EC 2 – Sujets pour s’entrainer
Table des matières
Deuxième année Thème I – L’internationalisation des économies
Première et deuxième subdivisions – Evolution, théories et organisation des échanges internationaux
Sujet commenté n° I : Le GATT et la montée des protectionnismes, ESSEC, épreuve écrite
Troisième subdivision – Les firmes multinationales et leur rôle dans l’économie mondiale
Thème II – Les paiements internationaux
Troisième subdivision : Le système monétaire européen
Sujet développé n°10 : L’euro, aboutissement ou étape ? Ecricome, épreuve écrite
Thème III– Déséquilibres et politiques économiques et sociales en économie ouverte
Première subdivision – Les différents types de déséquilibres
Thème IV – Le changement social contemporain dans les pays développés à économie de marché
Première subdivision – Développement économique et mutations démographique
Deuxième subdivision – Les transformations des niveaux de vie et des modes de vie
Troisième subdivision – La mobilité sociale
Sujet développé n° 12 : Mobilité sociale, structures sociales et individus
Deuxième année
Thème I – L’internationalisation des économies
Programme de travail
Une étude sérieuse de la question suppose :
– Une bonne connaissance des théories traditionnelles et modernes de l’échange international
– La mémorisation des données essentielles sur l’évolution des échanges internationaux depuis la Révolution industrielle
– L’assimilation des principes de base de l’organisation du commerce international depuis 1945
– La compréhension des enjeux liés à l’essor des firmes multinationales
Subdivisions du thème | Sujets proposés |
L’évolution et les théories des échanges internationaux depuis la Révolution industrielle
L’organisation des échanges mondiaux et la construction d’espaces économiques régionaux depuis 1945 (on privilégie le cas européen) |
Sujet commenté I
Le GATT et la montée des protectionnismes. ESSEC, épreuve écrite |
Les firmes multinationales et leur rôle dans l’économie mondiale | Sujet développé n° 10
Etats et FMN dans la compétition mondiale depuis une vingtaine d’années : affrontement ou coopération ? ESCP, sujet d’oral |
Première et deuxième subdivisions – Evolution, théories et organisation des échanges internationaux
Sujet commenté n° I : Le GATT et la montée des protectionnismes, ESSEC, épreuve écrite
I – Les attentes du jury
Remarques d’ordre général sur le sujet
Le rapport commence par noter :
– que le sujet permettait aux candidats d’exprimer leurs connaissances et leur capacité d’analyse. Pour ce qui est des connaissances, leur champ est clairement délimité : c’est celui du thème VIII en particulier le point 2.
– qu’il invitait les candidats à le situer dans un contexte historique et théorique bien déterminé : celui de l’après seconde guerre mondiale, des théories de l’échange international et des pratiques des Etats dans le domaine des politiques commerciales.
– que bien que facile en apparence, il est vaste par l’ampleur des thèmes à traiter : « La principale difficulté résidait donc dans l’organisation de l’argumentation ».
Remarques sur le plan
Selon le rapport, c’est « avec raison » que le plan le plus fréquemment adopté par les candidats, mettait en avant le désarmement douanier permis par le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade), puis ses faiblesses, voire son incapacité à limiter la montée des barrières situées dans la zone dite grise de la protection. Plus rares, les plans trop historiques ou insistant trop sur l’O.M.C. ont été considérés comme beaucoup moins satisfaisants.
Remarques sur le fond
Selon le rapport, ont été relevés dans les copies des candidats de nombreux points positifs témoignant d’une bonne connaissance de l’organisation des échanges au cours de la seconde moitié du XXème siècle. « Toutefois, cette appréciation globalement positive doit être nuancée au regard des connaissances théoriques et des cadres analytiques mentionnés ».
Sur les négociations multilatérales (les rounds), de nombreuses erreurs ont été constatées sur les dates et la durée de ces différents cycles.
Sur les blocs régionaux, les débats opposant les économistes sur régionalisme et multilatéralisme des échanges ont été largement méconnus. Sur ce point « qui à l’évidence méritait une attention particulière », le rapport fait référence au manifeste du Massachussets Institute of Technology (MIT) publié au début des années 90.
Sur les aspects théoriques, « il apparaît à l’évidence que les candidats maîtrisent mal les théories fondamentales du commerce international ». Le rapport ajoute que « les candidats ont souvent utilisé des conclusions d’analyses théoriques souvent très sophistiquées sans tenir compte de la spécificité des hypothèses qui doit amener à relativiser la portée de ces conclusions. C’est le cas notamment du modèle de Brander et Spencer, dont les limites ne sont pas clairement perçues ». On en déduit qu’ « un effort particulier doit porter sur la maîtrise des outils théoriques utilisés ».
Le rapport regrette également
– qu’un trop petit nombre de copies ait souligné le fait qu’en étendant ses champs de compétences, Le GATT a été contraint de poursuivre des objectifs nouveaux, parfois différents voire même contradictoires.
– qu’ait trop rarement été mentionnée la prolifération du nombre de pays intervenant sur la scène internationale. Or la multiplication de parties prenantes aux intérêts divergents rend les négociations multilatérales difficiles, longues et fastidieuses.
– que n’a pas été assez relevé le fait qu’en changeant de nature le protectionnisme appelle de nouvelles formes d’action. En effet : « L’accroissement des barrières non tarifaires (quotas, restrictions volontaires aux exportations, droits anti-dumping, …) fait qu’une partie croissante des échanges mondiaux relève de mesures administratives (administrated trade) et concerne autant les entreprises que les pays ».
II – La recherche des arguments
A partir des indications du rapport retranscrites ci-dessous, faites le point de ce que vous savez déjà et de ce que vous devez consolider.
Les éléments explicitement mentionnés sont les suivants :
Le Gatt comme réponse aux troubles des années 30
Pour introduire le sujet, il est recommandé de se référer aux désordres économiques et monétaires de l’entre-deux-guerres, période où chaque pays s’efforçait d’améliorer sa situation en « exportant» ses problèmes. Cela suppose que vous sachiez faire état des moyens utilisés: discriminations commerciales, contrôle des changes, mesures protectionnistes diverses.
Il est important d’évoquer ce contexte de régression et de fractionnement du commerce international car c’est lui qui a amené à la construction autour du GATT d’un cadre institutionnel favorable au développement des échanges.
Les principes fondamentaux du GATT
Vous devez avoir bien assimilé les trois principes fondamentaux que les parties contractantes à l’accord s’engageaient à respecter:
– la non discrimination avec la clause de la nation la plus favorisée, la règle de l’égalité de traitement des produits importés et celle de l’interdiction de subventionner les produits exportés.
– La négociation pour faire évoluer les clauses initiales de l’accord et progresser sur la voie de la libéralisation des échanges à travers des négociations commerciales multilatérales ou rounds, dont il est utile de connaître la chronologie.
– la consolidation des résultats acquis lors des rounds de manière à éviter tout retour en arrière
Vous devez également être à même de faire état des dérogations à ces règles du jeu en signalant que des produits bénéficient de règles d’exception, que des pays peuvent être exemptés de la clause de la nation la plus favorisée et que la constitution de zones d’échanges privilégiées est tolérée.
Les sources de difficultés
Elles doivent aussi être bien connues de vous.
Le GATT n’était en effet qu’un ensemble d’accords sans être véritablement une organisation internationale. Durant longtemps son champ d’intervention n’a concerné que les échanges de produits manufacturés. De ce fait son action s’est heurtée à des limitations et à des obstacles que vous devez être capable d’identifier et d’analyser. Les dossiers les plus sensibles qu’il n’a pas été en mesure de traiter ou de faire suffisamment évoluer portaient :
– sur les questions relatives aux échanges de produits agricoles
– sur les mesures relevant des différentes formes de protectionnisme non tarifaire (normes techniques, sanitaires et environnementales notamment)
– sur la formation de blocs commerciaux régionaux qu’il s’est contenté de tolérer.
Le passage à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et l’actualité récente
Sur ce point le rapport note que « les candidats ont avec profit relaté les conditions du passage entre le GATT et L’OMC à l’occasion d’une fin de devoir destinée à élargir le sujet. L’actualité récente est bien restituée par Les candidats (Seattle, etc.). Ils mentionnent tous ou presque l’ambiguïté de la position américaine qui, par les sections 301 puis Super 301 du Trade Act, est contradictoire non seulement avec les principes de réciprocité et de non discrimination mais aussi avec le mécanisme de règlement des différends dans L’OMC. »
La poursuite de nouveaux objectifs
Le rapport attire l’attention des candidats :
– sur la défense de la propriété intellectuelle et la nécessité d’une protection juridique adaptée pour les firmes innovantes
– sur les négociations portant aujourd’hui sur les conditions de travail, l’environnement et les droits de l’homme.
III – La mise en ordre et en forme des idées
Pour vous permettre de mieux appréhender ce qui est attendu de vous en concours, le texte suivant s’inspire de la copie du candidat publiée par le rapport avec la mention : « Bon devoir, bien structuré. Etude synthétique et claire du sujet posé ».
Il en reprend les lignes directrices et respecte l’ordre de succession des arguments, sans chercher à en étoffer la teneur. Cela correspond donc à ce que vous êtes en mesure de faire en 4 heures de travail concentré.
Introduction
Accroche
Entre 1948 et aujourd’hui le volume des échanges internationaux a été multiplié par 25. La croissance de ces échanges a été plus rapide que celle du PNB mondial qui dans le même temps a environ septuplé. L’essor du commerce international a donc été un puissant moteur de la croissance mondiale. Cela fait suite à la signature en 1947 de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce par 23 pays représentant à l’époque 80% du commerce mondial. Cet accord avait pour but l’élimination progressive des barrières douanières dans l’intérêt général. Mais les intérêts particuliers n’ont cessé de remettre en question les principes fondateurs du GATT depuis sa création, et les succès remportés grâce au GATT en terme de réduction du protectionnisme tarifaire semblent éclipsés par la montée de nouvelles formes de protectionnisme.
Problématique et annonce de plan
Le GATT a-t-il donc vraiment pu s’opposer à la montée du protectionnisme?
Nous verrons que si le GATT a rempli son objectif de baisse du protectionnisme tarifaire, il n’a pu empêcher la montée du protectionnisme non tarifaire.
Première partie : le Gatt a fait reculer le protectionnisme tarifaire
La mise en place du GATT
Le GATT a, depuis sa création, un objectif clairement affiché de réduction des obstacles aux échanges internationaux de produits manufacturés. Il s’agit d’éviter la montée des protectionnismes telle qu’elle s’est produite à l’issue de la crise de 1929. La multiplication des obstacles tarifaires et non tarifaires aux échanges et le repli des puissances impérialistes sur les pays qu’elles dominaient avaient alors engendré la contraction du commerce international et par suite l’aggravation de la crise. Ces mesures s’inscrivent dans une tradition de protectionnisme défensif consistant à limiter les importations en cas de difficultés, comme ce fut le cas lors de l’adoption par la France du Tarif Méline en 1892. Cette tradition relève d’une vision mercantiliste du commerce international considérant qu’il n’est qu’un jeu à somme nulle, les gains à l’échange de certains pays étant compensés par la perte des autres.
Le GATT s’oppose à cette vision. Il est l’expression de la vision libérale des échanges mondiaux faisant du commerce international un jeu à somme positive. Dans cette optique le gain de l’échange ne provient pas de l’excédent de la balance commerciale mais de la possibilité de se procurer à des coûts moins élevés des produits dont la production nationale coûterait plus cher. Au plan analytique, la référence majeure est la théorie ricardienne des avantages comparatifs, aux termes de laquelle le libre échange est favorable à tous car il permet une meilleure allocation des facteurs de production.
Ce principe est soutenu par les USA après la Seconde Guerre Mondiale, bien qu’ils aient jusqu’alors fondé leur développement économique sur la mise en œuvre de stratégies protectionnistes promues dès l’indépendance par Hamilton, puis illustrées par Carey. Mais, dans le contexte de la guerre froide, les USA veulent éviter que le scénario de la crise de 1929 ne se reproduise, et appellent à la coopération internationale sous leur égide. Le GATT est donc une convention, fruit de la coopération des Etats, selon l’idée générale que le protectionnisme a des effets néfastes sur la croissance. Cet accord est signé à Genève en 1947 et ouvre la voie du libre échange. L’année suivante, la charte instituant une organisation internationale du commerce est adoptée à la conférence de La Havane, mais ne sera pas ratifiée par le congrès américain et, de ce fait, restera lettre morte. Les principes fondamentaux du GATT sont l’égalité de principe entre tous les Etats membres, la non-discrimination, qui empêche un pays de refuser l’entrée de son marché à un pays en particulier, la clause de la nation la plus favorisée, qui garantit l’alignement des régimes sur celui du pays le plus avantagé, et le traitement national, qui assure aux entreprises étrangères les mêmes conditions que les entreprises nationales. Du respect de ces principes est attendu le développement des échanges et l’ouverture des marchés nationaux.
Les succès du GATT
Le GATT a, en effet, remporté des succès en matière de réduction des barrières protectionnistes: son efficacité s’est particulièrement fait sentir dans la réduction des droits de douane et même leur suppression totale dans certains secteurs. Le GATT a donc agi efficacement sur le protectionnisme tarifaire traditionnel, qui est le plus visible. Les cycles de négociations, encore appelés rounds (vérifiez que vous en connaissez la chronologie ainsi que la liste des thèmes abordés), ont permis cette réduction, mais également l’élargissement progressif des discussions à des domaines de plus en plus sensibles, en particulier l’ agriculture, les services et la propriété intellectuelle.
Le GATT a connu également une forte augmentation du nombre de pays contractants. Ils sont au nombre de 120 à la fin de l’année 1994, ce qui marginalise les pays non signataires. Le GATT a ainsi fortement accru son influence et a pu garantir de plus en plus le respect des principes du libre-échange. Ainsi, le GATT semble avoir empêché qu’à l’occasion de la crise des années 70 ne se reproduise le même scénario que dans les années 30 : la crise n’a pas causé de repli protectionniste. Au contraire, les pays ont considéré que l’ouverture internationale accrue pouvait être une voie de sortie de crise, et ont mis en place des politiques de décloisonnement et de déréglementation.
Transition
Le GATT semble donc bien avoir fait reculer le protectionnisme. Pourtant, l’ouverture accrue a pu être considérée comme une source de fragilisation des économies, entraînant le recours au protectionnisme sous des formes renouvelées.
Deuxième partie : Le GATT n’a pas été réellement capable d’empêcher la montée des protectionnismes, dont les formes se multiplient.
La contestation du GATT
Face à l’ouverture croissante des marchés et aux effets pervers qui en découlent, le discours libéral est remis en cause et avec lui les principes du GATT.
Les réactions protectionnistes
Les pays en développement dont les économies souffrent de spécialisations défavorables subissent une dégradation de leurs termes de l’échange. Dans les années 60 ces pays dénoncent le libre échange qui manifestement ne favorise pas tous les pays, comme l’explique la théorie des avantages comparatifs, mais seulement les pays riches à spécialisation progressive.
Référez vous ici aux thèses tiers mondistes et en particulier aux positions de Pierre Jalée sur Le Pillage du Tiers Monde ou d’Arghiri Emmanuel sur L’Echange Inégal (vous devez être capable d’expliquer le sens de cette expression).
Dans cette perspective le GATT est contesté comme instrument au service des pays riches. Le commerce international apparaît comme un frein au développement et le protectionnisme est jugé nécessaire.
Les pays riches eux-mêmes connaissent un retour du discours protectionniste dans les années 90 : l’ouverture croissante due au GATT est perçue comme responsable du chômage de masse, car des pans entiers de l’industrie sont touchés par les délocalisations. Dès lors, les salariés des secteurs exposés à la concurrence mondiale font pression sur les gouvernements pour qu’ils prennent des mesures défensives. Ces derniers accusent les nouveaux pays industrialisés de concurrence déloyale, en raison de la faiblesse de leurs salaires et de l’absence de protection sociale qui leur permet de pratiquer des prix de dumping.
L’aménagement des principes
Confronté à ces critiques, le GATT a admis un protectionnisme offensif si il permet à terme une meilleure insertion dans les échanges internationaux. Ainsi les pays en développement peuvent mettre en place un protectionnisme éducateur, qui, selon F. List, permet de protéger les industries naissantes qui n’ont pas encore atteint la compétitivité exigée par la concurrence mondiale.
De même les pays industrialisés peuvent protéger leurs industries vieillissantes afin de réussir leur reconversion, conformément aux préceptes de Kaldor. Ainsi les accords multifibres ont été signés entre pays riches et pays émergents pour protéger le secteur textile des premiers.
La montée de nouvelles formes de protectionnisme
Mais les pays signataires du GATT ne s’en sont pas tenus aux exceptions accordées par celui-ci et en ont contourné les règles. En effet, la baisse du protectionnisme tarifaire s’est accompagnée de la montée du protectionnisme non tarifaire qui est moins visible. Pour s’insérer dans les échanges, certains pays mènent une politique commerciale stratégique au sens de Krugman en subventionnant des industries motrices. Les subventions, les quotas ou les conditions de production locale sont autant de moyens détournés de limiter les importations et de protéger des secteurs menacés, tels que l’agriculture en Europe. Les normes sanitaires exigées peuvent également permettre de refuser des produits importés au nom du principe de précaution. De même certains pays pratiquent le dumping monétaire, qui consiste à maintenir un taux de change sous-évalué pour favoriser la compétitivité-prix, ou même le dumping social qui maintient des salaires très faibles. Le GATT n’a pas prévu cette multiplication des formes de protectionnisme qui conduit au néo-mercantilisme: le caractère coopératif du GATT est oublié en faveur de la défense des intérêts nationaux.
Le GATT a également du tolérer le mouvement de régionalisation, qui est une nouvelle forme de protectionnisme malgré la création de zones de libre-échange. En effet, ces zones n’entraînent pas seulement une création de flux commerciaux nouveaux, mais aussi un détournement de flux anciens qui favorise les états membres. Ainsi l’ALENA, l’ASEAN, le Mercosur, etc., et surtout l’Union Européenne, pratiquent la préférence communautaire afin de desserrer la contrainte extérieure et de limiter les coûts de transaction liés au commerce international. Le GATT n’a pas les moyens de s’opposer à la formation de ces blocs régionaux qui conduisent à la polarisation des échanges et la marginalisation des pays qui n’en font pas partie.
La faiblesse du GATT, qui l’empêche de lutter efficacement contre le protectionnisme, provient surtout de son statut. En effet, le GATT est un accord signé entre les Etats et n’a pas d’existence concrète en tant qu’institution: ceux qui ne respectent pas ses règles n’ont à craindre que les représailles éventuelles de leurs partenaires et non une sanction directe du GATT. C’est cette faiblesse qui a mis en avant la nécessité, lors de l’Uruguay Round, de créer une réelle institution mondiale du commerce, l’O.M.C., instituée le 1er janvier 1995. L’OMC dispose d’un organe de règlements des différends qui assume un meilleur respect des règles de libre-échange et s’est d’ores et déjà attaqué à la baisse des protections non tarifaires.
Conclusion du candidat
Le GATT, préconisé par la théorie libérale, a engendré la baisse du protectionnisme tarifaire depuis la Seconde Guerre Mondiale et l’ouverture croissante par la déréglementation. Mais l’ouverture accrue des économies a engendré un néo-mercantilisme, remettant en cause les principes du GATT et multipliant les formes de protectionnisme. Le GATT s’est alors trouvé démuni face au protectionnisme non tarifaire, du fait même de son statut. Aujourd’hui c’est l’O.M.C. qui a pour rôle de baisser les barrières protectionnistes. Mais, actuellement, aucun pays ne semble avoir intérêt à refuser l’insertion dans le commerce mondial, les stratégies autocentrées ayant été un échec. Les PED réclament juste une meilleure prise en compte de leurs voix, ce qui pourrait être fait grâce à l’entrée de la Chine prochainement à l’O.M.C. (la copie a été rédigée avant l’entrée de la Chine dans l’O.M.C. qui devint effective le 11 décembre 2001).
Troisième subdivision – Les firmes multinationales et leur rôle dans l’économie mondiale
Sujet développé n°9 : Etats et FMN dans la compétition mondiale depuis une vingtaine d’années : affrontement ou coopération ? (ESCP, sujet d’oral)
Affronter les termes du sujet
Firmes multinationales (F.M.N.)
Une FMN est une entreprise qui possède au moins une filiale à l’étranger et qui produit hors de son territoire d’origine à l’aide de ces filiales. On utilise aussi le terme de firme transnationale qui peut être considéré comme synonyme.
C.A. Michalet définit ce type de firmes comme une entreprise « le plus souvent de grande taille, qui, à partir d’une base nationale, a implanté à l’étranger plusieurs filiales dans plusieurs pays, avec une stratégie et une organisation conçues à l’échelle mondiale ». De cette définition ressort l’idée d’une entité en mesure de penser globalement et non de manière inféodée à un Etat. Ces entreprises n’auraient pas de loyauté spécifique et prendraient leurs décisions selon des questions d’économie d’échelle, de politique fiscale et de rapatriement des profits. Elles suivraient leur propre logique, en dépit des frontières étatiques, ou même en profitant des disparités entre les Etats. De ce fait, elles auraient un rôle à part entière dans les relations internationales.
Les entreprises deviennent des multinationales en investissant à l’étranger. C’est donc l’analyse des investissements directs à l’étranger (IDE) qui rend compte de leurs stratégies. Par IDE on entend une opération d’exportation de capital visant soit à créer une filiale à l’étranger, soit à prendre le contrôle d’une entreprise déjà existante. Cette volonté de contrôler la gestion de l’entité qui rentre dans le périmètre de la FMN différencie les IDE des placements de portefeuille. A travers les IDE, les FMN sont devenues le vecteur principal des transferts de capitaux, et donc de richesses entre les pays.
Etats : il n’y a pas lieu ici de se lancer dans une exégèse du mot Etat. Il est simplement à prendre dans le sens de l’autorité qui détient le pouvoir politique sur un territoire donné.
Depuis une vingtaine d’années : le sujet demande de remonter à la décennie des années 80 pendant laquelle l’internationalisation des activités a connu un très net phénomène d’accélération.
Compétition mondiale : cette accélération a mis en concurrence les entreprises et les territoires dans le contexte de ce qu’il est convenu d’appeler la mondialisation.
Affrontement ou coopération : ces deux termes indiquent clairement que le sujet porte sur les stratégies menées par les FMN et les Etats, et sur le degré de conflictualité de leurs relations.
