ne rime pas avec passion. Il est d’usage de le présenter comme un intellectuel glacé. C’est du moins le qualificatif qu’avait employé François Mauriac pour qualifier un de ses éditoriaux, en suggérant même qu’il pouvait être glaçant par la froideur de ses analyses et le tranchant de ses conclusions.
Analyste réputé froid, il n’adopte en effet jamais d’attitude compassionnelle, ne cherche jamais à convaincre par l’émotion ni par des arguments directement moraux. Il part toujours de l’observation des faits tels que la raison peut les ordonner. Il ne cherche pas à être une belle âme et laisse ce soin à d’autres : « Une fois pour toutes, il est entendu que je ne suis pas une belle âme », confie-t-il avec un demi sourire dans une série d’entretiens télévisés diffusés en 1980, au soir de sa vie. Cette émission et le livre d’entretiens qui en a été tiré ont pour titre Le spectateur engagé. Cet exposé leur doit beaucoup
Né en 1905 , disparu en 1983 il a mené de front deux carrières :
- celle de journaliste au figaro puis à l’Express
- celle d’universitaire, professeur de sociologie, à la Sorbonne puis au Collège de France
Ce double regard l’a conduit à analyser méthodiquement à travers plus de 30 livres les mutations des sociétés modernes et à participer quotidiennement aux grands combats qui dans le bruit et la fureur de l’histoire ont divisé le monde au temps de la guerre froide.
Editorialiste commentant l’actualité à chaud, il a toujours su intègrer ses jugements ponctuels dans une vision d’ensemble du monde qui l’inscrit dans le courant de la pensée libérale. Or ce courant était tout à fait minoritaire dans notre pays à une époque où le marxisme était pour l’intelligentsia française, « l’horizon indépassable de notre temps » pour reprendre la formule de « son petit camarade Sartre ».
Aron a donc occupé une place singulière parmi les intellectuels français en s’opposant à la majorité d’entre eux. Sa pensée et ses analyses ont été celles d’un intellectuel anticonformiste qui a eu raison avant tous les autres sur la nature du stalinisme et sur bien d’autres questions. Il a eu le courage de tenir sa position, de ne céder à aucune mode intellectuelle, tout en accomplissant une œuvre scientifique d’une qualité indiscutée
Autant de raisons de s’intéresser à son oeuvre en cherchant ce que peut encore nous transmettre cet observateur lucide qui a mis ses capacités de réflexion au service de la vérité et de la liberté en luttant contre les systèmes de pensée qui les menacent, c’est à dire contre toutes les formes de totalitarisme.
Dans le cadre très restreint de cet exposé, je vais dans un premier temps essayer de montrer l’exemplarité de son parcours dans le tourbillon de l’histoire du 20ème siècle, puis de mettre en évidence quelques uns des enseignements que sa manière de concevoir le rôle de l’intellectuel inspire alors que notre société démocratique traverse à nouveau de fortes turbulences.