ITW : Qui est Pierre Robert, le grand témoin des Trophées des entreprises du Cantal ?
Fâché comme un Français avec l’économie : c’est à la fois le titre du dernier ouvrage et le sujet de prédilection de Pierre Robert, membre de l’institut Sapiens, professeur d’économie. Ce petit-fils d’entrepreneur cantalien sera le grand témoin des Trophées des entreprises du Cantal, jeudi 26 septembre.
L e postulat de base est fort : « Les Français sont nuls en économie », et cela nous coûterait même de la croissance. Ce constat livré à l’institut Sapiens, think tank dont il est membre, le professeur d’économie Pierre Robert, l’assume, le défend dans les médias nationaux, et en a même fait un livre : Fâché comme un Français avec l’économie.
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Jeudi, il sera le grand témoin des Trophées des entreprises du Cantal, une manière de lier ce département qu’il connaît bien et cette volonté de faire découvrir les sciences économiques au plus grand nombre.
Ma mère est née à Riom-ès-Montagnes. Le père de ma mère, Antoine Tible, était un pionnier, coureur cycliste. Il avait créé son propre vélo, puis il est devenu un très gros concessionnaire automobile, qui, à partir de Riom, couvrait toute l’Auvergne. Il a également été vice-président de la chambre de commerce, dans les années trente.
Parcours. Né en 1949 à Paris, Pierre Robert rentre dans la fonction publique, puis la quitte bien vite pour créer un négoce d’antiquité avec son épouse. C’est sur le tard qu’il devient professeur d’économie, à 38 ans. Fondateur du site Hécosphère, qui propose des cours d’économies gratuits, il s’intéresse au manque de culture économique des Français, au sein de l’institut Sapiens, think tank dont il est membre.
La famille de mon père est originaire de Maurs. J’y ai également passé beaucoup de temps, je partageais mon mois de juillet entre les deux quand j’étais adolescent. Mes grands-parents étaient montés à Paris pour créer un café, d’abord à Auteuil, puis avenue du général-Leclerc. Mon père et ma mère sont tous deux profondément enracinés en Auvergne.
Quelle vision avez-vous de l’entrepreneur cantalien ?
C’est une vision qui vient de ma propre histoire. En Auvergne, il y a des qualités de ténacité, de détermination de résistance, de robustesse, un sens du sérieux, de l’engagement, un peu têtu peut-être (rire). Il y a un sens de l’effort, je l’ai vu dans ma famille, même si je ne sais pas si on peut en faire une vertu auvergnate, et il y a le sens de l’épargne, souvent caricaturé… Cela a marqué les mentalités collectives.
Quel sera votre discours, en tant que Grand témoin ?
Il y a cette étude, que j’ai réalisée pour l’institut Sapiens, sur le manque de culture économique des Français, prolongée par un livre qui vient de sortir. C’est ce dont je suis capable de parler, mais il ne s’agit pas de tout focaliser sur ce livre. Ma petite intervention pourrait partir de là, puis aller sur le thème de l’innovation, sachant qu’en Auvergne, il y a des entreprises qui savent prendre l’air du temps, avec toute cette responsabilité sociale, environnementale qui vient derrière.
Est-ce que les Trophées des entreprises, organisés par La Montagne, ne participent pas de cette démocratisation de l’économie ?
Complètement, et c’est ce qui m’intéresse dans cette démarche ! On parle de façon positive de l’économie, et des entrepreneurs, des entreprises, des innovateurs, alors que le discours que l’on entend le plus souvent dans les médias et dans le monde intellectuel, c’est « attention, les inégalités sont en voie d’accroissement, la propriété c’est le vol… »
Il y a une énorme méfiance dans une partie de l’opinion envers tous ceux qui impulsent du dynamisme à l’économie. C’est une bonne chose d’allumer des contre-feux…
Vous expliquez justement que les Français restent attachés à la petite entreprise ?
On aime bien les petites entreprises, c’est dans la mentalité collective française, mais c’est parce que l’on se méfie des grandes. C’est par opposition à cette entreprise, tentaculaire, qui va vous exploiter, contre la petite entreprise, plus humaine, ouverte. C’est sans doute un cliché qui a une part de réalité.
Dans le Cantal, justement, on est resté sur un modèle où l’immense majorité des structures ne dépassent pas les 50 salariés. Tout le monde connaît le patron…
C’est un atout pour l’avenir. Avec les évolutions technologiques, cela peut être une carte à jouer très, très importante.
Ce n’est pas un modèle dépassé, cela peut être l’avenir, dès qu’on le couple avec un esprit d’innovation sur les nouvelles technologies, avec la 5G par exemple. D’autant que dans la région, on sait faire preuve d’énergie, de ténacité…
Est-ce que le Cantal n’a pas une carte à jouer, avec son cadre de vie ?
Bien sûr. C’est un atout important de cette région, où l’environnement est encore préservé, où l’on trouve à se loger pour beaucoup moins cher qu’ailleurs.
[…] Cela fait longtemps que l’on parle du télétravail, mais les entreprises ont l’air de s’y mettre davantage, d’autant plus que la technique le permet. Tout cela prendra du temps, mais l’Auvergne, et le Cantal, tout particulièrement, a certainement une carte à jouer dès lors qu’il y a de bonnes autoroutes de l’information. Il y a certainement un potentiel à exploiter.Cela nécessite des infrastructures, et donc une forme de dépendance…
C’est un problème, et c’est là que les politiques entrent en jeu. Jacques Mézard a été ministre, en son temps, Valery Giscard-d’Estaing a fait avancer le dossier de l’autoroute, il n’a pas fait que la banque de France à Chamalières.
[…] Il faudrait qu’une figure émerge et arrive à porter davantage les intérêts économiques locaux. Sans infrastructure, le département va continuer à patiner un peu, et ne pourra pas développer tout son potentiel.Est-ce qu’un événement comme les Trophées des entreprises, qui rassemble ces acteurs locaux, peut avoir un rôle à jouer ?
C’est un événement qui a une certaine pérennité, qui existe depuis trois ans. Autour de cela, il peut se greffer des synergies, se diffuser des informations. C’est une façon d’exister, de faire parler de soi.
C’est indispensable : aujourd’hui, il faut crier très fort pour être entendu.
Tous les événements de ce genre, et celui-ci en particulier, sont indispensables.
Pierre Chambaud