Répondre aux attentes des examinateurs
C’est un sujet dont le traitement suppose une bonne connaissance des évolutions intervenues dans le domaine du commerce et de la finance internationale depuis le tournant libéral. Mais au sein de ce champ étendu, il faut savoir faire preuve de suffisamment d’aisance pour sélectionner ce qui concerne spécifiquement les stratégies des firmes puis relier ces éléments aux politiques mises en œuvre par les Etats. L’enjeu est de ne pas perdre de vue le couple affrontement/coopération. Les relations entre les FMN et les Etats relèvent à la fois de l’attraction et de la répulsion. Par certains aspects les Etats se servent des FMN comme instruments de leur puissance. Mais du fait qu’elles ne sont pas sous la dépendance juridique fiscale ou politique d’un Etat en particulier, les FMN peuvent échapper aux contraintes que cherchent à leur imposer les Etats. Elles peuvent aussi mettre à profit les rivalités interétatiques pour atteindre leurs objectifs propres. Le sujet a donc des implications socio-politiques et dépasse le cadre de la seule analyse économique. Pour ne pas s’égarer, il faut être particulièrement attentif à la structuration de l’argumentation.
Trouver les articulations du raisonnement
Un plan simple consisterait à d’abord montrer comment les choix effectués par les Etats ont modifié le cadre des échanges de biens, de services et de capitaux et stimulé la montée en puissance des FMN depuis un quart de siècle. La deuxième partie porterait sur les stratégies mises en œuvre par les firmes pour utiliser à leur profit ces nouvelles règles du jeu et modifier le contexte dans le sens de leurs intérêts. La troisième analyserait les interactions des stratégies des unes et des autres en soulignant l’ambiguïté de leurs relations qui oscillent entre l’affrontement et la coopération. Ce plan a le défaut de comporter deux parties assez descriptives et de n’aborder le fond de la question posée que dans la troisième.
On peut donc lui préférer un plan reprenant la première partie du précédent, puis montrant que les Etats et les FMN entretiennent par bien des aspects des relations de conflit, pour ensuite souligner le fait que depuis les années 80 les évolutions observées ont été dans le sens d’une interdépendance mutuelle.
Repérer les connaissances et les auteurs à mobiliser
Mobilisez ce que vous savez :
– Sur les théories de l’entreprise multinationale, de Mundel à Duning (modèle O.L.I.)
– Sur la libéralisation des échanges commerciaux, de l’Uruguay round au fonctionnement actuel de l’OMC, en passant par les progrès de la régionalisation des échanges
– Sur l’élimination progressive des obstacles à la libre circulation des capitaux et le processus de globalisation financière
Référez vous également aux ouvrages de P. Krugman, de R. Reich et de C-A. Michalet reférencés plus bas.
Rédiger l’introduction
Amener le sujet
Depuis le début des années quatre vingt, l’internationalisation des activités économiques a connu une forte accélération. Etats et firmes multinationales (F.M.N.) sont les deux acteurs majeurs de ce processus de mondialisation qui met en compétition les entreprises et les territoires. Son déroulement est le fruit de la conjonction de leurs stratégies.
Définir une problématique
Sont-elles placées sous le signe de l’affrontement ou de la coopération ?
Annoncer le plan
Pour répondre à cette question il est nécessaire de montrer comment les Etats ont contribué à la montée en puissance des FMN puis d’analyser les éléments qui témoignent de leurs conflits pour mettre ensuite en évidence leur interdépendance mutuelle.
Dérouler les lignes directrices du raisonnement
I – Les décisions impulsées par les Etat ont stimulé la montée en puissance des FMN
Prises sous l’influence des idées libérales devenues dominantes, ces décisions ont été dans le sens de la libéralisation de l’économie mondiale
Montrez d’abord que le libre-échange a continué à progresser à travers les discussions de l’Uruguay Round (de 1986 à 1993), puis la création de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 1995 et la mise en place de son organisme de règlement des différends. Cela s’est accompagné de la poursuite du processus de création ou d’approfondissement de blocs régionaux. Cette ouverture des marchés a suscité de nouvelles opportunités de croissance pour les FMN qui ont aussi bénéficié de l’essor des marchés financiers. La globalisation financière leur a en effet permis d’élargir leurs sources de financement, de mieux se prémunir contre les risques de change et de taux par le recours aux marchés dérivés et d’atteindre la taille critique par des opérations de fusions-acquisitions menées à l’échelle internationale.
Ce nouveau cadre dessiné par les Etats (posez vous la question de leurs objectifs) a conféré une importance grandissante aux FMN qui ont grandi en nombre et en influence.
A ce stade, faites le point de ce que vous savez sur les points évoqués ci-dessus et complétez vos lacunes éventuelles.
Grâce au processus de libéralisation commerciale et financière, le rôle des FMN a été croissant
L’existence de ces firmes n’est pas une nouveauté. Mais en impulsant la libéralisation des échanges, les Etats ont contribué à la montée en puissance et en nombre de ce type de firmes
Au début des années 80, selon la CNUCED (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement), on comptait 7000 firmes transnationales. En 2002 elles étaient 64 000, contrôlant 870 000 filiales, employant 54 millions de salariés et représentant 70 % des flux commerciaux mondiaux.
De même, les IDE évalués à 1600 milliards de dollars en 1990 sont passés à 6600 milliards en 2001.
Dès lors, il est devenu courant de comparer ces firmes à des Etats en mettant en parallèle leurs chiffres d’affaires (CA) et le produit intérieur brut (PIB) des nations et par exemple d’avancer, comme l’a fait le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) que la société américaine Ford équivalait à la Norvège.
Ces analogies ne sont guère pertinentes car cela n’a pas de sens de mettre sur le même plan le PIB d’un pays et le CA d’une entreprise (précisez les raisons de cette assertion).
Les firmes transnationales n’en jouent pas moins un rôle très important dans l’économie mondiale. Leurs poids y est croissant en raison de la multiplication des opérations de fusions ou acquisitions. Or ces entreprises de plus en plus concentrées sont le vecteur principal des transferts de capitaux, et donc de richesses entre les pays sur l’économie desquels elles exercent une influence qui n’est plus marginale. Leur rôle est devenu si important qu’il faut désormais l’envisager sous l’angle de la puissance en considérant qu’elle n’est pas simplement une question de souveraineté, d’armée ou de territoires, mais une combinaison complexe d’éléments qu’elles puisent de la position qu’elles occupent dans la capture et la distribution des richesses. Dans cette perspective, on est fondé à penser qu’il existe une véritable puissance des sociétés multinationales. Toutefois ce constat est à relativiser car une entreprise défend ses intérêts propres, limités aux secteurs dans lesquels la firme est présente, à la différence des intérêts étatiques. La puissance des FMN est donc limitée par définition.
Transition Etats et FMN sont donc deux types d’organisation de nature très différente. Mais le choc de leurs intérêts peut les conduire à s’affronter.
II- Etats et FMN entretiennent des relations qui peuvent être de nature conflictuelle
Les firmes transnationales sont-elles une menace pour les États ?
En raison de la logique opportuniste qui les anime, les FMN peuvent être considérées comme des menaces pour les États. Elles créent en effet leur propre espace économique, indépendamment des États. Leur réactivité leur permet de les mettre en concurrence en exploitant la disparité de leurs législations sociales ou environnementales. La souveraineté des États est alors soumise aux stratégies globales des plus grandes multinationales.
C’est particulièrement net dans le cas des PVD. Elles peuvent :
– en exploiter massivement les ressources naturelles
– y relocaliser leurs activités les plus polluantes
– y avoir recours à la corruption.
En cas de fraudes, il est difficile de les réprimer car le droit international privé, qui est de nature interétatique, ne dispose que de faible moyens pour les atteindre. Dans les républiques dites bananières leurs pouvoirs peut aller jusqu’au contrôle des pouvoirs publics comme ce fut le cas au Guatemala dans les années 50 sous le régime du général Arbenz. Au Chili, on a même accusé la firme ITT (International Telephone & Telegraph), dirigée à l’époque par le financier Harold Geneen, d’avoir favorisé la chute du gouvernement Allende en 1973.
Ces limitations de souveraineté concernent aussi les PDEM
Les firmes transnationales sont le vecteur principal des transferts de capitaux, et donc de richesses. Par ce biais elles sont en mesure d’influencer le solde à financer de la balance des paiements d’un pays (vérifiez que vous connaissez bien la présentation, la structure et les principaux soldes de ce document comptable), mais aussi le niveau de l’emploi, le niveau de vie ou la protection sociale de sa population.
Pour J. Stopford et S. Strange, « les Etats sont désormais en compétition plus pour des moyens de créer de la richesse sur leur territoire que pour de la puissance sur un plus grand territoire. Là où ils avaient l’habitude de se concurrencer pour de la puissance comme un moyen d’obtenir des richesses, ils se concurrencent désormais plus pour des richesses comme un moyen de puissance».
Dans cette perspective, les Etats s’affrontent désormais pour attirer les IDE des firmes transnationales. A cet effet, ils déploient des stratégies pour accroître l’attractivité de leur territoire par la fourniture d’infrastructures de qualité mais aussi par des subventions, des bonifications de taux d’intérêt, des exonérations d’impôt, la création de zones franches et l’allègement des charges sociales.
Plus généralement l’organisation et l’importance de ces sociétés créé une « interdépendance globale », ce qui entraîne forcément une perte d’autonomie des États.
Face aux FMN les Etats ne sont toutefois pas désarmés.
Dans le passé, certains ont agi contre elles de manière unilatérale : en se basant sur une déclaration onusienne de 1952 reconnaissant « aux pays insuffisamment développés le droit de disposer de leurs richesses naturelles », 1639 procédures de nationalisations ont été lancées entre 1960 et 1975. Mais leur nombre est tombé à 47 dans la décennie suivante.
Ils ont aussi coopéré au sein d’organisations internationales telles que l’ONU, l’OCDE ou l’OIT. Mais ces réponses multilatérales n’ont le plus souvent qu’un caractère facultatif ce qui les rend peu efficaces. Certaines mesures prises à des niveaux régionaux peuvent néanmoins s’avérer contraignantes pour les firmes transnationales. L’Union européenne qui interdit les ententes concertées ou les abus de position dominante a ainsi infligé de fortes amendes à Microsoft pour inciter cette firme à modifier ses pratiques.
De surcroît, de même que les FMN peuvent mettre en concurrence les Etats, ceux-ci peuvent mettre en concurrence les FMN : l’attribution à Airbus et non à Boeing d’un très gros contrat de fournitures à l’armée américaine en mars 2008 en est un exemple.
Transition : Les Etats et les FMN peuvent donc s’affronter. Mais aujourd’hui la tendance dominante va dans le sens de la coopération.
III – Les évolutions ont été dans le sens d’une interdépendance mutuelle
Les Etats développés se servent des FMN qui sont un des facteurs de leur puissance
Les FMN ayant le plus souvent un centre principal de décision, l’État où ce centre est implanté peut avoir sur elles une influence et les utiliser comme instruments de sa politique.
On est aussi fondé à penser que la nation d’origine influence la capacité de ses firmes à réussir dans certaines industries dans le cadre de politiques commerciales stratégiques définies conjointement. Reportez vous au modèle de Brander et Spencer et aux analyses de Krugman pour argumenter ce point. Dans certains cas la mainmise de l’État est encore plus évidente. C’est en France le cas d’une entreprise publique comme EDF qui est aussi une firme multinationale.
Dans tous les PDEM, les firmes transnationales sont soutenues par leurs gouvernements dans l’obtention de nouveaux marchés. Dans leurs déplacements à l’étranger, les chefs de l’exécutif se comportent comme des super représentants de commerce. Les activités des FMN permettent en effet aux États d’origine de stimuler leur croissance grâce à la signature de grands contrats, mais aussi d’intervenir en dehors de leurs frontières, d’influencer les États rivaux et d’augmenter leur rayonnement international.
A ce titre, elles sont un instrument de leur domination sur les PVD selon l’école de la dépendance qui les dénonce en tant qu’outil de l’exploitation de la périphérie par le centre. On leur a notamment reproché de diffuser des modes de consommation inadaptés aux pays du sud
L’exemple du lait en poudre en Afrique sub-saharienne est souvent cité pour illustrer ce point.
On a aussi fait valoir que les firmes transnationales semblent le plus souvent agir dans l’intérêt du centre. Ainsi l’industrie pharmaceutique consacre une part infime de ses dépenses de recherche au traitement des pathologies les plus répandues dans les pays en développement.
Les FMN peuvent-elles être des facteurs de développement ?
Ce jugement très négatif porté sur les FMN doit toutefois être sérieusement nuancé. Au Sud comme au Nord les Etats recherchent en effet leur coopération. Ils ont désormais la volonté d’attirer les investissements de ces firmes transnationales sur leurs territoires. C’est dans ce sens que sont créées des zones franches, ou des sociétés mixtes ouvertes aux capitaux étrangers. Des infrastructures, comme des autoroutes ou des aéroports, sont construites pour faciliter l’implantation de filiales de ces entreprises. C’est une véritable diplomatie de persuasion qui est mise en place à leur intention.
On observe également que les Etats producteurs de matières premières obtiennent une bien meilleure rémunération que dans le passé en contrepartie de l’exploitation de leurs ressources naturelles, et que la rente qui leur est versée a considérablement augmenté. L’heure du conflit semble s’éloigner, ainsi qu’en témoigne la quasi-disparition des procédures de nationalisation évoquées plus haut. C’est une véritable interdépendance mutuelle qui semble s’être instituée entre les firmes et les États qui leur confient le développement de nombreuses activités dans des domaines sensibles comme la gestion de l’eau, du gaz, de l’électricité, de la dépollution, des infrastructures ou de la recherche.
Aujourd’hui, deux tendances se dessinent. Tout d’abord, la multinationalisation n’est plus le monopole des grandes firmes, puisque de plus en plus de PME pensent à s’implanter directement à l’étranger. Ensuite, des firmes multinationales venant de pays émergents commencent à peser sur l’économie mondiale. A titre d’exemple, la firme indienne Mittal a récemment pris le contrôle du sidérurgiste européen Arcelor.
Résumer et répondre
Les firmes transnationales jouent certainement un rôle majeur dans les mutations qui ont transformé le monde depuis un quart de siècle. On ne peut que constater l’ambivalence et l’ambiguïté de leurs relations avec les Etats. Entre ces acteurs, les relations obéissent en définitive à des jeux complexes. Les FMN peuvent jouer des rivalités entre les Etats mais ont également entre elles des relations de conflit que peuvent exploiter les Etats eux-mêmes en situation d’affrontement ou de coopération selon les cas. C’est manifestement un champ d’investigation intéressant pour la théorie des jeux.
Ouvrir
La question est toujours l’objet de débats passionnés, mais le jugement sur les FMN est aujourd’hui plus nuancé que dans les années 70 où les tenants du nouvel ordre international voulaient mettre au pas les FMN. Le point de vue tiers mondiste apparaît dépassé, les FMN sont vues comme d’indispensables catalyseurs du développement.
Réfléchir sur des sujets voisins
Sujet d’écrit
Depuis 1945 les nations et les firmes multinationales ont mené des stratégies variées dans le domaine commercial comme dans le domaine financier. Vous en analyserez les enjeux
Sujets d’oral de l’ESCP
Quels sont les effets de la globalisation sur les firmes des grands pays industrialisés depuis le milieu des années 80 ?
Les firmes multinationales contribuent-elles au développement ?
FMN et développement
Dans quelle mesure les firmes multinationales mettent-elles en concurrence les économies nationales ?
Les firmes ont-elles intérêt à s’internationaliser ? Vous appuierez vos assertions par des exemples historiques précis.
Conforter ses connaissances
Outre votre manuel Pearson, vous pouvez consulter les ouvrages suivants :
Andreff Wladimir, Les Multinationales globales, La Découverte, Paris, 1996
Bedjaoui Mohammed, Puissance faustienne des firmes multinationales, Pour un nouvel ordre économique international, Unesco, Paris, 1979
Krugman Paul, La mondialisation n’est pas coupable, La Découverte/Poche, 2000
Michalet Charles-Albert, Qu’est ce que la mondialisation ?, La Découverte, Paris, 2002
Rainelli Michel, Le commerce international, Repères, La découverte, 2002
Reich Robert, L’économie mondialisée, Dunod, 1993
En anglais:
Strange Susan, The Retreat of the State: The Diffusion of Power in the World Economy, Cambridge University Press, Cambridge, 2000
Strange Susan, Stopford John M., Henley John S., Rival States, Rival Firms : Competition for World Marker Shares, Cambridge University Press, Cambridge, 1991
S’appuyer sur des citations
« Face à la concentration de puissance des multinationales, la capacité de l’Etat-nation à gérer son propre système économique est mise en question »
Charles Levinson, L’inflation et les firmes multinationales, Le Seuil, 1976
“Ce n’est pas parce que les firmes multinationales investissent en Afrique que cette dernière est sous-développée, c’est au contraire parce qu’elles n’y sont pas assez présentes”.
Arghiri Emmanuel, Technologies appropriées, technologies sous-développées, Presses Universitaires de France (PUF), 2e éd. mise à jour, 1982
« Au fur et à mesure que l’économie de marché élargit son territoire, les multinationales gagnent en légitimité. Suspectes hier, elles sont aujourd’hui courtisées. »
Gilles Coville, L’Expansion, 18-30 octobre 1990.
Mémoriser des points de repère et des ordres de grandeur
Vous trouverez ci-dessous quelques données sur l’influence des FMN dans l’économie française.
A la fin de l’année 2003, les 17 900 filiales de groupes étrangers en France réalisent 17 % de la valeur ajoutée des quelque 2,6 millions de sociétés de l’ensemble du système productif.
Dans l’industrie (y compris l’énergie), la part de valeur ajoutée réalisée par les groupes étrangers en France atteint 28 %. Dans le commerce de gros, la présence des groupes étrangers est significative : ils réalisent 28 % de la valeur ajoutée. C’est dans les services que leur poids, encore faible, a le plus progressé. Depuis 1993, il a été multiplié par trois pour atteindre 12 % à la fin de 2003.
Toujours en 2003 et en France, la taille moyenne d’une société est de 5 salariés. Celle des filiales de groupes étrangers est de 105 salariés. Un écart de cette ampleur n’est pas une exception française : il se retrouve dans tous les pays industrialisés et tient principalement au fait que la présence à l’étranger est, par nature, le fait de grands groupes internationaux. Au contraire, la plupart des sociétés françaises ne sont pas organisées en groupe et sont de petite taille : celles de moins de 20 salariés concentrent 30 % de l’emploi en France, alors qu’elles ne représentent que 2,5 % des emplois pour les groupes étrangers en France. Ces derniers concentrent, en revanche, 60 % de leurs salariés dans des sociétés de 100 à 2 000 personnes, et 30 % de leurs salariés dans des sociétés de 500 à 2 000 personnes.
A la même date, les groupes des pays de l’OCDE (Amérique du Nord, Europe, Japon et Corée) emploient 99 % des salariés de l’ensemble des groupes étrangers en France. Les groupes de l’Union européenne en emploient les deux tiers, hors secteur financier. Cette concentration traduit l’interpénétration des économies de la zone
L’Allemagne, premier partenaire commercial de notre pays, est aussi le premier investisseur européen en France par le nombre de filiales (2 600) et d’emplois contrôlés (280 000). Cependant, le premier investisseur dans l’Hexagone demeure les États-Unis : 430 000 personnes travaillent dans des groupes américains, soit presqu’ un quart des emplois sous contrôle étranger.
Les sociétés contrôlées par un groupe étranger sont généralement situées soit en Ile-de-France, soit dans les régions frontalières
En dehors du secteur très atypique des holdings, la présence étrangère en France est d’abord industrielle : le secteur de l’industrie, y compris l’énergie, concentre la moitié des effectifs. C’est deux fois plus que dans l’ensemble des firmes françaises. Entre 1993 et 2003, les groupes étrangers ont élargi leur présence dans l’industrie en augmentant d’un tiers le nombre de leurs salariés dans ce secteur. Dans les services, où leur poids est encore faible, ils progressent beaucoup plus vite : sur la période, le nombre d’emplois sous contrôle étranger y a été multiplié par 3,7.
Source : Insee Première n°1069, mars 2006, Les groupes étrangers en France, En dix ans, 1,8 fois plus de salariés, Jean-William Angel et Virginie Régnier.
Thème II – Les paiements internationaux
Programme de travail
Pour maîtriser cet aspect du programme, vous devez :
– Savoir lire et interpréter les chiffres de la balance des paiements
– Connaître les principes de l’enregistrement des grandes catégories d’opérations effectuées par les agents résidents avec le reste du monde
– Avoir compris les mécanismes et les déterminants du taux de change
– Avoir appris votre cours sur le système monétaire international et le système monétaire européen
Subdivisions du thème | Sujets proposés |
La balance des paiements et le marché des changes.
Système monétaire international et internationalisation financière depuis le 19ème siècle |
Sujet commenté II
«Analysez l’évolution du système monétaire international des accords de Bretton Woods au flottement des monnaies» – ESSEC, épreuve écrite |
Le système monétaire européen | Sujet développé n°11 : L’euro, aboutissement ou étape ? Ecricome, épreuve écrite
: |
Première et deuxième subdivision – La balance des paiements, le marché des changes, le système monétaire international
Sujet commenté N° II
«Analysez l’évolution du système monétaire international des accords de Bretton Woods au flottement des monnaies». ESSEC, épreuve écrite
I – Les attentes du jury
Le rapport commence par constater que le sujet ne portant que sur le programme de seconde année, son traitement s’en trouvait facilité pour les candidats. Mais c’est pour immédiatement ajouter que cette facilité n’est qu’apparente et qu’il s’agit d’un sujet complexe à traiter car nécessitant une bonne compréhension des forces et des faiblesses de l’étalon de change-or, « en fait très particulier », institué à Bretton Woods en 1944, ainsi que des faits de l’histoire monétaire survenus depuis cette date.
Il est ensuite précisé que les candidats se trouvaient face à trois écueils essentiels:
– proposer une articulation, la plus logique possible, entre des faits historiques monétaires foisonnants, même s’ils sont assez récents, et des éléments de théorie économique, eux-mêmes assez riches
– être précis dans l’énoncé des faits en ayant le souci de respecter les dates et les lieux
– fournir une analyse positive et normative d’un sujet parmi les plus controversés de l’économie.
Pour ce qui est du premier point, le rapport constate que la grande majorité des candidats a choisi un plan historique. Ce choix a conduit à favoriser les faits plutôt que l’analyse. « Cela n’est pas répréhensible en soi », mais « dans l’idéal, le jury aurait préféré un plan qui mette plus les faits au service de l’analyse ». Tout en précisant qu’il ne s’agit pas du seul plan possible, il est suggéré dans une première partie de présenter les vertus comparées du régime de changes fixes et du régime de changes flottants puis, dans une seconde partie, de confronter les attendus théoriques aux faits, c’est-à-dire au fonctionnement du SMI, pendant et après l’application des accords de Bretton Woods.
