L’économie de marché, cadre de la croissance
Problématiques
- Qu’est ce qu’une économie de marché?
- Pourquoi a-t-elle triomphé de l’économie planifiée?
- Est-ce un système naturel ou institué?
- Quel rôle l’Etat peut-il y jouer?
L’économie de marché – au singulier – se met en place avec la révolution industrielle, soit assez récemment, alors que les marchés – au pluriel – ont une existence beaucoup plus ancienne. Elle succède à des organisations globales de l’économie régulées par l’autorité et/ou par la tradition, mais non par l’échange marchand. Elle s’est imposée à travers l’avènement du capitalisme, système dont elle est le rouage principal dans la mesure où les décisions des agents privés sont en général coordonnées par l’échange marchand décentralisé. Au 20ème siècle elle s’est confrontée à un modèle concurrent, celui de l’économie planifiée dont elle a de fait triomphé en 1991 lorsque l’URSS a implosé. Au plan conceptuel, les grands penseurs de l’économie ne sont pas d’accord sur sa nature. Leurs approches parfois se complètent et souvent s’opposent.
I – Elle est « un système « naturel » selon Adam Smith (1723-1790)
Dans la « Richesse des Nations » (1776) Adam Smith esquisse le « système simple et facile de la liberté naturelle ». Il tient pour un fait de nature que la lutte des hommes pour faire face à la rareté n’est pleinement efficace que dans un contexte de liberté des échanges des biens, des services et des facteurs de production que sont la terre ou le travail. Il avance que tous les individus sont avant tout guidés par leur intérêt personnel : « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais plutôt du soin qu’ils apportent à la recherche de leur propre intérêt. Nous ne nous en remettons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme. » (op. Cité Livre 1, chap 2 : texte intégral sur Wikisource)
Et pourtant, si le contexte est concurrentiel, les motifs égoïstes des hommes interagissent pour produire le plus inattendu des résultats, à savoir l’harmonie sociale. Pour exprimer cette idée il utilise l’image de la « main invisible » : « en cela comme en beaucoup d’autres cas, il est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions » (op. Cité Livre IV, chap. 2)
Il faut noter :
– que son apologie du marché avec un M majuscule intervient dans un contexte de très forte réglementation des échanges et des activités léguée par la politique mercantiliste
– que son approche fonde un libéralisme admettant que certaines missions soient assurées par l’Etat, et non par le marché
– que dans ses raisonnements, les prix de marché ne peuvent s’écarter durablement de la valeur fondamentale des biens, qualifiée de « prix naturel », autour duquel ils « gravitent ». Ce qui assure le bon fonctionnement de l’économie c’est moins la variation des prix, qui est toujours bornée à la hausse comme à la baisse, que la concurrence et la liberté d’entreprendre.
Pour en savoir plus sur Adam Smith: https://fr.wikiquote.org/wiki/Adam_Smith
II – Elle est un système institué selon Karl Polanyi (1886-1964)
Dans « La grande transformation »(1944 et éd. Gallimard, 1983) il a analysé toutes les implications sociales et politiques de la mise en œuvre d’un système où l’ensemble des processus économiques est régi par les seules lois de l’offre et de la demande.
Un tel système impose une situation où existent des marchés pour tous les éléments de la production et où tous les revenus sont issus du marché. Or ni la terre, ni le travail, ni la monnaie ne sont des marchandises : « lorsqu’on les décrit comme des marchandises, c’est entièrement fictif » (op. cité chap. 6, p. 107)
En devenant une sphère autonome régie par ses propres lois, l’économie s’est désencastrée de la société. Polanyi qualifie ce système d’ « autorégulateur ». Il montre que sa mise en place conduit à la destruction des dispositifs traditionnels de protection des individus et les laisse sans défense face à des mécanismes marchands impersonnels et aveugles. Ainsi la suppression en 1834 des anciennes lois sur les pauvres a fait naître au Royaume Uni un marché du travail « libre », c’est-à-dire non réglementé, plaçant les travailleurs dans une situation de très forte précarité. L’économie de marché, que Polanyi qualifie de « fabrique du Diable », est alors apparue dans toutes ses dimensions à l’issue d’un processus historique et politique qui n’a rien de « naturel ».
Pour en savoir plus sur Karl Polanyi:
III – Elle relève d’un « ordre spontané » selon FV Hayek (1899-1992)
Selon Hayek, les processus de marché sont inscrits dans l’ordre naturel des choses, à la différence de Polanyi pour qui ils sont institués. Les prix qui se forment sur le marché agissent comme des signaux orientant les comportements des agents et déterminant ce qui doit être produit, comment le produire et en quelle quantité. Si on laisse jouer ces mécanismes, si on observe ces signaux, cela débouche spontanément sur un ordre et non sur le chaos. Sa notion d’ « ordre spontané » est dans la droite ligne de la métaphore de la main invisible. Cet ordre est supérieur à tout autre en termes d’efficacité. Quant à la justice sociale, elle ne saurait être un objectif, sous peine de s’engager sur « la route de la servitude » (titre de son ouvrage de 1944). Si le gouvernement cherche à corriger les effets jugés indésirables du fonctionnement de ces règles du jeu, il est amené peu à peu à contrôler toute la vie de la société et à supprimer les libertés fondamentales. Hayek a donc argumenté en faveur d’un libéralisme radical et intransigeant niant quasiment toute légitimité à l’action de l’Etat dans la sphère de l’économie.
Pour en savoir plus sur Friedrich von Hayek:
- http://www.lepoint.fr/editos-du-point/sebastien-le-fol/la-route-de-la-servitude-autopsie-d-un-livre-culte-09-08-2014-1852525_1913.php
- https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Route_de_la_servitude
IV – Elle est un système qui n’a pas la capacité de s’autoréguler selon Keynes
John Maynard Keynes (1883-1946) s’attache au contraire à démontrer que l’économie de marché n’a pas la capacité de s’autoréguler. En découle une analyse justifiant des interventions des pouvoirs publics dans le domaine économique et social.
Cette analyse sert de fondement aux différentes formes d’ « économie mixte » mises en œuvre dans les P.D.E.M. Dans l’optique de Keynes, les mécanismes de l’échange marchand restent les ressorts fondamentaux de la dynamique économique. Mais il faut les encadrer par des mesures qui en corrigent les effets les plus néfastes et en complètent les lacunes. Si le marché doit rester au cœur du système économique, il faut instituer à sa périphérie des protections mettant en œuvre d’autres principes de coordination et de régulation des activités.
En revanche, rejetant toute problématique réformiste, le courant initié par K Marx (1818-1883) prône l’éradication complète des mécanismes marchands et leur remplacement par une planification autoritaire et centralisée des activités.
- Pour avoir accès au texte de La Théorie Générale:
- Pour aller plus loin: sujet sur “Pourquoi l’économie de marché a-t-elle triomphé de l’économie planifiée ?”
Merci chers éditeurs du Website. Je trouve des contenus de quelques œuvres de SMITH, KENYES, MARX ect…
J’ai du plaisir à vous lire et je suis souvent sur votre site
Merci du service. Que Dieu vous rend la monnaie.