Sur le deuxième point le jury indique qu’il « n’a pas relevé un nombre trop important d’erreurs graves même si quelques dérapages chronologiques qui nuisent bien évidemment à la qualité de la dissertation ont été notés (R. Reagan, Président des USA en 1971…) ». Toutefois il aurait souhaité « que les candidats fassent mieux la distinction entre les mesures de politiques économiques et leurs conséquences sur le fonctionnement du SMI ».
Quant au troisième point, relatif à l’analyse, il est d’abord observé que « les candidats ne maîtrisent pas toujours parfaitement les concepts qu’ils utilisent » et qu’en particulier « l’étude insuffisamment détaillée du modèle de Mundell-Fleming peut conduire à des conclusions partielles, voire même erronées ». Mais il est ensuite noté que « les candidats arrivent en général à expliciter de façon satisfaisante les principales controverses entre Keynésiens et Monétaristes et à justifier pourquoi il convient de favoriser un régime de change plutôt qu’un autre à un moment précis de la conjoncture internationale ».
Cette remarque positive est toutefois subordonnée à une bonne compréhension du libellé du sujet. Le rapport précise à cet égard qu’on devait traiter non seulement des changes fixes mais aussi des changes flottants :
« Cette question ne souffre d’aucune ambiguïté puisque dès 1971, c’est à dire cinq ans avant la fin officielle de l’application des accords de Bretton Woods, le SMI a fonctionné sous un régime de changes flottants même si le flottement était imparfait du fait notamment de la mise en place du serpent monétaire européen ».
En revanche, le jury a considéré qu’il n’y avait pas lieu de sanctionner les candidats ne traitant pas les années qui ont suivi les accords de la Jamaïque (1976), puisque le sujet ne donnait pas d’indications précises sur ce point.
II – Les connaissances à mobiliser
A partir des indications du rapport retranscrites ci-dessous, faites le point de ce que vous savez déjà et de ce que vous devez consolider.
Les éléments explicitement mentionnés par le jury sont les suivants :
Définitions et caractéristiques des systèmes qui se sont succédés au 19 et 20ème siècle
Il est recommandé de donner en introduction une définition de ce qu’est un système monétaire international (S.M.I.).
Il est également suggéré de rappeler les caractéristiques du SMI associé à l’étalon or, avant 1914, et à un étalon de change or pendant l’entre deux guerres, car cela apporte des éléments de réponse pertinents à la question posée. Il apparaît en effet que le SMI d’avant 1914 était un régime de changes fixes comme celui de Bretton Woods, mais qu’il était régulé par le marché des changes comme c’est le cas d’un système de changes flottants. Le critère de la fixité ou non des changes doit donc être croisé avec celui du principe de régulation du système, qui peut être administré ou régi par des mécanismes de marché.
Caractéristiques et défauts du SMI de Bretton Woods
Il est demandé de faire état des caractéristiques et des principes de base du système mis en place à Bretton Woods, pour ensuite mettre en évidence les trois principales limitations dont il souffre.
La première tient au fait que le privilège donné au pays émetteur de la monnaie internationale au point de vue du financement de ses déficits exonère celui-ci de toute sanction en cas de déficit de sa balance des paiements. C’est le fameux « déficit sans pleurs » des Etats-Unis, dénoncé par Jacques Rueff qui fut le conseiller du général de Gaulle en la matière.
La seconde est que dans ce système à n parties prenantes, les n-1 pays autres que les Etats-Unis sont soumis aux impératifs de la politique monétaire américaine. Cela est illustré par la fameuse formule du gouverneur Conally, à l’époque Secrétaire d’Etat au Trésor américain : « Le dollar c’est notre monnaie, mais c’est votre problème ».
La troisième tient à ce que le principe des changes fixes était adapté à un environnement de capitaux pas ou peu mobiles. Mais au fur et à mesure qu’à partir de la fin des années 60 l’intégration financière se renforce, il subit des pressions de plus en plus fortes.
Sens général des mutations des relations monétaires internationales
Le constat est que d’un système monétaire international dirigé par les gouvernements nationaux, on passe à une régulation par les marchés à l’échelle planétaire. Les ressorts de ces transformations des relations monétaires internationales devaient être mis en évidence. Ils sont d’ordre idéologique dans la mesure où le libéralisme, et plus précisément le monétarisme, deviennent les nouveaux points d’appui de la politique économique, Mais ils sont aussi d’ordre pratique car cette évolution :
– répond aux besoins des gouvernements, soucieux de faciliter le financement de leurs déficits budgétaires en élargissant leurs sources de financement
– satisfait les exigences des firmes multinationales
– permet aux investisseurs institutionnels d’optimiser leurs stratégies d’investissement au niveau de la planète, non sans effets déstabilisants pour le SMI.
Avantages théoriques et bilan du flottement des monnaies
Les avantages attendus du flottement sont :
– la formation de cours de change vrais, c’est à dire déterminés, non de façon administrée par les autorités monétaires mais, par les conditions d’offre et de demande du marché. Dans cette optique les cours devraient spontanément se fixer à l’équilibre, ce qui devrait conduire à l’effacement du rôle des banques centrales.
– l’utilisation du taux de change comme instrument principal de l’ajustement de chaque économie aux conditions du marché international.
– l’autonomie retrouvée des politiques monétaires, dans la mesure où la relation, obligée en changes fixes, entre balance des paiements et création monétaire interne est rompue. Dans ce nouveau cadre, chaque pays devrait pouvoir assigner sa politique monétaire aux objectifs internes.
– la stabilisation de la spéculation qui devrait résulter du passage aux changes flottants.
Le rapport précise que ces assertions théoriques doivent évidemment être relativisées au regard du bilan des changes flottants.
Autres rubriques
Le rapport signale que deux autres points méritent aussi l’attention. Il s’agit :
– du caractère ambivalent de la monnaie. C’est un bien privé (appropriable par les agents privés), mais c’est aussi un bien collectif qui tire sa valeur de son environnement économique et social dans son espace de référence.
– de la relation entre hégémonies et SMI. L’existence d’une puissance hégémonique est souvent présentée comme étant une condition de stabilité du système Or progressivement on tend vers une forme oligocentrique du SMI. A quelles conditions cette tendance peut-elle se conjuguer avec les exigences de la coopération et de la stabilité ?
Le rapport souligne enfin le fait qu’une bonne connaissance du modèle de Mundell Fleming, de ses hypothèses et de ses conditions de validité était souhaitable.
III – La mise en ordre et en forme des idées
Le texte ci-dessous s’inspire directement de la copie que le jury a estimé bon de publier avec l’appréciation suivante : « Travail de qualité qui met bien l’accent sur l’étude comparée des deux systèmes de changes fixes et flexibles. Les caractéristiques du système monétaire international sont préalablement bien précisées.
De bonnes connaissances factuelles et théoriques »
Ne sont toutefois repris que l’architecture générale de l’argumentation et les éléments jugés utiles pour vous aider à progresser au plan méthodologique.
Introduction
Accroche
Commencez par définir ce qu’est un système monétaire international. Précisez qu’il s’agit d’un ensemble de règles et d’institutions régissant les modalités de la fixation des taux de change entre les monnaies nationales et déterminant la nature des moyens de paiement internationaux.
Evoquez ensuite brièvement l’étalon or qui a prévalu au 19ème siècle, puis l’étalon de change-or institué à la conférence de Gênes en 1922 où seules quelques monnaies sont convertibles en or. Mettez en avant le fait que dans l’entre-deux guerres les rivalités entre devises concurrentes ont favorisé la déflation, les dévaluations de combat, la montée du protectionnisme et le fractionnement du monde. Cela a conduit les alliés à définir de nouvelles règles du jeu avant même la fin du deuxième conflit mondial. Conçues sous l’égide des Etats-Unis dont l’hégémonie est désormais incontestée dans le camp occidental, leur objectif est de mettre en place un cadre monétaire favorable à la reprise et à l’expansion des échanges internationaux, de manière à favoriser la prospérité et la paix. En raison des contradictions qui lui sont inhérentes, ce système de parités fixes par rapport au dollar, seule monnaie convertible en or, devra être abandonné. En 1976 sont signés les accords de la Jamaïque qui officialisent le système de changes flottants dont l’essor ira de pair avec celui du processus de globalisation financière. Mais ce système non ou mal régulé connaît à son tour des limites qui tiennent notamment à la spéculation et aux crises financières. Aucun des deux systèmes, changes fixes et changes flottants, ne parait donc idéal. Il semble toutefois que le système de changes fixes présente l’avantage d’être régulé alors que celui de changes flottants semble avoir pour point fort de permettre une meilleure adaptation des taux de change aux fondamentaux des économies.
Problématique
Construisez la en terme de compromis à trouver entre régulation (par des règles fixées en commun, ce qui suppose une autorité pour les imposer) et adaptation (par le jeu des forces du marché) : comment concilier ces deux impératifs à première vue contradictoire dans le cadre d’un SMI garantissant à la fois un minimum de régulation, et donc de stabilité, tout en favorisant l’adaptation du taux de change aux fondamentaux de l’économie ?
Annonce du plan
Le système de Bretton Woods est construit sur l’hégémonie d’une puissance dominante. Cela permet son fonctionnement mais est aussi une source de contradiction.
Face à cela, les changes flottants et la globalisation financière ont pu paraître une solution.
Mais le système monétaire international doit nécessairement être régulé face aux risques d’instabilité.
Première partie : Construit autour d’une puissance hégémonique, le SMI de Bretton Woods est déséquilibré
Un système conçu pour favoriser le développement des échanges
Les accords de Bretton Woods ont comme objectif de créer un cadre favorable aux échanges internationaux et au multilatéralisme pour préserver la paix. Leur logique converge avec celle qui préside à la création du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) en 1947. Lors des discussions préparatoires deux thèses sont en présence : celle de la Grande Bretagne et des pays d’Europe défendue par Keynes, et celle des Etats-Unis soutenue par White.
Rappelez les lignes directrices de chacune d’elles.
Exposez la teneur des principes adoptés à Bretton Woods.
Montrez qu’il s’agit d’un étalon de change-or techniquement proche de celui de Gênes avec toutefois une différence fondamentale : l’hégémonie des Etats-Unis est désormais incontestée. Sur ce point, enrichissez votre argumentation en vous référant aux thèses de Kindleberger sur les déséquilibres des années 20 et 30. Puis soulignez le fait que les Etats-Unis de l’époque réunissent les cinq attributs de la puissance :
– économique (52 % de la production industrielle mondiale en 1950)
– financière (ils possèdent après la guerre près des 2/3 des stocks d’or mondiaux),
– technologique, mais aussi culturelle et militaire.
De plus, c’est une hégémonie désormais assumée, avec dès 1941 la loi prêt bail puis en 1948 le plan Marshall.
Le dollar, monnaie nationale, est alors en mesure de jouer le rôle de devise internationale. Ce cadre monétaire va permettre un financement de l’activité économique internationale et une stabilité favorable aux échanges dont le volume croit en moyenne de 8% par an entre 1945 et 1973. Ce système de parités fixes mais ajustables permet à des économies en croissance qui s’ouvrent aux échanges, mais dont le centre de gravité reste national, de corriger périodiquement leurs déséquilibres par des opérations de dévaluation, et plus exceptionnellement de réévaluation sous la pression de leurs partenaires.
Un système qui devient la source de déséquilibres croissants.
L’existence d’une économie hégémonique est en effet essentielle au fonctionnement du système monétaire international de Bretton Woods, mais en constitue aussi une limite de plus en plus évidente.
Explicitez ici le paradoxe de Triffin et montrez en quoi les deux impératifs de liquidité et de confiance peuvent se révéler contradictoires.
Montrez que structurellement le système fait peser le poids de son ajustement sur les partenaires des Etats-Unis, seul pays à pouvoir accumuler des « déficits sans pleurs » ; référez vous à l’analyse de Jacques Rueff qui a motivé la demande de conversion de 900 millions de dollars en or par la France en 1965.
Ce système qui autorise les américains à financer leur déficit à partir de leur propre monnaie présente des signes de faiblesse dès la disparition du « dollar gap » à la fin des années 50. Dans les années 60 il est fragilisé par le recul des positions des Etats Unis que rattrapent les autres pays développés et par l’essor d’une économie internationale d’endettement
Transition : Ces faiblesses sont la traduction des contradictions qui vont conduire au flottement des monnaies et à la globalisation financière.
Deuxième partie : Les contradictions du système monétaire international de Bretton Woods ont conduit au système des changes flottants et à la globalisation financière.
Vers les changes flottants
Montrez comment l’essor des opérations en eurodollars, c’est-à-dire d’un marché mondial des fonds prêtables, déstabilise de plus en plus fortement le système de Bretton Woods. La couverture en or des dollars en circulation dans le monde y est en effet de plus en plus mal assurée. Or si les Etats-Unis qui sont au centre du système y bénéficient de considérables marges de manœuvre, ils n’en ont pas moins fait à leurs partenaires la promesse d’assurer la convertibilité de leur monnaie en métal précieux à tout moment.
Evoquez les tentatives de replâtrage du système avec la constitution du pool de l’or puis le double marché de l’or ou encore la mise en place des droits de tirage spéciaux par le FMI.
Soulignez l’échec de ces tentatives conduisant à la décision prise unilatéralement le 15 août 1971 par le président Nixon de suspendre la convertibilité-or du dollar. Cela marque le début du système des changes flottants qui sera officialisé en 1976 par les accords de la Jamaïque.
Vers la globalisation financière
Dans le cadre des changes flottants, la globalisation financière est la solution qui semble la plus apte à permettre une allocation optimale des ressources. Il s’agit de mettre un terme aux excès de l’économie d’endettement et par là de mettre en place les conditions d’une croissance financièrement plus saine, dans un contexte où la fixation des taux de change corresponde aux fondamentaux.
Expliquez qu’avec le flottement des monnaies, c’est désormais le marché qui joue un rôle prépondérant dans la définition du taux de change en prenant en compte l’état des fondamentaux de chaque économie c’est-à-dire les données relatives à leur déficit commercial, au différentiel d’inflation, et aux taux d’intérêt. Référez vous ici aux avantages attendus du flottement des monnaies (exposés dans le II ci-dessus).
Cette marchéisation du change, en rendant plus volatile le cours des monnaies fait naître un risque de change contre lequel il devient nécessaire de se prémunir par des opérations de couverture sur des marchés dérivés qui prennent leur essor.
Montrez que cela s’inscrit dans un contexte privilégiant le financement direct des activités sur un marché des capitaux qui devient mondial. Dites ce que vous savez sur les processus de désintermédiation, de déréglementation et de décloisonnement qui ont marqué les années 80, et montrez en quoi ils contribuent tous à la mondialisation financière. Exposez les mécanismes par lesquels ces évolutions devraient permettre une allocation plus efficace des ressources et pousser les pays à renforcer leur compétitivité structurelle dans une logique de «cercle vertueux de la monnaie forte» (Aglietta).
Illustrez par le cas de l’Allemagne. Référez vous aussi à la stratégie française de désinflation compétitive adoptée à l’issue du tournant de la rigueur.
A ce stade, tournez vous du côté des dysfonctionnements possibles d’un régime de changes flottants. Mettez en avant le potentiel de spéculation qu’il comporte. Référez vous à l’analyse de Rudiger Dornbusch mettant en évidence des mécanismes de surréaction (ou surajustement) des taux de change. Avec Maurice Allais, évoquez les dangers d’une « économie de casino ».
Des mouvements de capitaux à court terme peuvent effectivement éloigner durablement les taux de change de leurs fondamentaux et représentent de forts risques d’instabilité financière. On assiste de fait au retour de crises financières récurrentes : évoquez la crise de 1987 au déclenchement de laquelle les mécanismes de change ont fortement contribué et mentionnez celles qui ont marqué les années 90.
Transition : Le retour des crises financières ne fait il pas renaître le besoin de règles explicites de régulation ?
Troisième partie : Le système monétaire international doit nécessairement être régulé
Il s’agit de garantir un cadre stable face aux risques financiers pouvant porter préjudice au financement international, à la croissance des échanges et à la croissance économique.
Vers une gestion concertée du change
La théorie du taux de change d’équilibre formulée par O. E.Williamson montre qu’il importe de mettre en place des régulations implicites pour éviter que les taux de change ne s’écartent trop du taux de change d’équilibre fondamental. C’est ce qui a d’ailleurs été fait lors des accords du Plazza (1985) puis du Louvre (1987).
Les Etats-Unis semblent alors infléchir leur attitude en coopérant avec leurs partenaires pour réduire les effets négatifs pour l’économie mondiale de trop fortes fluctuations du dollar. A la suite de la politique monétariste menée par Paul Volcker à partir de 1979, la monnaie américaine s’était en effet très fortement appréciée. Illustrez par l’exemple du franc par rapport auquel le dollar s’est apprécié de 130% entre 1980 et 1983.
Cela avait créé une situation insupportable pour les pays ne parvenant pas à mettre en place une compétitivité structurelle ou pour les pays endettés en dollars qui ont vu les taux d’intérêt réels grimper jusqu’à d’intolérables niveaux.
Ont alors été définies des zones cibles secrètes visant à permettre un «atterrissage en douceur » du dollar. La gestion des taux de change devient concertée pour limiter leurs fluctuations incontrôlées qui sont préjudiciables à l’activité économique et aux échanges. Mais cela signe l’échec du flottement pur et invalide en partie les positions de ceux qui en avaient défendu le principe. Dès 1972 la création du serpent monétaire européen avait d’ailleurs pour objectif de protéger les économies européennes des variations des cours du change dans un contexte qui devenait flottant.
Vers un contrôle des flux financiers ?
L’instabilité des taux de change renvoie aussi à des problèmes d’instabilité financière qui rendent nécessaire une forme de régulation voire même une nouvelle réglementation. En 1978, James Tobin a pour cela proposé de taxer les transactions de change sans contrepartie dans l’économie réelle, de manière à freiner les mouvements de capitaux purement spéculatifs. Dites ce que vous savez sur le sujet, en soulignant la très faible probabilité de voir un jour s’appliquer une telle mesure.
Indiquez les autres voies susceptibles de renforcer l’efficacité du contrôle du système financier international. Ces voies sont :
– l’élaboration de règles prudentielles internationales par des instances publiques internationales (ratio Cooke puis McDonough du comité de Bâle)
– la production de normes par les intermédiaires financiers eux-mêmes, ce qui déboucherait sur la mise en place d’un véritable autocontrôle du système financier par ses propres acteurs.
– un élargissement des moyens d’action du FMI et de la Banque des Règlements internationaux (BRI) de manière à instaurer une fonction de prêteur en dernier ressort au niveau international.
La prévention et la gestion de ces crises sont bien des enjeux majeurs dans la mesure où elles sont sources de ralentissement économique et d’instabilité dans le financement de l’économie mondiale. Pour le montrer référez vous à la crise financière de 1997 en mettant en évidence le fait que les places financières en Asie manquaient de transparence, que les monnaies des pays concernés étaient surévaluées et que la plupart d’entre eux avaient des déficits commerciaux.
Conclusion
Le système monétaire international joue un rôle essentiel dans le financement de l’économie mondiale. Le système actuel tire les leçons de l’échec relatif du système de Bretton Woods et tente de bénéficier des avantages du flottement des monnaies tout en établissant une forme de régulation pour en limiter les effets pervers. On constate par ailleurs le poids croissant des acteurs privés dans la détermination des taux de change, ce qui ne doit pas faire oublier que la monnaie est aussi un bien public. Ainsi la question d’une réglementation explicite du système monétaire international reste ouverte. L’enjeu est que le SMI puisse contribuer de manière optimale à la fixation des taux de change et au financement international.
Troisième subdivision : Le système monétaire européen
Sujet développé n°10 : L’euro, aboutissement ou étape ? Ecricome, épreuve écrite
Concours 2001
Affronter les termes du sujet
Euro : c’est le nom choisi par le conseil européen qui s’est tenu à Madrid en décembre 1995 pour désigner la monnaie unique européenne, clef de voûte de l’Union Economique et Monétaire (UEM). L’UEM est avec l’Union Politique l’objet du Traité de l’Union Européenne (TUE) signé le 7 février 1992 à Maastricht et entré en vigueur le 1er novembre 1993. Aux termes du traité, le 1er janvier 1999 marque en même temps la fixation irrévocable des parités des anciennes monnaies (avec 1 euro = 6,55957 francs), la création de la Banque Centrale Européenne (BCE) et l’introduction de l’euro dans les transactions interbancaires. Sous sa forme fiduciaire, il a été mis en circulation le 1er janvier 2002. Il succède à l’Européan Currency Unit (ECU) institué en 1979 mais qui n’était qu’une unité de compte.
Etape : le terme suggère que l’adoption de l’euro s’inscrit dans un processus qui doit se poursuivre. Il faut donc identifier ce processus et se demander ce que pourraient être les étapes suivantes.
Aboutissement suggère en revanche que le passage à la monnaie unique marque l’achèvement d’une évolution parvenue à son terme.
Répondre aux attentes des examinateurs
Aboutissement ou étape : Evitez de jouer sur une opposition frontale des deux termes. Cela ne pourrait que vous enfermer dans une réflexion stérile.
En revanche reformulez l’énoncé en en précisant les termes clefs:
L’adoption de la monnaie unique marque-t-elle l’achèvement du processus d’intégration européenne ? Ou n’est-elle qu’une étape de plus sur un chemin amorcé il y a bientôt soixante ans ?
Cette double interrogation doit vous conduire assez vite à l’idée selon laquelle l’Europe est « au milieu du gué ». En ayant adopté l’euro, les européens ont fait un grand pas vers la supranationalité, mais peuvent-ils en rester là ?
On vous demande donc de réfléchir sur le processus qui a conduit à une telle situation et sur les perspectives ouvertes par l’adoption de l’euro.
Trouver les articulations du raisonnement
Ce sujet vous conduit :
– à rassembler vos connaissances sur l’histoire monétaire européenne qui a commencé avec la création de l’Union Européenne des Paiements (UEP), s’est poursuivie avec l’adoption du serpent monétaire en 1972, la mise en place du système monétaire européen (SME) en 1979 et le passage à l’euro entre 1999 et 2002.
– à faire le point des raisons qui ont poussé à accomplir ce chemin, des avantages qu’on en attendait et des résultats effectivement obtenus
– à mettre en évidence les conditions à remplir pour préserver ce bien commun qu’est l’euro
– à vous demander si elles sont effectivement satisfaites et quels sont les risques que fait courir la situation actuelle aux économies de la zone euro
– à envisager les perspectives possibles : vers quoi l’euro peut-il bien être une étape ?
Ces différentes pistes d’analyse permettent de structurer le devoir autour d’un plan simple du type :
I – L’adoption de l’euro est l’aboutissement d’un long processus mais laisse des questions en suspens.
II – L’euro est un bien commun qui doit être préservé et marque une étape pour aller plus loin
Repérer les connaissances et les auteurs à mobiliser
Rassemblez et au besoin complétez vos connaissances :
– sur les faits relatifs à la construction monétaire de l’Europe, de manière à pouvoir les manier avec aisance
– sur les critères de convergence
– sur les dispositions du pacte de stabilité et de croissance
– sur les lignes directrices du statut de la BCE et des pouvoirs qui lui sont attribués
– sur les orientations et points d’appui de la politique monétaire européenne
– sur les lacunes du policy mix européen
– sur les aspects théoriques et, en particulier, les analyses de Mundell relatives au triangle d’incompatibilité et à la notion de zone monétaire optimale (ZMO).
Rédiger l’introduction
Accroche
Amenez le sujet en évoquant brièvement l’événement qu’a été la mise en service de l’euro fiduciaire le 1er janvier 2002. Poursuivez en soulignant le rôle central joué désormais par la BCE, seule responsable de la définition et de la conduite de la politique monétaire de tous les Etats membres de la zone.
Définir une problématique
Reprenez la question ci-dessus : L’adoption de la monnaie unique marque-t-elle l’achèvement du processus d’intégration européenne ? Ou n’est-elle qu’un étape de plus sur un chemin amorcé il y a bientôt soixante ans ?
Annoncer le plan
Dans un premier temps on montrera que l’adoption de l’euro est l’aboutissement d’un long processus mais laisse des questions en suspens.
Puis on verra que l’euro est devenu un bien commun qui doit être préservé et marque une étape pour aller plus loin.
Dérouler les lignes directrices du raisonnement
I – L’adoption de l’euro est l’aboutissement d’un long processus mais laisse des questions en suspens.
A – La monnaie unique est l’aboutissement d’une coopération monétaire mise en place dès 1972 mais qui s’est révélée asymétrique.
Partez de la crise du SMI de Bretton Woods et de la signature des accords de Washington en décembre 1971 : ils élargissent fortement les marges de fluctuation du dollar par rapport aux autres monnaies et portent à 9% la variation totale possible de deux monnaies autres que le dollar. Censé donner plus de souplesse au SMI, ce véritable « tunnel » contrarie les projets d’intégration économique des six pays membres de la Communauté Européenne (pensez à la politique agricole commune et à l’importance des échanges intracommunautaires qui militent pour la stabilité des changes). Par les accords de Bâle en 1972, ils créent le « serpent monétaire européen » qui divise par deux la marge théorique de fluctuations entre leurs monnaies et les fait évoluer de concert par rapport au dollar. Ce système ne résistera pas au choc pétrolier et au flottement généralisé des monnaies. Mais il a posé les fondements d’une coopération monétaire que relance la création du Système Monétaire Européen (S.M.E.) en 1979.
Rassemblez ce que vous savez sur le SME et en particulier sur l’ECU et le Fonds Européen de Coopération Monétaire (FECOM). Montrez que l’objectif poursuivi est double : il s’agit à la fois d’assurer la stabilité des changes entre les monnaies européennes et de favoriser la nécessaire convergence des politiques économiques.
Analysez ensuite son fonctionnement. Notez que jusqu’en 1987 il est soumis à de nombreux réajustements puis se stabilise, mais avec une forte asymétrie en faveur du mark. L’Allemagne est en effet le pays dont la monnaie est située au centre de ce système de changes fixes mais ajustables, et en tire profit. Seule la préoccupe la parité dollar/mark, et elle fait supporter à ses partenaires le poids de l’ajustement conformément au théorème de la nème monnaie (que vous devez avoir assimilé). Le SME fonctionne donc comme un zone mark, ce qui n’est pas satisfaisant pour les nations autres que l’Allemagne qui, de fait, ont perdu leur souveraineté monétaire.
Ainsi, lors de la réunification allemande, les autres pays européens sont obligés de se plier aux décisions de la Bundesbank (familièrement la Buba) lorsqu’elle relève ses taux d’intérêt pour limiter les risques de dérapage inflationniste. L’impact sur la croissance de leurs économies est très négatif : en 1992-93, elles entrent en récession. C’est le cas notamment de la France dont la situation de l’emploi aurait nécessité une tout autre politique. Cela pèse sur la ratification du Traité de Maastricht qui est obtenue de justesse.
A ce stade, de puissants arguments militent pourtant en faveur du passage à la monnaie unique qui permet :
– d’éviter les crises spéculatives qui ont secoué le marché des changes en 1992 (dévaluation de la livre) et 1993 (attaque contre le franc) à la suite de la libéralisation complète des mouvements de capitaux entre pays européens (devenue effective en 1990)
– d’en finir avec la domination de fait du mark et de sortir du triangle d’incompatibilité de Mundell en rétablissant une autonomie de la politique monétaire au niveau régional
– de mettre fin aux distorsions de concurrence liées aux dévaluations compétitives.
La monnaie unique réduit les coûts de transaction et élimine le risque de change entre les monnaies européennes. Elle fait jouer plus activement la concurrence, elle rend la zone plus attractive pour les investisseurs étrangers.
Elle est l’indispensable complément du grand marché unifié décidé en 1985 lors de la signature de l’Acte Unique et devenu réalité le 1er janvier 1993.
B – le passage à la monnaie unique suscite de nouvelles contraintes pour les Etats et la tentation de les contourner
Les économies des pays candidats à la monnaie unique doivent respecter un processus de convergence répondant à des critères d’équilibre macroéconomique. Ces critères portent sur le taux d’inflation, le taux d’intérêt, le budget, la dette et le change. Vérifiez que vous savez bien de quoi il s’agit.
Ces critères encadrent de fait la politique économique des Etats. Contraignants, ils réduisent sensiblement l’autonomie de leurs politiques budgétaires. Cela s’ajoute au fait qu’en arrimant leur monnaie au mark, ils avaient déjà renoncé à l’autonomie de leur politique monétaire et de change. Les efforts d’assainissement à mener pour parvenir à les respecter pèsent sur l’activité et l’emploi dans les années 90. Illustrez par le cas français et la politique de désinflation compétitive.
Les sacrifices consentis permettent toutefois d’atteindre l’objectif fixé et de passer à la monnaie unique avec l’adoption de l’euro financier en 1999, puis monétaire en 2002. Cela met fin à la suprématie du mark et de la politique monétaire allemande. Désormais la BCE décide de la politique monétaire pour toute la zone. Son objectif unique est le contrôle de l’inflation mais, au sein du système européen de banques centrales (SEBC), chaque pays a voix au chapitre et le pouvoir monétaire est donc partagé.
Toutes les difficultés n’en sont pas résolues pour autant.
En effet, au sein de la zone, le taux de change effectif réel varie d’un pays à l’autre en fonction de son différentiel d’inflation (revoyez cette notion si elle n’est pas clair pour vous en considérant qu’elle tient compte du rapport entre le niveau des prix étrangers et celui des prix nationaux). De ce fait, les Etats les moins inflationnistes comme l’Allemagne subissent moins les inconvénients d’une appréciation du taux de change nominal de l’euro. En revanche, pour les pays comme l’Italie dont le niveau général des prix progresse plus vite que la moyenne européenne, le phénomène inverse se produit. Cela dégrade la compétitivité prix de ses exportations, mais simultanément allège d’autant ses taux d’intérêt réel et par là stimule aussi son activité interne.
Tirez en la conclusion que l’adoption de l’euro laisse subsister de nombreuses sources possibles de déséquilibres. Les Etats membres de la zone peuvent y déployer des stratégies non coopératives, en tout cas différentes. Leurs marges de manœuvre sont toutefois limitées par les règles du pacte de stabilité adoptées pour que de telles divergences ne mettent pas l’euro en péril.
II – L’euro est un bien commun qui doit être préservé et marque une étape pour aller plus loin
A – Les enjeux en termes de politiques conjoncturelles
Pour préserver la crédibilité de l’euro et éviter les comportements de passager clandestin qui pourraient mettre à mal la cohésion européenne, un pacte de stabilité et de croissance a été adopté en 1997. Ce texte reprend les critères de Maastricht : pas de déficit des administrations publiques supérieur à 3% du PIB et un endettement public qui ne peut dépasser 60% du PIB. Des pénalités sont prévues en cas de non respect de ces normes avec en particulier des sanctions en cas de déficit excessif. Toutefois l’encadrement des politiques budgétaires a été jugé trop strict lors de la récession de 2002-2003. Ni l’Allemagne ni la France ne l’ont alors respecté. L’expérience a montré que la norme fixée pour le déficit budgétaire était trop souple en haut de cycle et trop contraignante en bas de cycle. Le pacte a été amendé en 2005. Il n’en reste pas moins nécessaire de viser un objectif d’équilibre sur l’ensemble du cycle et de renforcer les aspects prévisionnels des politiques budgétaires.
La fiscalité demeure par ailleurs un enjeu de rivalité avec des risques de surenchère à la diminution des charges pour attirer les capitaux extérieurs.
Evoquez les menaces de dumping social et de convergence vers le bas (et reportez vous au sujet n° 17 ci-dessous pour approfondir ce point).
Illustrez par le cas de l’Irlande. Soulignez la nécessité d’un minimum d’harmonisation fiscale.
Il semble aussi nécessaire de trouver un partage des pouvoirs moins ambigus afin de préserver la crédibilité de l’euro. En effet le Traité de Maastricht semble confier la responsabilité de la politique de change au conseil ecofin. Mais la BCE est en droit d’empêcher la poursuite d’objectifs de change qui ne seraient pas compatibles avec la stabilité des prix. Elle est maîtresse de la fixation des taux directeurs qui sont un déterminant essentiel de la fixation du cours du change. Pensez ici à la théorie de la parité des taux d’intérêt.
De facto il n’y a pas de véritable politique de change dans la zone euro, à la différence de ce que l’on observe aux Etats-Unis. A cet égard mettez en parallèle la situation de la FED et celle de la BCE et notez qu’en 2008, c’est moins l’euro qui est fort que le dollar qui est faible. Les autorités monétaires américaines sont en effet en mesure de se servir du change à des fins contracycliques. Elles peuvent délibérément laisser le dollar s’affaiblir si cela améliore l’équilibre interne de leur économie. Sur la base des règles actuellement en vigueur l’Europe n’a pas les moyens d’y répondre par une politique appropriée. Or, à terme, une trop forte appréciation de l’euro menace la cohésion de l’Europe et représente une grave menace pour la poursuite de son intégration.
Argument supplémentaire à mettre en avant : en cas de choc asymétrique (notion clef que vous devez maîtriser) la marge de manœuvre des pouvoirs publics du pays souffrant de ce choc est très limitée. Il faut donc envisager une coordination des politiques monétaire et budgétaire de manière à optimiser le policy mix (ou dosage macroéconomique). Il est aujourd’hui faussé avec une politique monétaire unique et des politiques budgétaires qui peuvent être discordantes.
B – Les enjeux en termes de politiques structurelles
Selon les critères de Mundell, l’Europe ne constitue pas encore une zone monétaire optimale (autre notion clef qui doit également être claire pour vous). En cas de choc asymétrique, le pays le plus touché subit une récession qu’il ne peut plus contrer par la manipulation des taux de change. Cela ne peut que faire naître des divergences et menacer la cohésion de la zone.
Nuancez ce point de vue pessimiste par celui de McKinon. Selon son analyse, si la production des pays membres de la zone est diversifiée, comme c’est le cas au sein de l’UEM, cela réduit la probabilité de survenance et l’incidence de chocs asymétriques. En outre, il faut prendre en compte l’importance des échanges intrazone. Or ils correspondent aux deux tiers du commerce européen. L’Europe est dans cette optique moins éloignée d’une situation de ZMO que n’inciterait à le penser l’analyse de Mundell. Pour résister aux chocs susceptibles de se produire, il n’en reste pas moins nécessaire d’assurer une meilleure mobilité des facteurs de production, sous forme en particulier de transferts de main d’œuvre au sein de la zone (cherchez les raisons de cette assertion).
Il faut aussi, à l’image de l’Allemagne, rechercher une compétitivité structurelle. Intervient ici la stratégie dite de Lisbonne que résume emblématiquement la volonté de porter progressivement à 3% du PIB le montant des dépenses de recherche et de développement. L’ambition est de faire de l’Europe une véritable économie de la connaissance, la plus performante et la plus compétitive dans le monde à horizon 2010…Au-delà de ces généralités, approfondissez vos connaissances sur ce point.
Cela demande aussi de renforcer les transferts de fonds publics vers les régions qui souffrent de retards et de handicaps structurels, notamment dans le domaine des infrastructures. C’est ici qu’interviennent les fonds structurels européens (il y en a plusieurs : pouvez vous les nommer ?).
Cela demande enfin et surtout d’accroître considérablement les moyens financiers du budget européen qui ne représentent aujourd’hui qu’à peine plus de 1% du PIB des pays membres de l’Union.
Ces objectifs ne doivent pas faire perdre de vue la nécessité de mener une politique monétaire stabilisant à un bas niveau les anticipations d’inflation des agents et garantissant de ce fait la stabilité de la monnaie. C’est en effet la condition indispensable pour les atteindre tous et garantir la pérennité de la croissance.
Conclure
Résumer et répondre
Dressez un bilan rapide des coûts, des avantages et des inconvénients de l’euro à partir de ce qui a été dit dans le devoir.
Résumez les défis auxquels se trouve confrontée la gouvernance de l’Europe :
– comment retrouver des instruments efficaces de relance en cas de besoin ?
– comment résorber les écarts en terme de fiscalité et de protection sociale ?
En acceptant l’euro, les européens ont de fait accepté de perdre une partie de leur souveraineté nationale (d’ailleurs déjà largement illusoire) pour se reconnaître dans une institution supranationale. Parvenue à ce stade, l’Europe est clairement au milieu du gué. Précisez les termes de l’alternative en indiquant qu’il faut choisir entre l’arrêt de la construction de cet objet politique non identifié qu’est l’Union Européenne et la poursuite de son intégration en ne se limitant pas au seul terrain de l’économie.
Ouvrir
Esquissez les perspectives envisageables en posant la question du fédéralisme budgétaire et fiscal comme possible horizon. Il semble bien en effet que l’euro exige qu’on aille plus loin pour être plus efficace et rester cohérent.
Réfléchir sur des sujets voisins
Un sujet proche a été posé en 1999 au concours d’entrée de l’ESCP. Il est libellé de la manière suivante : « Processus d’intégration économique et monétaire et croissance économique des Etats membres de la Communauté puis de l’Union Européenne, de 1957 à nos jours ».
Conforter ses connaissances
Outre votre manuel Pearson vous pouvez consulter avec profit les revues suivantes :
Problèmes économiques n° 2547 (« Théorie des zones monétaires optimales »), 2573 (« Euro et convergence économique »), n° 2597 (« A l’heure de l’euro ») et 2623 (« La politique économique dans la zone euro »)
Cahiers français, n° 319, mars 2004, Euro et gouvernance européenne
Les deux ouvrages ci-dessous vous apporteront aussi des précisions utiles :
Redor, Dominique, Economie européenne, Les fondamentaux, Hachette supérieur, 1999
Faugère, Jean Pierre, Economie européenne, Presses de Science Po et Dalloz, 1999
S’appuyer sur des citations
“L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble ; elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait”
Robert Schuman (I886-1963), Ministre français des Affaires Etrangères, déclaration du 9 mai 1950
L’Europe se fera par la monnaie ou ne se fera pas
Jacques Rueff, 1958
Il semble aujourd’hui possible d’inverser les facteurs et de considérer l’achèvement du SME et la promotion de l’ECU, comme le moyen d’un « nouveau départ », d’une impulsion. L’unité monétaire de l’Europe n’est pas un aboutissement de la construction européenne ; elle peut constituer un « levier » pour progresser dans cette direction.
Louis Reboud, L’achèvement du marché intérieur européen, Economica, ,1987
Cela fait vingt ans que l’on dit qu’il n’y a pas d’union monétaire possible sans une convergence préalable des politiques économiques et monétaires. Je crois qu’il est aussi vrai d’affirmer que c’est le contraire : c’est l’union monétaire qui crée la convergence.
Jean-Yves Haberer, à l’époque P.D.G. du Crédit Lyonnais, Challenges, 29 mars 1991
Nous pourrions parler des coûts de la non-Europe, des handicaps de compétitivité qu’elle représente. Les plus évidents, bien que difficiles à évaluer, concernent les manques à gagner en termes d’économie d’échelle résultant du morcellement du marché.
Jacques Delors, à l’époque président de la Commission des Communautés européennes, Le monde, 24 mars 1987
Mémoriser des points de repère et des ordres de grandeur
Elaborez une chronologie des principales dates de la construction monétaire européenne
Rassemblez quelques donnés significatives sur l’évolution de la parité Euro/dollar depuis le lancement de l’euro.
Thème III– Déséquilibres et politiques économiques et sociales en économie ouverte
Programme de travail
Ce thème centre l’analyse sur les déséquilibres dont peut souffrir une économie et sur les réponses que les politiques économiques sont susceptibles de fournir pour les corriger ou les atténuer, dans le contexte d’une économie ouverte. Le programme précise qu’il s’agit des politiques budgétaires, des politiques monétaires, des politiques sociales et qu’il faut les analyser à partir d’exemples précis : Etats-Unis, Japon, Allemagne, France. Il est toutefois stipulé qu’ « il n’est pas demandé une étude exhaustive de l’histoire des politiques économiques et sociales de ces pays depuis 1945 »
Subdivisions du théme | Sujets proposés |
Les différents types de déséquilibres (inflation, chômage, déséquilibres extérieurs, inégalités sociales) | Sujet n°11: La question de l’arbitrage entre l’inflation et le chômage occupe une place centrale en analyse économique. Comment l’expliquer ?
Plan détaillé n°16 : A la lumière de l’histoire récente des économies occidentales, en quoi la montée du chômage peut-elle être considérée comme un déséquilibre ? HEC, épreuve écrite |
Les différentes formes de politiques économiques et sociales en économie ouverte | Plan détaillé n°17 : La protection sociale est-elle un obstacle à la compétitivité d’une nation ? |
Première subdivision – Les différents types de déséquilibres
Sujet n°11: La question de l’arbitrage entre l’inflation et le chômage occupe une place centrale en analyse économique. Comment l’expliquer ?
Affronter les termes du sujet |
Arbitrage
La notion de choix est sous-jacente à celle d’arbitrage qui conduit à trancher entre deux propositions contraires ou contradictoires.
L’arbitrage suppose qu’il y ait un arbitre qualifié pour choisir entre deux phénomènes en faisant l’hypothèse qu’un phénomène atténue l’autre.
Inflation et chômage
Il faut avoir en tête une définition de ces deux déséquilibres majeurs de l’économie et immédiatement remarquer la présence du ENTRE. C’est la question de la relation entre inflation et chômage qu’il faut analyser avec pour objectif de montrer pourquoi elle est importante pour les économistes.
Répondre aux attentes des examinateurs |
Deux écueils sont à éviter
Ecueil n°1
On ne vous demande pas d’étudier les conséquences de l’inflation ou du chômage pris isolément. On vous demande d’analyser les conséquences d’un choix privilégiant un objectif au détriment de l’autre. Quels sont les avantages et les inconvénients d’une situation caractérisée par un chômage faible et la présence d’inflation ? Qu’en est il de la situation inverse ?
Pour que ces questions aient un sens encore faut-il qu’un arbitrage soit effectivement possible entre les deux situations, ce que contestent Friedman et Phelps.
Ecueil n°2
Il faut absolument éviter de traiter le sujet comme une question de cours. Cela signifie que vous ne pouvez pas vous borner à présenter les différentes interprétations qui ont pu être données de la courbe de Phillips. Il faut aussi expliquer pourquoi elle a suscité de tels débats et pourquoi ces débats sont importants. Cela conduit à mettre en évidence les enjeux sous-jacents de querelles qui ne sont pas seulement académiques.
Dès lors on voit que pour aborder le sujet, il faut envisager deux niveaux d’analyse :
-
1er niveau : comment le lien entre ces deux déséquilibres s’établit-il ?
-
2ème niveau : pourquoi est-ce important ?
Trouver les articulations du raisonnement |
La relation inflation-chômage
Elle peut être envisagée de différentes manières. On peut avec Keynes supposer que c’est une relation d’incompatibilité. Il n’y a alors pas d’arbitrage.
En effet, selon Keynes, s’il y a du chômage, le fait de lutter contre lui ne provoque pas d’inflation. Il n’y a donc pas de choix à faire.
S’il y a de l’inflation, il faut l’endiguer par des mesures appropriées mais cela ne provoque pas de chômage. Il n’y a pas non plus de choix à effectuer et donc pas d’arbitrage.
Avec Samuelson et Lipsey, on peut en revanche estimer qu’une accentuation de l’un des deux déséquilibres est le prix à payer pour obtenir une atténuation de l’autre. On suppose alors que l’Etat est en position d’arbitre capable de définir le compromis conforme à l’intérêt général et de le faire passer dans la réalité.
Avec Friedman et Phelps, qui prennent en compte les comportements des agents, on arrive en revanche à la conclusion que les deux phénomènes sont indépendants et que, sauf à court terme, cet arbitrage est une illusion.
Les enjeux
Ces controverses sur la nature de la relation entre l’inflation et le chômage soulèvent :
– des enjeux épistémologiques : la relation inverse entre le chômage et l’inflation a un temps fait partie des « lois » qui semblaient bien établies en économie. A ce titre les keynésiens l’avaient intégré dans leurs modèles comme une base stable et indiscutée de raisonnement. Par la suite la stabilité de cette relation a été discutée puis, avec la stagflation des années 1970, la donne a changé de telle manière qu’il ne s’est plus agi d’arbitrer entre le chômage et l’inflation mais plutôt entre un chômage assorti de beaucoup d’inflation et un chômage s’accompagnant de peu d’inflation. Cela est manifestement lié au fait que les agents se sont habitués à des doses croissantes d’inflation et ont modifié leurs comportements en ce sens.
Dès lors on est fondé à poser la question du statut des lois en économie : quelle est la nature de ces lois ? Ne sont-elles que de simples régularités statistiques relatives à une période donnée ? La science économique est-elle en mesure d’énoncer des lois de portée universelle ?
Cela conduit à une deuxième question : quelle place doit on donner à la prise en compte des comportements des agents ? Une proposition d’ordre macroéconomique peut-elle se passer de fondements microéconomiques ?
– des enjeux théoriques : ils portent sur les grandes questions autour desquelles se structurent les débats entre les grands courants de l’analyse économique :
– la monnaie est-elle neutre ?
– les agents sont-ils rationnels ?
– les marchés s’ajustent-ils et à quelle vitesse ?
– des enjeux de politique économique : la notion d’arbitrage véhicule une certaine représentation du rôle des autorités politiques. Sont-elles réellement en mesure d’occuper la position d’arbitre neutre, impartial et parfaitement informé ? Ce qui est ici en jeu, c’est la conception du rôle de l’Etat. Un autre enjeu découle du fait que de la manière dont on interprète la relation inflation-chômage dépendent les objectifs et les instruments de la politique économique.
Repérer les auteurs à mobiliser |
Keynes a centré son analyse sur la recherche des facteurs qui déterminent le niveau de l’emploi dans un contexte marqué par la déflation. La question de l’inflation lui semblait ne se poser de manière aigue que dans le cadre particulier d’une économie de guerre.
Phillips (1958) a mis en évidence une relation statistique inverse entre le rythme de progression des salaires et le niveau du chômage en Angleterre entre 1860 et 1957.
Samuelson et Lipsey en faisant l’hypothèse que la variation des salaires commandait celle des prix ont postulé l’existence d’une relation inverse entre l’inflation et le chômage.
Friedman et Phelps ont contesté l’interprétation keynésienne de la relation de Phillips en montrant que si les agents formaient des anticipations adaptatives, le fait d’accepter plus d’inflation ne faisait que transitoirement baisser le chômage en dessous de son taux naturel.
Lucas et Barro ont montré que si les agents formaient des anticipations rationnelles, la relation disparaissait, même à court terme, inflation et chômage devenant alors deux phénomènes complètement indépendants l’un de l’autre.
Rédiger l’introduction |
Amener le sujet
Inflation et chômage sont les deux principaux déséquilibres dont peut souffrir une économie. Il s’agit donc de deux maux contre lesquels il faut lutter. Les développements de la macroéconomie au 20ème siècle ont toutefois conduit à considérer que ces deux maux étaient corrélés négativement. Si le gouvernement souhaitait endiguer l’inflation il fallait qu’il accepte une hausse du chômage, si il souhaitait faire reculer le chômage ou maintenir le plein emploi il devait accepter un peu plus d’inflation. Tel serait le « cruel dilemme » de la politique économique. Mais cette manière de voir a été contestée par la suite, à travers des controverses qui ont pris beaucoup de place en analyse économique.
Définir une problématique :
Pourquoi cette place est-elle centrale dans l’analyse économique ? Quelle est la nature des enjeux qu’elle soulève ?
Annoncer le plan
Précisez qu’il comportera une première partie sur les enjeux épistémologiques, une deuxième partie sur les enjeux théoriques et une troisième partie sur les enjeux de politique économique
Dérouler les lignes directrices du raisonnement |
I – La relation inverse entre l’inflation et le chômage est-elle une loi, une corrélation ou une illusion ?
A – Cette relation est discutée
La relation de Phillips postule une corrélation inverse entre les deux déséquilibres principaux de l’économie. Elle a un temps fait partie du corpus des lois économiques.
Mais à partir de la fin des années 60 la relation semble être marquée par une instabilité grandissante. Cela donne du crédit aux travaux de Friedman contestant qu’un tel arbitrage puisse s’exercer durablement. L’influence de ses thèses grandit dans les années 70, en lien avec la persistance d’une situation cumulant une accélération de l’inflation et le maintien du chômage à un niveau élevé. Avec la stagflation, c’est la possibilité de tout arbitrage, même à court terme, qui semble disparaître.
B – Ces débats soulèvent des enjeux épistémologiques :
1° – Quel est le statut des lois en économie ?
L’examen des faits montre avec le recul que la relation entre le chômage et l’inflation est de type empirique. Sa variabilité dans le temps révèle qu’un arbitrage n’est possible que dans un certain contexte historique. Les liens entre inflation et chômage apparaissent dépendre des conditions particulières du moment. Le sens de la relation dépend en dernier ressort de la capacité des agents à anticiper correctement ou non la hausse des prix, et donc de leurs comportements
Dans les années 60, l’inflation est mal anticipée et les agents sont victimes de l’illusion monétaire
A partir des années 70, l’inflation est de mieux en mieux anticipée et l’illusion monétaire se dissipe.
2° – Quelle place donner aux comportements des agents ?
L’économie est avant tout une science humaine. Elle ne peut faire abstraction de l’autonomie des hommes dont les lois de comportement ne sont pas aussi stables que celles qui gouvernent la chute des pommes. Elles sont fonction de leurs actions et réactions face à l’incertitude et aux évolutions du contexte historique dans lequel ils se trouvent.
Mais si on ne peut se passer de fondements microéconomiques pour établir des propositions d’ordre général, faut-il pousser les choses jusqu’à supposer comme le font les nouveaux classiques que les anticipations des agents sont rationnelles ?
II – Les controverses sur cette relation ont complètement renouvelé l’analyse économique
A – Les grands courants d’analyse ont interprété cette relation chacun à leur façon
1° – L’interprétation keynésienne de la courbe de Phillips est fondée sur des hypothèses particulières. La première est que dans un contexte peu concurrentiel, les firmes peuvent fixer leurs prix selon un comportement de marge (c’est-à-dire sur la base de la règle prix = coût + marge fixée en pourcentage). La seconde est que les agents ne modifient pas leurs comportements lorsqu’ils sont exposés, même longtemps, à l’inflation.
2° – L’interprétation monétariste de la courbe de Phillips conteste ces hypothèses
3° – L’interprétation de la nouvelle école classique (N.E.C.) nie la possibilité de toute forme d’arbitrage.
B- Les débats sur la courbe de Phillips sont d’une grande portée en analyse économique
Ces débats mettent en lumière les grandes questions dont se préoccupe l’analyse économique : neutralité ou non de la monnaie, rationalité des agents, nature et rôle de leurs anticipations, vitesse d’ajustement des marchés : si elle est lente apparaissent des effets d’hystérèse (cherchez le sens précis de ce mot s’il ne vous est pas familier) qui laissent place à un impact des variables monétaires sur la sphère réelle.
De ces débats a émergé un consensus autour de la courbe de Phillips augmentée des anticipations qui fonde les pratiques actuelles des banques centrales. La relation s’écrit alors :
Pt – Pt-1 = – a (Ut – Un)
Dans cette relation Pt – Pt-1 est la variation du taux d’inflation entre la période t et la période t-1 et (Ut – Un) est la différence entre le taux de chômage observé en t et le taux de chômage structurel.
Quand au coefficient α, il mesure l’intensité du lien entre chômage et salaires, autrement dit la réactivité des salaires au chômage. Plus α est élevé, et plus le chômage fait baisser les salaires.
En définitive, il est aujourd’hui admis que si le chômage fait baisser l’inflation, celle-ci ne fait pas baisser le chômage. Le choix est alors biaisé en faveur de la lutte contre l’inflation, alors qu’autrefois l’arbitrage était biaisé en faveur du maintien du plein emploi.
III – La relation inflation chômage soulève d’importants enjeux de politique économique et sociale
A – De l’interprétation qu’on en fait dépendent les objectifs et les instruments de la politique économique
Ces objectifs peuvent être
– soit la priorité à la lutte contre le chômage en faisant preuve de tolérance vis-à-vis de l’inflation considérée comme un moindre mal
– soit un impératif de lutte contre l’inflation. On considère alors que l’absence d’inflation est la condition d’une croissance saine et que la situation de l’emploi à moyen et long terme relève d’autres facteurs.
Les instruments varient en fonction des objectifs
– la position 1 conduit à subordonner la politique monétaire à la politique budgétaire, les deux étant mises au service d’un réglage fin de la conjoncture.
– la position 2 conduit à considérer que seule la politique monétaire est réactive, toute tentation de pratiquer une politique de relance devant être écartée. L’accent est alors mis sur les politiques structurelles.
B –En tout état de cause, si arbitrage il y a il n’est pas socialement neutre.
Les coûts et les avantages n’en sont pas également répartis sur l’ensemble de la population. Donner la priorité à la lutte contre l’inflation favorise les détenteurs des revenus du capital au détriment des détenteurs de revenus du travail. De même, cela favorise les plus âgés au détriment des plus jeunes. C’est ce qu’illustre l’évolution du partage de la valeur ajoutée et des inégalités en France dans les années 80 et 90.
Conclure |
Résumer, répondre, ouvrir
Il est possible d’inscrire la question dans un cadre plus large : à supposer qu’un arbitrage soit possible, l’Etat est-il en position d’arbitre neutre et impartial ? Est il en mesure de définir un compromis conforme à l’intérêt général et de l’imposer à l’ensemble des acteurs ? Les travaux de l’école des choix publics montrent que cela ne peut être le cas. Les choix de politique économique sont influencés par les intérêts des groupes de pression les mieux à même de se faire entendre. Ces groupes apprécient à leur manière les coûts et les avantages de l’inflation et du chômage à un moment donné et tentent d’imposer leurs priorités.
L’idée même d’arbitrage véhicule donc une représentation discutable du rôle des autorités politiques en économie de marché. En tout état de cause, on peut douter que l’analyse économique soit en mesure de définir des critères objectifs d’appréciation des coûts respectifs de l’inflation et du chômage permettant de les mettre en balance pour déterminer les priorités. Ces critères sont d’ordre politique.
Réfléchir sur des sujets voisins |
Voici quelques sujets posés à l’oral de l’ESCP
- La baisse des taux, la relance par le déficit budgétaire et la dévaluation compétitive sont-elles encore des armes pertinentes pour la relance de l’économie ?
- Existe-t-il un « taux naturel du chômage » ?
- L’Etat a-t-il renoncé à réguler l’économie dans les pays développés depuis une vingtaine d’années ?
- L’Etat a-t-il encore aujourd’hui dans les pays développés des marges de manoeuvre en matière de régulation de l’économie ?
- Efficacité et limites des politiques budgétaires depuis le milieu du XXe siècle.
- Faut-il abandonner la politique conjoncturelle ?
- Faut-il lutter contre l’inflation ?
- Chômage naturel et politique de l’emploi
Sur l’inflation vous pouvez aussi vous entraîner sur le sujet tombé à l’écrit de l’ESCP en 2007 : « L’inflation est-elle toujours et partout un frein à la croissance économique ? ».
Conforter ses connaissances |
Elaborez une fiche sur les concepts voisins mais différents de chômage naturel, de taux de chômage qui n’accélère pas l’inflation (NAIRU) et de chômage d’équilibre. Profitez en pour assimiler les bases du modèle dit WS/PS (wage setting/price setting).
Vous pouvez aussi vous référer aux ouvrages suivants :
Prager Jean Claude et Villeroy de Galhau François, 18 leçons de politique économique, Seuil, 2003 (consultez en particulier la leçon 14 sur la BCE et la politique monétaire)
Combes Emmanuel, Précis d’économie, Collection Major, PUF, 2007 ( dont le chapitre 4 a pour titre : L’inflation, mal, symptôme ou remède ?)
Snowdon Brian et alii : La pensée économique moderne, Ediscience, 1997 (dont le chapitre 4 porte sur le monétarisme orthodoxe)
Blanchard Olivier, Macroéconomie, Pearson, 2004 (dont le chapitre 9 est centré sur la courbe de Phillips).
S’appuyer sur des citations |
- L’inflation est l’œuvre du Diable car elle respecte les apparences et détruit les réalités A. Maurois
- La société est mise en demeure de choisir entre un niveau d’emploi raisonnablement élevé, associé à une croissance maximale et à une hausse modérée mais continue des prix d’une part et, d’autre part, une stabilité raisonnable des prix, mais associée à un degré de chômage élevé. Tel est le cruel dilemme de la politique économique
Paul Samuelson
Mémoriser des points de repère et des ordres de grandeur |
Cherchez et trouvez :
– des données sur l’inflation et le chômage dans les PDEM pendant les années soixante et soixante dix
– des données sur la politique américaine de désinflation entre 1979 et 1984
– des données actuelles sur l’évolution des prix et de l’emploi dans les principaux PDEM
Plan détaillé n°16 : A la lumière de l’histoire récente des économies occidentales, en quoi la montée du chômage peut-elle être considérée comme un déséquilibre ? HEC, épreuve écrite.
Répondre aux attentes des examinateurs
Le décryptage de l’énoncé
Le sujet ne porte pas sur le chômage en général mais sur la montée du chômage à laquelle on a assisté dans les PDEM à la suite de la rupture de croissance qui a marqué les années 70.
Il porte donc sur le chômage contemporain qui est :
– un chômage durable (avec une forte proportion de chômeurs de longue durée)
– un chômage discriminant (corrélé à des critères de qualification, d’âge, de sexe, de catégorie sociale, d’origine ethnique)
– un chômage toujours de masse dans certains pays trente ans après les chocs pétroliers, puisque dans la zone euro son taux standardisé s’élevait à 8,9% de la population active en avril 2005 (9,8 en France) et encore à 7,2 % en Décembre 2007 (7,8 en France)
La notion de déséquilibre auquel il est fait référence peut être analysée à deux niveaux.
Dans une perspective micro-économique, les déséquilibres du marché du travail proviennent d’obstacles à son ajustement par les prix. Ces obstacles peuvent résulter de contraintes exogènes ou de mécanismes endogènes. Suffisent-ils à expliquer le chômage contemporain et à rendre compte de ses caractéristiques particulières ?
Dans une optique macroéconomique, le chômage est conçu comme le produit de déséquilibres suscités par des chocs affectant les marchés des biens, du capital et de la monnaie. Par quels mécanismes sont-ils générateurs de chômage et quel est le rôle joué par les politiques économiques dans leur atténuation ou leur amplification ?
Les erreurs à ne pas commettre
Le rapport du jury apportait les précisions suivantes :
« Sur le fond deux remarques doivent être faites. La première concerne l’aspect « économie » de l’épreuve. Les devoirs peuvent être qualifiés d’impressionnistes et, de plus, se bornent trop souvent aux interprétations au goût du jour. Par exemple, cette année, Monsieur Malinvaud est en vedette mais les candidats sont incapables d’exposer clairement l’analyse et la démarche de l’auteur.
La seconde remarque a trait à l’aspect « histoire ». Les données sont plutôt approximatives et on dénote peu d’efforts pour les replacer dans le contexte qui fut le leur. Dans ces conditions, l’histoire est ramenée à l’apprentissage de faits sans véritable effort de réflexion. »
La démarche à suivre
Au plan théorique, il est opportun de partir des controverses des années 20 et 30 sur la nature du chômage avec d’un côté Pigou soulignant les vertus autorégulatrices du marché et de l’autre Keynes contestant l’existence même d’un marché du travail et mettant en avant la notion d’équilibre de sous-emploi.
Il faut ensuite se souvenir que les apports du monétarisme et des théoriciens des anticipations rationnelles d’une part, de l’école des équilibres à prix fixes (avec notamment les travaux de Malivaud) et des nouveaux keynésiens d’autre part, ont renouvelé le débat.
Au plan des faits il faut remarquer qu’à la suite des chocs pétroliers des années 70, le taux de chômage a fortement progressé dans tous les PDEM. Dans les années 80 il est revenu à son niveau antérieur aux Etats-Unis, mais il s’est maintenu à un niveau élevé en Europe. De la conjonction de quels types de déséquilibres cette situation est-elle le résultat ?
On peut d’abord mettre en avant les déséquilibres du marché du travail. Mais il faut également tenir compte des déséquilibres susceptibles d’affecter d’autres marchés ou d’autres éléments clefs du fonctionnement du système économique. On peut enfin s’interroger sur l’ampleur des déséquilibres nés de la conduite des politiques économiques.
De ce premier travail d’approche découle un plan dont la première partie est centrée sur les déséquilibres affectant le marché du travail et la seconde sur les déséquilibres d’une autre nature susceptibles d’affecter la situation de l’emploi.
Pour ce qui est du marché du travail, l’analyse économique montre que des déséquilibre peuvent y naître de contraintes exogènes gênant son fonctionnement et produisant du chômage, mais que ces déséquilibres peuvent aussi être le produit des comportements rationnels des offreurs et des demandeurs confrontés à des asymétries d’informations, c’est-à-dire de mécanismes endogènes à ce marché.
Ces pistes d’analyse n’épuisent toutefois pas l’explication : le chômage contemporain résulte également de « la lenteur et de la complexité des dynamiques d’ajustement enclenchées par une succession de chocs négatifs », pour reprendre une partie de l’intitulé d’un sujet proche tombé à l’ESSEC.
Les connaissances et les auteurs à mobiliser
Rassemblez vos connaissances:
– sur les explications traditionnelles du chômage (revenez sur la perspective keynésienne, reprenez l’analyse monétariste mettant en avant le concept de chômage naturel)
– sur les nouvelles théories du marché du travail rendant compte du chômage par les comportements des agents en situation de concurrence imparfaite (reportez vous aux théories du salaire d’efficience et au modèle insiders/outsiders) et débouchant sur le concept de chômage d’équilibre et le modèle WS/PS. Pour résumer, il faut être à même de distinguer le chômage naturel, le chômage d’équilibre et le chômage produit par des chocs (éventuellement amplifiés par des politiques erronées)
– sur les faits de l’histoire économique et les politiques de l’emploi des 30 dernières années.
Pierre Cahuc et André Zylberberg ont publié sur le sujet un ouvrage intitulé : Le chômage fatalité ou nécessité ?, Champs, Flammarion, 2005. Sa lecture est vivement recommandée.
Rechercher et mettre en ordre les arguments |
Premier volet de l’enquête : les déséquilibres affectant le marché du travail
A- Les facteurs exogènes
Dans la perspective libérale, des contraintes d’origine exogène handicapent les mécanismes autorégulateurs du marché du travail et l’éloignent de son équilibre.
En premier lieu, l’augmentation du chômage contemporain serait due à la montée du chômage volontaire et frictionnel. Dès 1931, Jacques Rueff considérait que l’indemnisation des chômeurs modifiait les données de l’arbitrage entre le travail et les loisirs et devenait de ce fait une cause majeure de la progression du chômage. Cet argument a été repris et développé par la théorie de la recherche d’emploi, dite du job search , établissant qu’une personne au chômage a intérêt à poursuivre sa recherche d’emploi aussi longtemps que l’avantage attendu d’un jour supplémentaire de recherche est supérieur ou égal à son coût.
Cette approche ne rend toutefois pas bien compte du caractère durable du chômage contemporain : le chômage de longue durée conduit en effet à la perte d’employabilité, ce qui devrait inciter à réduire la durée de la période de recherche d’emploi.
Pour expliquer l’ampleur des déséquilibres il faut donc introduire d’autres éléments : lourdeur des réglementations encadrant la relation de travail, salaire minimum et conventions collectives rendant le salaire rigide à la baisse, poids des charges sociales. Une fois institué, ce déséquilibre s’auto-entretient par la substitution du capital au travail et par les délocalisations.
Le poids de tous ces obstacles au bon fonctionnement du marché du travail est mesuré par le concept de taux de chômage naturel. Les chocs successifs d’offre et de demande qui ont frappé les PDEM depuis les années 70 ont élevé transitoirement son niveau sans qu’on puisse l’abaisser par des politiques conjoncturelles. Mais à plus long terme, il peut être réduit par des politiques structurelles adaptées : déréglementation, meilleure circulation de l’information, incitation à l’accumulation de capital humain. Le processus est alors cumulatif : la croissance entretient la baisse du chômage naturel car elle favorise l’acquisition des compétences et la diffusion des savoir-faire. On peut ici se référer à la faiblesse du chômage américain des années 90. Il semble donc qu’une libéralisation des marchés permette de réduire les déséquilibres perturbant le bon fonctionnement du marché du travail. Mais cette libéralisation ne saurait suffire car des déséquilibres endogènes sont aussi en cause.
B – Les mécanismes endogènes
En situation de concurrence imparfaite, la manière même dont fonctionne le marché du travail peut devenir une source de chômage. C’est ce qui ressort des travaux de la nouvelle macroéconomie.
Ces travaux mettent l’accent sur le fait que le marché connaît des défaillances : les agents y agissent dans un contexte d’incertitude et la concurrence y est imparfaite en raison de la présence d’asymétries d’informations et de coûts de coordination des agents.
Pour ce qui est du premier point, avancez que les entreprises ne connaissant pas bien les caractéristiques des offreurs de travail, il est rationnel de leur point de vue de proposer des salaires supérieurs aux salaires d’équilibre. Référez vous ici aux diverses versions de la théorie du salaire d’efficience, et en particulier au modèle dit « du tir au flanc ».
Pour ce qui est du second point, notez que l’existence de coûts de rotation de la main d’oeuvre est à l’origine d’un second dysfonctionnement du marché du travail, et illustrez par le modèle insiders/outsiders conférant aux salariés en place un pouvoir de marché.
On en déduit que des comportements rationnels des acteurs sur le marché du travail ne conduisent pas à la détermination de salaire d’équilibre de plein emploi. Ils induisent un rationnement de l’offre d’emploi qui est à l’origine d’un chômage permanent.
Le modèle WS – PS synthétise cette représentation du marché du travail : il formalise le processus de détermination des salaires en concurrence imparfaite. Il définit un chômage d’équilibre involontaire :
– Equilibre puisque ni les salariés en place, ni leurs employeurs ne souhaitent modifier les modalités de fixation du prix du travail.
– Involontaire car les chômeurs accepteraient de travailler au salaire qui assurerait l’équilibre du marché, mais ne trouvent pas d’emploi à ce prix.
Or des pressions à la hausse se sont exercées sur le niveau du chômage d’équilibre
L’organisation taylorienne et fordiste du travail permettait en effet un contrôle strict du travail qui était réglé par les cadences collectives. Cela réduisait les asymétries d’information pour l’employeur. De plus ce type de travail n’exigeait qu’un apprentissage minimal, ce qui réduisait les coûts de rotation.
Mais par la suite, la montée des services, la recherche par les entreprises d’une compétitivité hors-prix, l’exigence dans des secteurs de plus en plus nombreux d’une qualité totale ont rendu stratégique le recrutement d’une main d’œuvre dotée de caractéristiques personnelles peu valorisées du temps de l’organisation scientifique du travail, mais devenues à la fois cruciales et plus difficiles à détecter lors de l’embauche.
L’écart entre le salaire d’équilibre et le salaire pratiqué s’est donc creusé, augmentant le rationnement de l’emploi et le chômage. Cet écart est d’autant plus important que les acquis sociaux de la période antérieure se sont cristallisés dans des règles protégeant ceux qui ont un emploi et que le marché du travail est devenu rigide. En France le taux de chômage d’équilibre était de ce fait évalué à environ 10% en 1996 (selon la Direction de la Prévision) et est toujours nettement plus élevé qu’aux Etats-Unis, ce dont les conditions différentes de formation des salaires dans les deux pays permettent de rendre compte.
Transition – Cette analyse permet d’expliquer le caractère durable du chômage et le fait que les actifs les moins performants soient exclus du marché du travail. Mais le taux de chômage constaté et le taux d’emploi varient fortement entre les pays européens, alors que les conditions de formation des salaires sont relativement proches. On en déduit qu’interviennent d’autres déterminants.
Deuxième volet de l’enquête : Les autres déséquilibres pesant sur la situation de l’emploi.
Des déséquilibres macroéconomiques contribuent également à expliquer le chômage contemporain. Ils peuvent être atténués ou aggravés par des mesures de politique économique.
A – Les déséquilibres mis en évidence par les analyses non libérales.
1° – L’approche keynésienne et ses prolongements
Keynes niait l’existence même d’un marché du travail. Dans son optique, l’offre de travail découle en effet des effectifs de la population active et des normes sociales régulant les comportements d’activité, alors que la demande de travail est fonction de la demande effective. Offre et demande ne dépendent donc pas des mêmes paramètres. Le salaire réel ne peut donc être une variable d’ajustement, et la représentation en terme de marché n’est pas fondée. En revanche, une représentation en terme de circuit permet de comprendre comment un déséquilibre affectant l’ensemble de l’économie peut se traduire par une situation durable d’équilibre de sous-emploi dont les mécanismes de marché ne permettent pas de sortir. On a reproché à cette analyse centrée sur la demande de ne pas prendre en compte le manque de rentabilité de l’offre. En réponse à cette critique, la théorie dite du déséquilibre forgée par Clower et Malinvaud met en évidence que peuvent alterner ou coexister au sein d’une même économie deux types de chômage, le chômage classique et le chômage keynésien. Les deux sont le produit de déséquilibres survenant à la fois sur le marché du travail et sur le marché des biens.
Dans cette perspective, le choc pétrolier a affecté la rentabilité de l’offre. Les firmes ont alors réduit leur activité, les investissements et l’emploi. Les prix étant rigides à la baisse, l’ajustement s’est fait par les quantités et le chômage classique s’est développé. Dans cette situation, qui aurait été celle de l’économie française jusqu’au milieu des années 80, il existe une demande sur le marché des biens (caractérisé par un excès de demande) mais les entreprises renoncent à la satisfaire par manque de rentabilité de l’offre, ce qui se répercute sur le marché du travail. Les politiques de restauration de l’offre permettent ensuite de réduire ce type de chômage. Mais un nouveau déséquilibre apparaît alors sur le marché des biens, les politiques de rigueur contraignant la demande des ménages. Amplifié par le choc de la réunification allemande qui a provoqué la hausse des taux d’intérêt, le chômage « keynésien» succède au chômage classique et caractérise les années 1990 dans notre pays. Le choc de la « nouvelle économie» est en revanche positif, car il améliore simultanément la rentabilité de l’offre et les revenus des demandeurs. Cela permet une hausse significative de l’emploi et une certaine décrue du chômage.
2°- Les apports de l’école de la régulation et les approches en termes de segmentation
Les analyses de l’école de la régulation relient la dynamique de la croissance à la combinaison plus ou moins efficiente de cinq institutions interdépendantes: rapport salarial, formes de la concurrence, État, monnaie et relations économiques internationales. Le chômage contemporain résulterait de l’incapacité à mettre en place une nouvelle configuration harmonieuse de ces institutions.
Le chômage contemporain semble alors lié à des changements structurels qui ont modifié le contexte de la croissance en raison du ralentissement des gains de productivité, de la crise du mode de régulation, de la segmentation du marché du travail et de phénomènes d’hystérésis.
Dans un contexte de concurrence exacerbée par la mondialisation, les entreprises mènent partout des stratégies de réduction de leurs coûts de production: elles se désendettent pour réduire leurs charges financières, privilégient les investissements de productivité, délocalisent les activités intensives en main d’œuvre. La rareté des offres d’emploi met les actifs en concurrence et segmente le marché. Le marché primaire offre des emplois stables et bien rémunérés. Il répond à la logique du salaire d’efficience, les actifs y courent un risque de chômage faible et de courte durée. Le marché secondaire propose des emplois instables, précaires et des rémunérations faibles : les actifs connaissent alors un chômage récurrent. Aux Etats-Unis grandissent les effectifs de travailleurs salariés situés en dessous du seuil de pauvreté. En Europe surtout, outre les marchés primaire et secondaire, se développe un segment d’exclusion réunissant les actifs qui alternent emplois subventionnés sur fonds publics et chômage de longue durée. Dans ces conditions leur employabilité se dégrade et le retour de l’expansion n’inverse pas le phénomène. Le chômage de longue durée est en effet interprété par les employeurs comme un signe de défaillance du demandeur d’emploi qui n’est donc pas embauché : les chômeurs de longue durée sont stigmatisés. Le chômage contemporain est donc pluriel dans sa forme et dans ses origines.
Mais les PDEM n’ont pas fait face de la même façon à ces mutations institutionnelles qui les ont touchés plus ou moins profondément en fonction de leur histoire économique et sociale passée.
B – Les politiques économiques peuvent atténuer ou aggraver ces déséquilibres.
C’est ce qui ressort de la comparaison des politiques menées aux Etats-Unis et en Europe depuis une vingtaine d’années et de la mise en parallèle des politiques de l’emploi menées en Europe même. En France elles ont consisté à abaisser l’âge de la retraite, à diminuer le temps de travail et à multiplier le nombre des emplois aidés subventionnés sur fonds publics (sur ce point reportez vous au chapitre 8 de l’ouvrage de Cahuc et Zylberberg mentionné ci-dessus).
Sur le plan structurel, la politique de l’emploi américaine est d’inspiration libérale. Elle privilégie la rentabilité des firmes qui est considérée comme la meilleure solution pour atteindre le plein emploi. Elle repose également sur la flexibilité des salaires qui préserve l’emploi des actifs peu productifs sur le marché secondaire, au risque d’en faire des travailleurs pauvres. Sur le marché primaire se concentrent ceux que Robert Reich appelle les « manipulateurs de symboles» fortement dotés en capital humain. La réduction du chômage américain à des niveaux historiquement très bas dans les années 1990 résulterait donc de l’adaptation de la main d’œuvre aux besoins de l’appareil productif, alors que le chômage de masse en Europe à la même époque sanctionnerait une accumulation insuffisante ou inadaptée de capital humain.
Sur le plan conjoncturel, la banque centrale américaine est en mesure de mener une politique monétaire de soutien de la croissance. Dans les années 1980, et à nouveau depuis le choc récessif de 2001, la politique budgétaire est également mobilisée pour soutenir l’activité et l’emploi. Au contraire, engagés dans le processus d’unification monétaire, les pays européens ont accepté les critères de convergence puis le pacte de stabilité et de croissance. De ce fait ils ne disposent pas des mêmes marges de manœuvre. Lors des récessions de 1993 et 2002, les gouvernements ont été contraints de réduire les déficits budgétaires et donc la demande globale. Ces politiques procycliques ont accru le chômage conjoncturel et engendré un chômage keynésien. Le Royaume-Uni, qui n’a pas du supporter ces contraintes, bénéficie d’un chômage inférieur à celui des pays de la zone euro.
Les politiques structurelles et conjoncturelles, parce qu’elles privilégient d’autres objectifs, peuvent donc contribuer à la persistance et à l’aggravation du chômage. En arrière plan de cette inégale aptitude à maîtriser les déséquilibres générateurs de chômage on retrouve la capacité plus ou moins grande des sociétés à accepter des réformes et à aménager des systèmes institutionnels adaptés. C’est ce que montre l’exemple du Danemark, pays adepte de la fléxicurité dont le taux de chômage est particulièrement bas.
Répondre à la question posée
Le chômage apparaît finalement comme un phénomène complexe et pluriel.
Chômage naturel et chômage d’équilibre naissent sur le marché du travail. Leur niveau ne peut être réduit à court terme par des politiques conjoncturelles, mais des politiques structurelles peuvent enrichir la croissance en emplois avec des mesures ciblées sur les catégories d’actifs ne réunissant pas les caractéristiques permettant d’accéder aux emplois offerts par les entreprises.
Cependant, le chômage contemporain résulte aussi de déséquilibres macroéconomiques qui se propagent au marché du travail et qu’il ne peut réduire par le jeu de ses propres mécanismes. Les politiques conjoncturelles conservent donc un rôle, à condition de les articuler de manière appropriée avec les mesures structurelles permettant de rendre le marché du travail plus flexible. Le danger de ces dernières est la montée de la précarité et des inégalités au sein d’une société globalement riche mais où se multiplient les stigmates de la pauvreté. A cet égard, le modèle danois de flexicurité semble permettre de concilier flexibilité et sécurité. C’est pourquoi il suscite tant d’intérêt.
Deuxième subdivision – Les différentes formes de politiques économiques et sociales en économie ouverte
Plan détaillé n°17 : La protection sociale est-elle un obstacle à la compétitivité d’une nation ? ESCP, épreuve écrite
Répondre aux attentes des examinateurs
Le décryptage de l’énoncé
La notion de compétitivité, dans sa double dimension du prix et de la qualité, désigne habituellement la capacité d’une entreprise à s’imposer sur le marché mondial face à ses concurrents. Mais la mondialisation suscite aussi une compétition entre les pays et les soumet à de nouveaux impératifs : attractivité du territoire, capacité à favoriser l’innovation, contraintes de crédibilité économique et financière. C’est ce qui a conduit Michael Porter, auteur de l’avantage compétitif des nations (1990) à appliquer la notion de compétitivité à des économies nationales considérées dans leur globalité. Cette extension n’en est pas moins contestée. Ainsi Paul Krugman considère que « la compétitivité est un mot vide de sens lorsqu’il s’applique aux économies nationales ».
L’ OCDE reconnaît néanmoins la pertinence du concept et en donne la définition suivante : « (C’est) le degré auquel un pays peut, dans un contexte de marché libre et équitable, produire des biens et des services qui répondent au test des marchés internationaux, tout en maintenant et en accroissant les revenus réels de sa population à long terme ».
La protection sociale fonctionne selon un système redistributif à caractère obligatoire. Elle a pour but premier de couvrir quatre types de risques individuels : famille, santé, vieillissement et chômage. Mais on observe que lui sont de plus en plus liées les questions relatives aux politiques de l’emploi. La protection sociale tend désormais à englober tout ce qui touche à la formation et à l’adaptation de la main d’œuvre aux changements que suscitent le progrès technique et la mondialisation des activités.
En ce sens il est légitime d’y inclure toutes les questions relatives au droit du travail et à la protection de l’emploi.
Protection sociale et compétitivité
Relier les deux termes clefs du sujet n’est à priori pas évident. La compétitivité est un impératif découlant de l’internationalisation croissante des activités. Or la protection sociale s’impose d’abord comme un sujet de politique nationale avec des dispositifs nationaux qui se sont construits et développés de différentes manières. L’indépendance des décisions nationales reste la norme dans ce domaine. Il est toutefois légitime d’analyser l’influence réciproque des deux ordres de phénomènes, dans la mesure où les décisions concernant la protection sociale sont de plus en plus affectées par des mécanismes économiques relevant d’un niveau international. Soumise à des impératifs croissant de compétitivité, la protection sociale est de plus en plus mise sous tension.
Les erreurs à ne pas commettre
Le rapport du jury souligne explicitement le fait que le sujet croise plusieurs thèmes du programme :
– le thème 8 sur l’internationalisation des économies
– le thème 10 sur les déséquilibres et les politiques économiques et sociales en économie ouverte
– mais également le thème 6 sur le rôle de l’Etat dans la vie économique et sociale.
On attend donc que vous soyez capable de traiter un sujet transversal. Cela suppose ici de mobiliser vos connaissances autour d’une problématique reliant les problèmes de la protection sociale à ceux de la compétitivité.
Le jury rappelle qu’y parvenir suppose de bien définir la notion de compétitivité de la nation sans se borner, comme la majorité des candidats, à opposer la compétitivité prix à la compétitivité structurelle. Pour cerner le degré de pertinence de cette notion, le rapport fait explicitement référence aux thèses développées par Michael Porter dans L’avantage compétitif des nations (1990).
Il est ensuite noté que la notion de protection sociale a été mieux cernée que celle de compétitivité, mais avec une tendance à n’en retenir qu’une version réductrice, limitée à l’assurance maladie, à l’assurance chômage, aux allocations familiales et aux retraites.
Le rapport précise enfin quelles sont les qualités que valorise le jury et quels sont les défauts qu’il sanctionne.
Du côté des qualités on trouve : la capacité à problématiser, l’aptitude à recourir au vocabulaire ou aux mécanismes économiques, le rejet des plans standards (oui/non ; positif/négatif ; avant 1973/après 1973 ; a court terme/à long terme ; les « libéraux »/les « keynésiens »), l’intégration d’ordres de grandeur et la prise en compte de la diversité des situations par pays.
Pour ce qui est des points négatifs, le rapport relève les défauts de conception dans l’organisation de la réponse (en donnant l’exemple d’un recentrage du sujet sur les seuls problèmes de la protection sociale aujourd’hui), des lacunes (en citant le cas du devoir qui ne prendrait appui que sur le cas français) et une mauvaise articulation entre l’enseignement de l’histoire économique et celui de l’analyse économique.
Les connaissances et les auteurs à mobiliser
Le rapport du jury souligne l’actualité d’un sujet soulevant trois questions qui sont au centre de débats récurrents dans les pays avancés :
– quels doivent être le niveau et les modalités de la protection sociale dans des économies ouvertes au moment où le processus de mondialisation s’accélère ?
– existe-t-il des systèmes de protection sociale plus ou moins adaptés à cette situation ?
– les systèmes mis en place après guerre constituent-ils une bonne réponse aux défis démographiques, économiques et sociaux du début du 21ème siècle ?
La réponse à ces questions renvoie aux analyses de la protection sociale développées par des auteurs comme Esping-Andersen (Les trois mondes de l’Etat providence), Fitoussi et Rosanvallon, (La nouvelle question sociale), Giraud (L’inégalité du monde), Cahuc et Zylberberg (Le chômage fatalité ou nécessité ?), Reich (L’économie mondialisée) ou Krugman (La mondialisation n’est pas coupable).
Vous devez également mobiliser vos connaissances sur les théories du commerce international et notamment sur les théorème HOS et Stolper-Samuelson.
La démarche à suivre
Les trois questions ci-dessus tournent autour d’un même thème : il s’agit d’analyser l’influence de l’internationalisation croissante des économies sur l’économie de la protection sociale.
Ainsi que l’indique le rapport, cela conduit nécessairement à s’interroger sur les canaux de transmission : en quoi tel ou tel aspect de la protection sociale peut-il avoir un impact sur la compétitivité nationale ? Pour bâtir la réponse il est nécessaire de prendre en compte la dualité de la protection sociale : si elle est un coût, on ne doit pas oublier qu’elle est aussi un moyen de stabilisation du revenu national qui réduit l’incertitude sur la demande finale. En ce sens les entreprises en ont besoin pour assurer leurs projets à long terme.
Cela conduit à des questions du type :
– Faut-il réduire les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques pour rétablir la compétitivité, ou faut-il une protection sociale recadrée pour répondre aux défis de la mondialisation ?
– Faut-il plus ou moins de protection sociale dans une économie globalisée ?
Cela débouche sur une problématique à formuler en termes de relation d’arbitrage ou de complémentarité : si protection sociale et compétitivité sont complémentaires à quelles conditions le sont-elles et selon quelles modalités pour la protection sociale ?
Pour traiter correctement le sujet il faut éviter deux écueils signalés par le jury : vous ne pouvez ni recentrer le sujet sur les seuls problèmes de la protection sociale aujourd’hui, ni vous limiter au cas français. Votre argumentation devra faire référence à la période qui s’ouvre en 1945 et à des exemples étrangers.
A cet effet vous pourriez montrer dans un premier temps que la protection sociale peut nuire à la compétitivité selon les libéraux (I), puis que ces positions sont à relativiser et à nuancer en tenant compte du fait que la protection sociale peut aussi jouer positivement sur la compétitivité des entreprises et de la nation (II) et qu’en définitive tout dépend des modalités de la protection sociale (III).
Rechercher et mettre en ordre les arguments
Premier volet de l’enquête :Selon les libéraux la protection sociale peut nuire à la compétitivité
Le contexte actuel accroît les effets pervers possibles d’une protection sociale mal conçue
Ce contexte est celui de la mondialisation des échanges. Une protection sociale trop contraignante y serait devenue un handicap face aux pays à bas salaires et capacités technologiques (PBSCT pour reprendre la terminologie de Pierre-Noël Giraud dans L’inégalité du monde).
Elle ferait naître un risque élevé de délocalisation et par là de chômage.
Vous devez ici expliciter les théorème HOS et Stolper-Samuelson aux termes desquels :
– en régime de libre échange les pays ont intérêt à se spécialiser dans les productions qui utilisent en plus grande proportion le facteur dont ils sont le mieux pourvus.
– la spécialisation en fonction des dotations factorielles engendre l’égalisation de la rémunération des facteurs entre pays partenaires.
Il en découle que pour restaurer la compétitivité il faudrait accepter la baisse des salaires des travailleurs non qualifiés.
Dans un tel environnement, la hausse des prélèvements obligatoires et les déficits liés à la gestion des systèmes de protection sociale porteraient de plus atteinte à la crédibilité des Etats qui sont en concurrence dans la captation de l’épargne et de l’emploi, c’est-à-dire des flux d’investissements directs à l’étranger (IDE).
Les mécanismes
Le salaire minimum peut effectivement jouer contre l’emploi et la croissance, comme le montrent Cahuc et Zylberberg dans Le chômage, fatalité ou nécessité ? (Chapitre 3). Il en est de même pour les rigidités du marché du travail.
L’effet des mécanismes d’assurance-chômage et des minima sociaux peut se révéler désincitatif du fait de l’allongement de la durée du chômage ainsi que de la formation de trappe à pauvreté ou à inactivité.
La pression à la hausse des prélèvements obligatoires et du coût du travail dégrade la compétitivité prix, ce qui fait naître des risques d’inflation et de déficit de la balance commerciale. Illustrez ce point par des exemples tel que celui de la relance Mauroy en 1981/82.
Il y a aussi un risque d’affecter la rentabilité des entreprises, de pénaliser l’investissement et donc de nuire à la compétitivité hors prix.
Tous ces éléments seraient défavorables à la compétitivité des entreprises et compromettraient l’attractivité du territoire national.
Deuxième volet de l’enquête : D’autres aspects doivent être pris en compte
La compétitivité dépend d’autres facteurs que les coûts salariaux
La compétitivité prix est plus étroitement liée au taux de change qu’au coût de la protection sociale (risque de dumping monétaire). Ce qui est important c’est donc la compétitivité structurelle. Elle se construit sur la base des efforts de recherche, d’innovation et de formation. Elle s’appuie également sur des mécanismes adaptés de crédit et de financement. Elle repose sur des avantages comparatifs qui sont le fruit d’une bonne spécialisation. En faisant le choix d’une protection sociale élevée, les Etats des PDEM poussent les entreprises à devenir compétitives en valorisant les atouts spécifiques à ces pays, qui sont la qualité de la main d’œuvre, son capital humain et la capacité à maintenir un écart technologique sur les concurrents.
La protection sociale incite les nations développées à valoriser leurs atouts spécifiques
L’enjeu central est en fait celui de la productivité : tant que la croissance de la productivité marginale du travail est supérieure à la croissance du coût du travail, l’entreprise est compétitive. Or des coûts salariaux élevés, liés à une protection sociale élaborée, peuvent être favorables à la productivité en stimulant les travailleurs (ce qui amène à évoquer la théorie du salaire d’efficience), en poussant à l’investissement et aux innovations permettant d’établir et de maintenir un écart technologique par rapport aux concurrents (ce qui conduit à mettre en avant l’analyse de Posner).
Ce sont donc la capacité à innover et la productivité qui ont ici un rôle déterminant.
La protection sociale peut les influencer positivement, de même qu’elle joue un rôle positif sur la demande finale, et donc les anticipations des entreprises, en stabilisant le revenu national (ce qui renvoie à la théorie de la régulation). Cet effet positif sur la demande incite les firmes multinationales à investir dans le pays pour se rapprocher du marché. De plus, il pousse les firmes nationales à s’internationaliser si on considère avec Linder que le marché international est le prolongement du marché domestique
L’exemple de l’Allemagne montre qu’un pays peut acquérir une compétitivité hors prix en ayant un niveau élevé de protection sociale.
Troisième volet de l’enquête : Tout dépend des modalités de la protection sociale
On peut ici se situer sur deux plans : celui du financement et celui des incitations
La question du financement
La fiscalisation du financement de la protection sociale et la maîtrise des dépenses permettent d’en corriger les aspects négatifs sur le coût du travail. Pour aller dans ce sens on a institué dans notre pays la Contribution Sociale Généralisée (CSG), on a allégé les charges sur les bas salaires, on a envisagé d’instaurer une TVA sociale. Pour maîtriser les dépenses on a réformé les régimes de retraite et commencé à réguler les dépenses de santé.
Mobilisez ce que vous savez sur ces différentes rubriques.
La question des incitations
La protection sociale influence les comportements des acteurs de l’économie. Ses dispositifs induisent des incitations qui peuvent être défavorables ou favorables à la croissance et à l’emploi. L’expérience montre qu’il faut limiter les effets de seuil, éviter autant que faire se peut la formation de trappes à pauvreté, faire reculer l’assistanat et mettre un terme à des systèmes comme celui des pré-retraites qui découragent l’activité. Il faut en revanche encourager ce qui favorise sa reprise. La généralisation du revenu de solidarité active qui, si elle a lieu, devrait bénéficier en 2009 à cinq millions de personnes va dans ce sens. L’enjeu est aussi de sécuriser les parcours professionnels et de s’inspirer avec pragmatisme de ce qui marche dans les autres pays.
Faites le bilan de ce que vous savez sur ces différents points et complétez l’argumentation ci-dessus.
Répondre à la question posée
Réfléchir sur un tel sujet finit par faire penser à un vieil adage qui est de « ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain ». La protection sociale, parce que son financement pèse sur les entreprises, peut être un frein à la compétitivité des entreprises. Mais elle n’est pas en tant que telle responsable du retard de compétitivité d’un pays comme la France. En revanche, ses modalités doivent évoluer pour répondre aux besoins nouveaux que fait naître la mondialisation ce qui suppose des réformes et pose la question de la plus ou moins grande capacité des sociétés à se réformer.
Thème IV – Le changement social contemporain dans les pays développés à économie de marché
Programme de travail
Ce thème correspond à la partie sociologique du programme d’A.E.H.S.C. de deuxième année. Son contenu complète celui du thème VII de première année avec lequel il doit être articulé. Il s’agit d’analyser les mutations que connaissent les sociétés des pays avancés dans l’ordre de la démographie, de la consommation et de la mobilité sociale.
Chacun des sujets proposés ci-dessous illustre l’un de ses aspects.
Subdivisions du thème |
Sujets traités |
Développement économique et mutations démographiques | Plan détaillé n° 18
Le vieillissement démographique est-il un handicap pour les pays développés ? |
Les transformations des niveaux de vie et des modes de vie | Plan détaillé n° 19
Le rôle de la consommation dans la croissance française |
La mobilité sociale (illustrée à partir du cas français) | Sujet développé n° 12
Mobilité sociale, structures sociales et individus |
Première subdivision – Développement économique et mutations démographique
Plan détaillé n° 18 : Le vieillissement démographique est-il un handicap pour les pays développés ? ESCP, sujet d’oral
Répondre aux attentes des examinateurs
Le décryptage de l’énoncé
Vous définirez d’abord ce qu’est le vieillissement démographique en précisant qu’il s’agit de l’augmentation de la part des personnes âgées de plus de 60 ou 65 ans dans la population totale, et de la diminution consécutive de celle des moins de 20 ans. Pour ce qui est de la classe pivot (les 20-60 ans) sa part en % et ses effectifs en valeur absolue sont amenés à baisser à moyen terme.
Ce phénomène est le fruit d’un processus d’inversion de la pyramide des âges des pays développés qui ressemble de moins en moins à une pyramide mais de plus en plus à une feuille de chêne, avec un rétrécissement de la base du diagramme, l’évasement de ses flancs ainsi que l’allongement et l’épaississement de sa partie haute.
Reliez cette évolution au fait que la phase d’essor du baby boom a été suivie d’une chute de la fécondité, chute elle même couplée à un allongement de l’espérance de vie.
Sur tous ces points, ayez en tête quelques données chiffrées.
D’une telle évolution on conçoit facilement les aspects négatifs. Passez en revue tout ce que peut recouvrir le terme de handicap : moindre dynamisme de la consommation, amoindrissement de la créativité et des facultés d’innovation, alourdissement des dépenses de protection sociale, lutte des âges.
Les erreurs à ne pas commettre
Il s’agit d’un sujet au carrefour de plusieurs thèmes du programme. Il a bien sûr des aspects démographiques, mais comporte également des enjeux qui se posent en termes de niveau de vie, de mode de vie, de politiques sociales et même de compétition internationale.
Pour schématiser, il amène à s’interroger sur les liens entre vieillissement et croissance économique d’une part, vieillissement et cohésion sociale d’autre part.
Attention : il porte sur les conséquences du vieillissement et non sur ses causes.
Il ne faut donc pas analyser en détail et trop longuement les causes de la baisse de la fécondité, puis de la hausse de l’espérance de vie, mais seulement les évoquer en introduction.
Quand vous évoquerez les enjeux sociaux de la question, prenez garde à ne pas les restreindre aux seules personnes âgées. Considérez que c’est tout le parcours des âges qui se trouve bouleversé et compliqué. Le sujet pose la question du rapport entre les classes d’âge et amène à s’intéresser aussi aux difficultés d’insertion des jeunes au sein d’une société vieillissante.
Enfin ne négligez pas la place du politique. Face aux défis à relever, les pouvoirs publics peuvent agir en infléchissant leurs politiques sociales ou en redéfinissant la politique de l’immigration. N’en déduisez pas qu’ils peuvent et doivent tout faire. Les forces du marché fournissent également des réponses. Quant aux acteurs sociaux eux-mêmes, ils ont aussi leur rôle à jouer, à travers le développement de nouvelles formes de solidarité ou le renforcement des solidarités existantes.
N’oubliez pas que la fécondité se mesure par un indice qui s’exprime en enfant par femme, et non en % ou en rien du tout.
La démarche à suivre
En introduction, vous devrez dresser un constat rapide de la situation à partir de quelques donnés précises. A ce titre vous pouvez faire valoir que dans une Europe d’environ 380M d’habitants, avec un taux de natalité de 10,7 pour mille, un taux de mortalité de 10 pour mille et un indice moyen de fécondité de 1,43 enfant par femme, il y a 4 M de naissances par an. Le nombre des décès s’élevant à 3,7 M, l’excédent naturel annuel est d’à peine 300000 personnes, alors que le solde migratoire se limite à un apport net de 800000 individus.
Vous ferez brièvement mention des mécanismes à l’œuvre en distinguant ceux qui jouent sur le bas de la pyramide et ceux qui en affectent le haut.
Ce point rapide de la situation conduit à s’interroger sur ses conséquences en terme de croissance économique et de cohésion sociale :
– quelles sont la nature et l’ampleur des problèmes que suscitent les évolutions en cours?
– n’ont-elles pas aussi des aspects positifs ?
– quelles sont les réformes à mettre en œuvre ou à poursuivre, pour que ces problèmes ne deviennent pas des handicaps insurmontables et n’inversent pas la dynamique de notre développement ?
A partir de ces questions, formulez une problématique et rédigez l’annonce du plan que vous allez suivre et qui comportera trois parties.
Dans la première, il s’agit de montrer que le choc démographique que vivent les PDEM est source de problèmes multiples et risque de freiner leur croissance économique.
Dans la seconde vous mettrez en évidence que ce moment de crise menace la cohésion sociale mais suscite aussi des opportunités en terme de consommation, d’emploi, de vie associative, de solidarités familiales.
Dans la troisième vous analyserez les réformes à engager ou à poursuivre pour ne pas compromettre la création future de richesses et donc le développement.
Les connaissances et les auteurs à mobiliser
Sélectionnez les connaissances nécessaires :
– à l’analyse des mécanismes de l’inversion de la pyramide des âges, en vous référant à des données chiffrées et à des ordres de grandeur.
– à l’analyse des difficultés d’insertion des jeunes au sein d’une société vieillissante, en soulignant la plus grande complexité du parcours des âges.
– à l’étude de l’impact du vieillissement sur la consommation, l’innovation, les anticipations, les investissements, les prix, le coût du travail, le niveau de l’emploi, les délocalisations, le prix des actifs, la croissance potentielle.
– à l’étude de l’impact des évolutions démographiques en cours sur le financement des systèmes de retraite et de santé.
– à l’évocation des réponses des acteurs sociaux à travers la vie associative et le développement de nouvelles solidarités familiales.
– à la présentation des réponses des pouvoirs publics en terme de politique de la famille, de la santé, des retraites et de l’immigration.
Les auteurs auxquels il est utile de se référer sont en particulier : Easterlin (qui a mis en évidence des cycles démographiques), Boserup (qui a formulé la thèse de la pression créatrice), Chesnais (qui a étudié l’impact de la démographie sur la croissance), Rochefort (qui a analysé l’impact du vieillissement sur la consommation), Modigliani (qui a relié épargne et consommation au cycle de vie), Solow (qui a formalisé le rôle de la population dans la croissance) ou encore Baudelot et Establet (dont une étude a pour titre : Avoir 30 ans en 1968 et 1998).
Rechercher et mettre en ordre les arguments |
Premier volet de l’enquête : le choc démographique que vivent les PDEM est source de problèmes multiples et risque de freiner leur croissance.
Le vieillissement soulève des questions de fond
Souvenez vous que les aspects négatifs d’un tel processus ont été soulignés par nombre d’auteurs, du mercantiliste Jean Bodin (« Il n’est richesse ni force que d’hommes ») à l’économiste contemporain Robert Solow (dans le modèle duquel la croissance se bloque si la population ne croit plus).
Etablissez que le vieillissement affecte la dynamique de la croissance en lien avec une baisse de l’offre de travail, une hausse des coûts salariaux, un risque de délocalisation des investissements et de l’emploi. Tous ces éléments affectent le potentiel de croissance de l’économie.
Il risque aussi d’altérer sa capacité à innover : sur ce point ne tombez pas dans le simplisme, mais distinguez plusieurs aspects de la question. Il faut considérer la propension du corps social à accepter l’innovation, mais aussi l’orientation donnée aux efforts de recherche dans une société vieillissante, la genèse des innovations, leur financement qui peut être contrarié si les ressources sont massivement affectées à d’autres usages tels que la prise en charge de la dépendance. Sur ce point, utilisez en les inversant les arguments de la thèse de la pression créatrice.
Etablissez qu’à moyen terme, toutes choses étant égales par ailleurs, le vieillissement ne résorbe pas mécaniquement le chômage, malgré la multiplication des départs en retraite qui l’accompagne. Il est en effet susceptible de provoquer une baisse de la demande globale. Lorsque les marchés deviennent avant tout de renouvellement, leur sont associés des anticipations pessimistes et un risque de contraction de l’investissement. Jouent aussi des déséconomies d’échelle.
Avec J.C. Chesnais, on peut faire valoir que le vieillissement exerce à terme une pression à la baisse du prix des actifs et est de ce fait porteur d’une menace de déflation et de décapitalisation, c’est-à-dire de perte de valeur du capital mobilier et immobilier.
Dans le contexte d’une société vieillissante, on peut aussi envisager une fuite des cerveaux vers des zones plus créatives et plus dynamiques.
Le vieillissement déséquilibre le financement de la protection sociale
A ces problèmes de fond s’ajoutent ceux que pose le financement de la protection sociale
Exposez les données du problème pour les retraites, en soulignant l’ampleur du déséquilibre subi par les systèmes fondés sur la répartition.
Faites de même pour la santé qui, certes, n’a pas de prix mais a un coût. Corrélées à un effet d’âge et de génération, les dépenses se concentrent de plus en plus sur les personnes âgées dépendantes. De plus en plus nombreuses, elles tendent à former un groupe d’âge spécifique, le 4ème âge, que le mode de vie et la structure de la consommation de ses membres différencient très nettement de ceux du troisième âge. Si ces dépenses sont financées à crédit, les déficits correspondants gonflent la dette publique avec des effets possibles d’éviction, des processus cumulatifs du type « boule de neige » et des conséquences négatives sur la compétitivité.
Deuxième volet de l’enquête : Ce moment de crise menace la cohésion sociale mais suscite aussi des opportunités.
Le choc démographique est porteur d’inégalités accrues et donc de tensions sociales.
Soulignez le contraste entre la situation actuelle des retraités et celle d’une partie des jeunes confrontés à la précarité et à la pauvreté. D’un côté, des retraités en meilleure santé disposent de revenus équivalents à ceux des actifs ainsi que de patrimoines plus importants. De l’autre, les plus jeunes se trouvent souvent confrontés à de réelles difficultés d’insertion et sont, pour une fraction d’entre eux, en voie de paupérisation. Constatez ce clivage et la croissance des inégalités de revenus entre les moins de 30 ans et les plus de 50.
Remarquez que dans les classes moyennes se répand la conviction que les enfants pourraient vivre moins bien que celles de leurs parents et qu’il n’est plus vrai de dire que chaque génération vivra forcément mieux que les précédentes.
Ces difficultés accrues des jeunes dans le contexte d’une société vieillissante sont liées :
-à un partage inégalitaire des richesses au regard de l’âge
-à la plus grande complexité du parcours des âges
-à la dégradation du marché du travail dont la flexibilisation a porté d’abord sur les nouveaux entrants, c’est à dire les plus jeunes
-à un contexte qui ne facilite pas la prise de risque, les postes de décision étant occupés par des gens qui avaient moins de 30 ans en 1968.
Sur ce thème des conflits de générations, faites mention de l’étude de Baudelot et Establet qui a pour titre : Avoir 30 ans en 1968 et 1998.
Il fait aussi naître de nouvelles possibilités
Cette fragilisation du lien social est toutefois contrecarrée par d’autres tendances, grâce au développement des solidarités familiales ainsi qu’à un engagement accru du troisième âge dans la vie de la cité et la fourniture de services non marchands.
Pour reprendre une formule de Gérard Mermet, les gens du troisième âge sont « en retraite pas en retrait ».
Au plan économique aussi, le vieillissement ouvre de nouvelles perspectives.
Le 3ème âge se compose de plus en plus de consommateurs dynamiques, plus réceptifs aux nouvelles technologies que leurs aînés. Ces comportements peuvent modifier durablement le profil de consommation des plus de 60 ans.
On peut également considérer que les PDEM sont spécialisés dans des productions à forte intensité capitalistique et à haute valeur ajoutée que le vieillissement ne remet pas fondamentalement en cause. Dès lors que le système de formation confère aux nouveaux arrivants sur le marché du travail les qualifications requises, il n’y a à priori pas de raison pour que se bloque une dynamique de croissance fondée sur la montée en gamme et la recherche perpétuelle des gains de productivité.
Au passage, la situation sur le marché du travail pourrait même sérieusement s’améliorer avec une décrue du chômage qui soulagerait les finances publiques.
Cela doit vous amener à vous interroger sur les conditions à réunir pour que les problèmes nés du vieillissement ne se transforment pas en handicaps insurmontables.
Troisième volet de l’enquête : Les réformes engagées doivent être poursuivies et complétées
Des réformes sont nécessaires
Elles sont indispensables pour ne pas compromettre la création future de richesses et donc le développement.
Evoquez d’abord les réformes engagées.
Rappelez que les régimes de retraite ont fait l’objet de réformes en 1993 puis en 2003 et 2007. Exposez en les grandes lignes, y compris l’introduction d’une dose de capitalisation avec les plans d’épargne retraite populaire (PERP).
Signalez que le financement des dépenses de santé a fait l’objet de multiples tentatives de rééquilibrage depuis 1975. La dernière en date est le plan Douste Blazy dont les résultats n’ont pas été concluants.
Elles doivent être poursuivies
Soulignez la nécessité de poursuivre et d’accélérer ces réformes. Identifiez les questions les plus sensibles à trancher dans le domaine de la santé en précisant qu’elles portent :
– sur la place et le rôle de l’Etat dans un système géré à la base par les partenaires sociaux sur une base professionnelle.
– sur la manière d’articuler un exercice libéral de la médecine et un financement socialisé.
Pour les retraites, avancez que le compromis actuel entre poids des cotisations, montant des prestations et durée d’activité devra encore évoluer. Un allongement du nombre d’années de cotisations nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein semble inévitable pour ne pas handicaper la croissance.
Indiquez que des dispositions sont également à prendre :
– pour inciter les entreprises à modifier leurs règles de gestion des ressources humaines et ne pas écarter systématiquement les seniors.
– pour favoriser l’insertion des jeunes et réduire les situations de précarité.
– pour mettre fin au système contre-productif des pré-retraites dont on a usé et abusé.
Répondre à la question posée
Vous avez établi que la question du vieillissement démographique engage de multiples enjeux à court, long et moyen terme. Ces enjeux sont aussi bien économiques que financiers et sociaux.
Vous avez montré que la traiter dans toute sa complexité est difficile. C’est une des principaux défis auxquels sont confrontés les systèmes politiques démocratiques et leurs élus qui seuls sont en position de prendre les décisions permettant de préserver la croissance et de maintenir la cohésion sociale des pays développés.
Ouvrez par une interrogation sur la nécessité de recourir ou non à une immigration de travail, en vous référant au récent rapport Attali.
Deuxième subdivision – Les transformations des niveaux de vie et des modes de vie
Plan détaillé n° 19 : Vous analyserez les évolutions de la consommation, en lien avec celles des structures sociales et des modes de vie en France depuis la fin du 19ème siècle
Répondre aux attentes des examinateurs
Le décryptage de l’énoncé
La consommation à laquelle on se réfère ici est bien évidemment la consommation finale des ménages. Mais n’oubliez pas qu’à côté des consommations individuelles, il y a des consommations collectives.
Structures sociales : l’expression renvoie d’abord à la stratification de la société en groupes différents et hiérarchisés (CSP, strates, classes). Mais on peut aussi s’intéresser ici à la structure par âge de la population totale ou à la structure par genre de la population active.
La notion de mode de vie est qualitative, à la différence de celle de niveau de vie qui est quantitative.
Les manières de vivre d’un groupe humain, ses pratiques sociales et culturelles forment un ensemble. Cet ensemble est lié à la nature des ressources, aux modalités et aux conditions de travail, aux façons de consommer ou encore à la place donnée aux loisirs. Ces différents éléments du mode de vie font système et constituent une matrice génératrice des besoins des membres du groupe, et donc de leurs consommations. De cette définition, déduisez que le mode de vie d’un groupe social est fortement corrélé à sa position dans les structures sociales et influence le niveau comme la structure de la consommation de ceux qui en font partie.
Les erreurs à ne pas commettre
La première difficulté du sujet est qu’il met en jeu les trois dimensions de l’analyse économique, de l’histoire et de la sociologie. Pour le traiter, il est nécessaire d’articuler ce que vous savez de la consommation en tant que grande fonction économique et en tant qu’acte social. De plus vos développements devront s’inscrire dans une perspective historique.
La seconde difficulté est qu’il porte sur des éléments en interaction au sein d’un processus global de changement social où chacun d’eux est à la fois cause et conséquence des autres.
La démarche à suivre
Observez d’abord que depuis la fin du 19ème siècle, les trois éléments clefs du sujet ont beaucoup évolué et que leurs mutations sont emblématiques des changements de la société française.
Puis faites l’hypothèse d’un enchaînement logique entre transformations des structures sociales, évolution des modes de vie et mutations de la consommation, selon une séquence du type : Transformations des structures sociales évolution des modes de vie (matrice créatrice des besoins) consommation
Dans un premier temps, récapitulez ce que vous savez des manifestations et des ressorts de la transformation des structures sociales. Identifiez clairement le rôle joué par les facteurs démographiques et par les bouleversements de l’appareil productif. Evoquez aussi les mutations de la population active en lien avec les processus de salarisation, de féminisation, de tertiarisation et d’urbanisation.
Puis partez du schéma d’implications logiques ci-dessus pour questionner le sujet :
Comment les métamorphoses de la stratification sociale ont-elles affecté les modes de vie d’une part, le niveau et la structure de la consommation de l’autre?
Ces mutations de la consommation et des modes de vie n’ont-elles pas exercé en retour un effet sur les structures sociales et joué un rôle moteur dans le changement social ?
La problématique repose donc sur une alternative opposant la consommation comme reflet de structures sociales et de modes de vie en évolution, à la consommation comme élément moteur de ces évolutions.
Elle fait aussi jouer des oppositions du type convergences/divergences des modes de vie des groupes constitutifs de la société, réalité /illusion du décloisonnement des structures sociales, autonomie/dépendance de la logique de la consommation à l’égard de la dynamique des structures sociales.
Cette première réflexion suggère un plan en trois parties consistant
1° – À poser que jusqu’en 1945, le rôle de la consommation n’est pas moteur, la croissance obéissant à une logique d’accumulation. Cela est à relier à une structure sociale héritée de la révolution industrielle qui induit une répartition fortement inégalitaire des revenus comme des patrimoines, et a pour corollaire des modes de vie fortement différenciés selon le groupe social d’appartenance.
2° – À considérer qu’à partir de 1945, en lien avec la hausse des revenus et la diffusion de valeurs hédonistes, on entre dans l’ère la consommation de masse. A travers des processus d’imitation, de diffusion et de rattrapage, les manières de consommer s’homogénéisent. Cela s’accompagne d’une apparente moyennisation de la société française. La croissance induit une forte mobilité sociale structurelle, avec un essor des catégories socioprofessionnelles composées de cadres et professions intellectuelles supérieures, de professions intermédiaires et d’employés. En revanche, c’est « la fin des paysans », et la classe ouvrière s’embourgeoise. En accédant à la consommation, elle perd son identité.
En parallèle les modes de vie se rapprochent avec l’urbanisation, la salarisation et la montée de l’activité féminine salariée, ce qui est en étroite interaction avec les pratiques de consommation.
3° – À tenir compte du fait que les différences (des pratiques de consommation, des genres de vie, des représentations) ne disparaissent pas pour autant et que depuis le début des années 80 on assiste au retour à des logiques de différenciation/distinction, en lien avec la résurgence des inégalités de pouvoir d’achat.
Les connaissances et les auteurs à mobiliser
Si vous éprouvez le besoin d’étoffer vos connaissances sur le vaste thème de la consommation, reportez vous aux synthèses de Nicolas Herpin, auteur de Sociologie de la consommation et coauteur de La consommation des Français (collection Repères, La découverte).
Pour traiter les aspects sociologiques du sujet, parmi de très nombreuses références, appuyez vous sur les analyses de Baudelot et Establet, de Baudrillard, de Bourdieu, d’ Engel, d’Halbwachs, de Marcuse et de l’école de Francfort, de Mauss, de Mendras ou encore de Rochefort et de Warner.
Pour en traiter les aspects d’analyse économique, faites appel aux travaux de Duesenberry, Galbraith, Keynes, Kuznets, Veblen, ainsi qu’à ceux de l’école de la régulation.
Sur les aspects historiques, mettez en perspective quelques lignes directrices.
Considérez qu’au 19ème siècle, il y a une consommation bourgeoise axée sur la recherche du confort domestique. En revanche, il n’y a pas de norme générale de consommation, norme étant ci à prendre au sens d’ensemble d’habitudes et de pratiques servant de références communes à l’ensemble de la population et, à ce titre, orientant les comportements.
Dans l’entre-deux-guerres la consommation prend une nouvelle place, mais elle n’est pas encore à même de jouer un rôle moteur dans la croissance. C’est pendant les trente glorieuses qu’elle y acquiert un rôle central, en lien avec la hausse du pouvoir d’achat et la transformation des mentalités.
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Premier volet de l’enquête : le rôle passif de la consommation avant 1945
L’objectif est d’établir que de la fin du 19ème siècle au milieu du 20ème, l’origine sociale a une forte prégnance sur les modes de vie et sur les pratiques de consommation.
La consommation dans les milieux populaires
Mettez en évidence le fait que les classes populaires se distinguent par le particularisme de leurs manières de vivre et de consommer.
Observez que dans un contexte qui est encore celui de la « France des terroirs » (E. Weber), l’autoconsommation paysanne est toujours forte. Au sein du monde rural, les communautés vivent dans un relatif isolement et les modes de vie sont modelés par le poids des traditions.
Puis rappelez que le monde ouvrier, au départ très disparate, s’est peu à peu structuré par la référence à des valeurs communes et à un mode de vie qui lui est propre. Si la faiblesse des salaires limite encore sévèrement les possibilités de consommation, la lente progression du pouvoir d’achat suscite un début de diversification à la fin du 19ème siècle et pendant la belle époque. Les signes en sont l’essor de la consommation de café, de tabac, d’apéritifs, de viande, de lait, de beurre, d’œufs mais aussi de montres, de journaux et de vêtements. Faites valoir qu’en outre la généralisation du service militaire, l’essor des transports et les progrès de la scolarisation ont contribué à rapprocher les modes de vie et les façons de consommer des milieux populaires.
Faites ici appel aux régularités dégagées par Engel pour observer que lorsque le revenu augmente, la part de l’alimentation baisse progressivement dans le budget des ménages et que les postes de dépense se diversifient.
Mais référez vous aussi aux analyses d’Halbwachs montrant que la consommation est avant tout un acte social révélant les aspirations d’une classe. Face à la déshumanisation du travail et à un sentiment de marginalisation sociale, les ouvriers recherchent des lieux de vie et de convivialité lorsqu’ils ne sont pas au travail. Cela les distingue des employés qui sont plutôt en quête de respectabilité. Ces différences se retrouvent dans la structure des budgets.
La consommation dans les autres milieux sociaux
Tournez vous du côté de la bourgeoisie. Classe dominante, elle a un accès de plus en plus large à la consommation. Avec Veblen soulignez la dimension ostentatoire de la consommation de la « classe de loisirs ». Montrez comment, selon cet auteur, le mode de vie de ses membres est tout entier orienté par une volonté de démonstration de leur supériorité sociale, par une logique de distinction et de domination. A cette fin sont mises en œuvre des stratégies de reproduction passant par des alliances matrimoniales et par l’inculcation de valeurs de compétition et de réussite.
Quant aux classes moyennes, elles cherchent à imiter le mode de vie des classes supérieures et par là à se différencier de celui des classes populaires avec lesquelles elles ne veulent surtout pas être confondues.
A ce stade, notez que la consommation n’est pas seulement un reflet de la stratification sociale. Pour étayer cette assertion, utilisez les analyses de Warner mettant en évidence sa fonction latente d’intégration et de stabilisation dans une société aux structures fortement inégalitaires. Dans cette optique la consommation joue un rôle actif de consolidation des structures sociales dont elle n’est pas seulement une expression passive.
Ajoutez que celles de Weber font dépendre les styles de vie des systèmes de valeurs propres à chaque groupe de statut. Au sein des milieux aisés coexistent différentes visions du monde façonnant des modes de vie différents et nourrissant une compétition statutaire. La position de classe ne suffit donc pas à rendre compte des manières de vivre et de consommer. Sur un autre plan, Schumpeter montre que consommation et modes de vie évoluent en fonction du contexte économique et ne sont pas strictement déterminés par la socialisation reçue dans le milieu d’origine.
Deuxième volet de l’enquête : Les mutations induites par l’essor de la consommation de masse
A partir de 1945, en lien avec la hausse des revenus et la diffusion de valeurs hédonistes, on entre dans l’ère la consommation de masse. Il s’agit ici de rechercher les signes tendant à montrer que, d’une part, les pratiques de consommation et les modes de vie et se sont rapprochés et que, d’autre part, les clivages sociaux s’atténuent.
Consommation et croissance
Les pratiques de consommation s’homogénéisent. Eclairez ce point par la courbe en S de diffusion des biens durables qui finissent par équiper presque tous les foyers (automobile, électroménager). Montrez que la féminisation de la population active fait naître de nouveaux besoins auxquels les producteurs s’efforcent de répondre en proposant des biens de consommation standardisés. Notez que le mouvement est amplifié par l’essor de la grande distribution qui facilité l’accès aux biens.
Soulignez que la consommation devient la principale force motrice de la croissance. Faites appel aux analyses de l’école de la régulation pour mettre en évidence le cercle vertueux qui s’établit entre production de masse et consommation devenue de masse. Dans la même perspective, évoquez le partage dit keynésien des fruits de la croissance qui s’institue sous l’égide des pouvoirs publics, et montrez comment l’Etat-providence impulse l’essor des consommations collectives dans le domaine du logement, de la santé et de l’éducation.
Sous l’égide de cette consommation de masse, à travers des processus d’imitation, de diffusion et de rattrapage, les différences semblent s’estomper entre les catégories sociales.
Consommation et mutations sociales
Observez d’abord que la tendance à la bipolarisation prophétisée par Marx a été contrariée par l’essor des classes moyennes citadines et salariées qui adoptent de nouveaux modes de vie. Faites allusion à l’exode rural, à l’amélioration significative des niveaux de vie ouvriers et à l’essor du tertiaire entraînant avec lui celui des « cols blancs ». Interprétez ce renouvellement de la configuration sociale dans les termes de la théorie de la moyennisation : au cœur de la société, apparaît une vaste constellation centrale porteuse de pratiques sociales nouvelles. Dans le même temps, l’enseignement secondaire devient de masse. Cela en fait un vecteur de brassage et de mobilité sociale, d’autant plus que l’essor de l’activité féminine pousse à une socialisation moins familiale et plus collective des enfants.
Tous ces éléments vont dans le sens d’une convergence des structures sociales à travers un processus où la consommation joue un rôle majeur. En parallèle, les modes de vie se rapprochent avec l’urbanisation, la salarisation et la montée de l’activité féminine salariée, ce qui est en étroite interaction avec les pratiques de consommation. Notez que cela semble confirmer le point de vue d’Alexis de Tocqueville selon lequel le mouvement vers l’égalisation des conditions est la tendance de fond des sociétés démocratiques.
En contrepoint, utilisez l’approche critique de l’école de Francfort dénonçant la manipulation des consommateurs et l’instrumentalisation de la consommation pour détourner les classes populaires de l’action revendicative. Dans cette perspective, l’essor de la consommation de masse est une pièce essentielle de l’appareil de domination du plus grand nombre par les industries culturelles et les grands médias. Il contribue à la reproduction d’un système profondément inégalitaire. Dans le même sens Baudrillard dénonce l’aliénation dont la consommation est porteuse. La consommation des objets est en fait consommation des signes. La publicité fonctionne sur le mode de la pensée magique. En arrière-plan se perpétue la structure de classes.
Troisième volet de l’enquête : des différences qui ne cessent de se renouveller
Le constat
L’objectif est ici de rassembler les indices montrant que des logiques distinctives et des différences se perpétuent sous des formes renouvelées. Partez du constat du retour à une logique de différenciation depuis un quart de siècle en notant que si les structures sociales ont évolué depuis 1945, les logiques conflictuelles de classement sont toujours très présentes. Cela se traduit par des tensions croissantes au sein même des catégories socioprofessionnelles : la catégorie des cadres connaît des clivages grandissants entre cadres dirigeants et cadres d’exécution, celle des employés devient un archipel, celle des ouvriers est marquée par un double mouvement de surclassement des uns et de déclassement des autres. Dans le même temps, les modes de vie s’individualisent.
Demandez vous alors comment interpréter une telle évolution. Chaque ménage subit-il l’influence de son milieu social dans un contexte de recrudescence des inégalités et de perpétuation des rapports de domination comme le pense Bourdieu ? Ou choisit-il comme à la carte son mode de vie et les pratiques de consommation qui en découlent comme le stipule Mendras ?
Les deux grilles d’interprétation
Si on se réfère à la première, la logique de la consommation ne s’est nullement affranchie des déterminismes sociaux. C’est ce qui ressort de l’analyse de Pierre Bourdieu en terme de distinction, d’habitus, de domination symbolique et de bonne volonté culturelle de la classe moyenne. Les pratiques de consommation restent socialement différenciées. Les différences observées sont fortement corrélées au niveau d’études et au revenu.
Si en revanche on se réfère à l’analyse d’Henri Mendras, la consommation des ménages est le fruit des stratégies par lesquelles ils mettent en œuvre leurs projets de vie. Leurs manières de vivre et de consommer s’affranchissent des normes de leur milieu social. On assiste en effet depuis les années 1970 au déclin des appartenances collectives (syndicales, politiques, religieuses) et à l’éclatement des normes de consommation caractéristiques des classes moyennes pendant les 30 glorieuses. Ni le sexe, ni le lieu d’habitation, ni le statut matrimonial ne sont plus des critères prédictifs des comportements du nouveau consommateur selon Gérard Mermet (auteur de Francoscopie). On ne peut plus se limiter aux groupes sociaux traditionnels pour analyser la consommation. Ce déclin des normes collectives traduit une montée de l’individualisme dont Tocqueville donnait la définition suivante :
« L’individualisme est un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s’isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l’écart entre sa famille et ses amis » [De la Démocratie en Amérique].
On assiste effectivement à un développement de l’espace privé avec une forte croissance des dépenses liées au logement, aux pratiques de bricolage, de jardinage, aux loisirs à domicile. Au sein de la famille l’autonomie de chacun est croissante ; elle favorise la multiplication des achats et des pratiques individualisés. Le multi équipement des foyers comme la généralisation des habitudes de grignotage des aliments en sont des signes.
Répondre à la question posée
Consommation et modes de vie sont influencés par les structures sociales. Mais ils exercent des effets en retour sur la stratification de la société. Leurs interactions s’inscrivent dans un processus global de changement social dont tous les éléments sont à la fois des ressorts et des manifestations. Aucun d’entre eux n’est indépendant des autres. Mais, si la consommation et les modes de vie subissent l’influence des mutations des structures sociales, ces mutations n’en sont pas les seuls déterminants. D’autres facteurs interviennent en arrière-plan. Les uns, d’ordre matériel, sont conditionnés par ce qui se passe dans la sphère de la production et de la création de richesses. D’autres, d’ordre symbolique, relèvent de l’imaginaire et des valeurs auxquelles se réfèrent les individus. Ces valeurs font système et entretiennent avec l’appartenance sociale, comme avec les facteurs matériels, des liens complexes et ambivalents.
Troisième subdivision – La mobilité sociale
Sujet développé n° 12 : Mobilité sociale, structures sociales et individus
Affronter les termes du sujet |
La mobilité sociale désigne la circulation des individus d’un groupe social à un autre. L’INSEE réserve l’expression aux changements de position sociale de la génération des pères à celle des fils, et qualifie de mobilité professionnelle celle d’une personne durant sa vie active.
La mobilité horizontale correspond à un changement de position sans effet sur le statut social, la mobilité verticale s’accomplit entre des positions jugées comme n’étant pas socialement équivalentes. Elle peut alors être ascendante ou descendante.
Les structures sociales sont généralement appréhendées en France à travers le code des CSP qui sert de base à la construction des tables de mobilité, et donc aux travaux de mesure de l’INSEE. Mais elles peuvent aussi l’être en termes de classes sociales à partir d’une classification en classe populaire, classe moyenne et classe dominante. Les approches déterministes mettent l’accent sur l’influence qu’exercent les structures sur les possibilités de mobilité des personnes.
La notion d’individu ne fait pas l’unanimité en sociologie où s’affrontent deux conceptions. Selon la première, les individus ne sont que des agents passifs subissant le poids des déterminismes sociaux. Selon la seconde, ils sont des acteurs capables de mener des stratégies. Ils disposent d’une marge d’autonomie dans la conduite de leur action, dans un contexte qui leur fixe des limites et où ils sont en interaction les uns avec les autres.
Si on met l’accent sur le degré de liberté des acteurs individuels, on s’inscrit dans la perspective de l’individualisme méthodologique, alors que si on met l’accent sur les structures, l’approche relève du holisme.
Répondre aux attentes des examinateurs |
L’énoncé n’indique aucune consigne particulière. Il juxtapose de manière à priori peu parlante trois termes dont les interactions ne sont pas évidentes. Problématiser correctement suppose d’avoir le bon réflexe, et de tout de suite identifier un débat récurrent en sociologie sur le rôle respectif des structures (holisme) et des individus (individualisme méthodologique) dans la production des phénomènes sociaux.
Traiter correctement le sujet demande ensuite de bien en circonscrire le champ. Il ne porte pas sur la mesure des flux de mobilité dans une société donnée, par exemple la France depuis les années 50. La question n’est pas de savoir si ces flux ont été importants ou non. Il faut partir d’un constat de la situation en introduction, ou éventuellement au début de la première partie, pour concentrer les développements sur ce qui est au cœur du sujet, à savoir les facteurs et les effets de la mobilité sociale.
Trouver les articulations du raisonnement |
Un débat de fond oppose en sociologie ceux qui focalisent leur attention sur les déterminations sociales que subissent les agents, à ceux qui sont sensibles aux degrés de liberté que les institutions et les mécanismes sociaux laissent aux acteurs dans la conception et l’interprétation de leurs rôles sociaux.
L’analyse de la mobilité sociale est un des lieux où s’exprime ce clivage théorique qui met en présence deux positions contraires :
– pour l’une d’elles les structures sociales et leurs évolutions contraignent ou rendent possibles, et donc déterminent, les trajectoires sociales des individus.
– pour l’autre les structures sont le résultat, toujours susceptible d’évoluer, de l’action des individus.
Ce débat porte sur les facteurs de la mobilité. Il n’est pas seulement académique car il conditionne la manière d’aborder la question de l’égalité des chances.
Il se double d’une interrogation plus récente sur les effets de la mobilité aussi bien sur les structures sociales que sur les individus.
Le sujet se décline donc sur deux registres :
Les trajectoires des individus dans l’espace social sont-elles avant tout déterminées par les structures, ou sont elles aussi, et dans quelle mesure, le fruit de leurs stratégies ?
Inversement, quels sont les effets de la mobilité sociale sur les structures et sur les individus ?
Pour en éclairer les enjeux il faut partir d’un rapide constat sur l’existence ou l’importance de la mobilité, puis analyser les mécanismes et les institutions qui la produisent, la permettent ou la canalisent, pour enfin étudier les effets de la mobilité sociale sur les structures sociales et sur les individus.
Repérer les connaissances et les auteurs à mobiliser |
Vous devez mobiliser ce que vous savez du clivage entre holisme et individualisme méthodologique (qui fait l’objet du plan détaillé n° 13).
Il est également nécessaire de faire le point sur l’importance des flux de mobilité sociale afin d’être mieux à même d’en analyser les facteurs et les effets.
A cet égard vous devez tenir compte du fait que la distinction habituelle entre mobilité structurelle et mobilité nette a été vivement critiquée à la fin des années 70 et qu’on tend à lui substituer une distinction entre mobilité observée et fluidité sociale.
Le premier point de vue consiste à analyser la mobilité telle qu’elle est affectée par la modification de la structure des emplois. Le second étudie la manière dont évolue la force du lien statistique entre l’origine et la destinée à structure socioprofessionnelle constante, c’est-à-dire en se fondant sur la clause « toutes choses égales par ailleurs ». Pour y parvenir, on mesure statistiquement les chances d’un fils de cadre de devenir cadre plutôt qu’ouvrier et celles d’un fils d’ouvrier de devenir cadre plutôt qu’ouvrier. Puis on fait le rapport de ces chances relative en faisant figurer au numérateur le rapport entre le nombre de fils d’ouvriers devenus cadres et le nombre de fils d’ouvriers devenus ouvriers, et au dénominateur le rapport entre le nombre de fils de cadres devenus cadres et le nombre de fils de cadres devenus ouvriers. Le calcul de ces « odd ratios », dont on a donné ci-dessus un exemple simplifié, permet de savoir si, au sein d’une société où la mobilité observée a augmenté, l’intensité du lien «pur» entre origine et position sociale a ou non faibli.
Que montrent les travaux récents sur le sujet dans le cas de la France ?
La livraison 2006 de Données sociales met en avant des éléments tendant à montrer qu’entre 1977 et 2003, la mobilité sociale a peu évolué. Ces éléments figurent ci-dessous dans la rubrique « Mémoriser des points de repère et des ordres de grandeur ».
En revanche, Claude Thélot, dans Tel père, tel fils ? a mis en évidence pour la période 1953-1977 une forte croissance de la mobilité observée et une certaine ouverture du régime de mobilité, par delà les seules modifications induites par la déformation de la structure socioprofessionnelle.
Dans une étude de 1999, Louis-André Vallet souligne également la forte augmentation de la mobilité observée depuis le milieu du 20ème siècle au sein de la société française, la proportion d’individus restant toute leur vie dans le même milieu social ne cessant de diminuer.
Ses calculs montrent que la force du lien entre le milieu d’origine des individus et la position sociale qu’ils occupent du fait de leur profession a connu une lente érosion depuis le début des années cinquante. Tout au long de la deuxième moitié du 20ème siècle, la fluidité sociale se serait accrue de 0,5 % par an. On en déduit qu’au sein de la société française l’ascension sociale l’emporte et continue de l’emporter sur le déclassement social.
Louis Chauvel atténue la portée de ces résultats en montrant que les générations des années 1940 et 1950 ont connu un mouvement ascendant qui semble exceptionnel et que leurs descendants ont peu de chances de connaître. Dans son optique il est probable que la mobilité ait à l’avenir pour moteur, non plus l’ascension, mais le déclassement de ceux qui appartiennent aux cohortes les plus récentes.
Il est donc difficile de se prononcer aujourd’hui nettement sur le sens des évolutions en cours.
Pour ce qui est des auteurs référez vous à :
– R. Boudon, L’inégalité des chances, La mobilité sociale dans les sociétés industrielles, collection Pluriel, Colin, 1985
– P. Bourdieu et J.C. Passeron, Les héritiers. Les étudiants et la culture, Minuit, 1964
– L. Chauvel, Le destin des générations, PUF, 2002 (2ème édition)
– C. Thélot, Tel père, tel fils ? Position sociale et origine familiale, Dunod, réédition 2004
– L.A. Vallet, Quarante années de mobilité sociale en France, Revue française de sociologie, volume XL, n°1, 1999, p. 3-64.
Rédiger l’introduction |
Amener le sujet
Après avoir défini les termes du sujet, partez du fait qu’au sein de la société française on observe d’importants flux de mobilité et que, même si ce point est discuté, à long terme, la force du lien entre origine et position sociale semble s’atténuer.
Définir une problématique
Quelle est la part respective des contraintes structurelles et des stratégies individuelles dans l’explication de ces phénomènes, et quelles sont leurs conséquences en retour sur les structures et les individus ?
Annoncer le plan
La première partie portera sur les facteurs de la mobilité, les mécanismes et les institutions qui la permettent ou la canalisent.
La deuxième partie analysera les effets de la mobilité sociale sur les structures et les individus
Dérouler les lignes directrices du raisonnement |
I – Individus, structures et facteurs de la mobilité sociale
L’évolution des structures de l’emploi joue manifestement un rôle déterminant dans l’explication des flux de mobilité. C’est elle qui fixe le cadre des possibles, canalise, freine ou accélère la mobilité des individus. Comment articuler cela avec la part d’autonomie des individus ?
Le poids des structures
Selon P. Bourdieu, les structures sont animées par une logique de reproduction qui perpétue les rapports de domination et rend en partie illusoires les espoirs d’ascension sociale durable par le jeu du seul mérite.
La manière dont l’école interagit avec l’institution familiale est au principe de cette logique. La famille est le lieu de la transmission du capital social, économique et culturel. Elle inscrit son empreinte sur l’ensemble des actes de la vie quotidienne. Par imprégnation et inculcation s’y opèrent des conditionnements spécifiques à des conditions données d’existence. C’est là que se forme l’habitus, c’est-à-dire ce que l’on a acquis, ce qui s’est incarné de façon durable dans le corps sous forme de dispositions permanentes. La famille produit donc des statuts sociaux assignés au sein d’une société où domine la tendance à l’immobilité sous couvert de changements apparents.
Mais elle ne peut opérer seule pour fonder un ordre social légitime. Elle a besoin du concours de l’institution scolaire qui donne un avantage décisif à ceux que leur habitus met d’emblée en affinité avec ses exigences et son mode de fonctionnement. Même si l’école s’adresse de la même manière à tous, ses messages sont reçus inégalement. Ses exigences et son mode propre de fonctionnement retraduisent dans l’ordre scolaire des différences sociales qui lui préexistent et qu’elle contribue d’autant plus à perpétuer qu’elle décerne des titres dont la valeur dépend des qualités sociales de leurs porteurs. La notion d’habitus est au cœur de cette analyse. C’est elle qui permet d’articuler la prégnance des structures de classes et une certaine autonomie des individus.
La responsabilité des individus
On a reproché à ce type d’analyse de méconnaître le jeu des acteurs et estimé qu’élèves et parents prennent des décisions d’orientation rationnelles en fonction de leurs intérêts.
Ainsi, selon R. Boudon, la perpétuation des inégalités est le produit non désiré des stratégies des familles. A chaque étape du cursus scolaire de l’enfant, des décisions sont prises sur la base d’un calcul qui en compare les coûts et les avantages. Or ces éléments sont appréciés de façon différente selon les milieux sociaux. Les décisions sont donc différentes, de même que la carrière scolaire et les trajectoires sociales ultérieures.
Cette approche débouche cependant sur des résultats comparables à ceux de la précédente : l’école peut se démocratiser sans que l’accès aux positions sociales les plus valorisées se démocratise pour autant. Son impact sur la mobilité sociale est donc là aussi limité.
Mais, comme le fait remarquer D. Merlillé, ces différentes analyses n’infirment cependant en rien la remarque de bon sens de Paul Lapie, un sociologue français qui affirmait en 1911 que, si réduit que soit l’effet de l’école sur le destin social, « on a tout de même plus de chances de s’élever dans l’échelle sociale en acquérant un peu d’instruction qu’en négligeant d’en acquérir ». Dans cette optique, l’analyse de l’interaction du milieu social d’origine et du système éducatif oppose toujours aujourd’hui les approches qui mettent l’accent sur la reproduction des structures (les héritiers) et celles qui cherchent à mettre en évidence les conditions favorables à la réussite des enfants des milieux populaires (les boursiers). Ces dernières soulignent l’importance de la mobilisation de l’individu et de sa famille autour d’un projet scolaire et d’une ambition de promotion sociale.
En définitive, que l’on mette l’accent sur le poids des structures ou sur la responsabilité des stratégies des familles, les mécanismes mis à jour permettent de comprendre l’importance de la mobilité observée, permise par les mutations des structures socioprofessionnelles, et la force maintenue du lien entre origine et destinée. Cette dernière s’atténue toutefois très progressivement, ce que la référence aux stratégies individuelles permet de mieux appréhender que la seule prise en compte des structures. Elle a donc une plus grande portée explicative pour comprendre les changements progressifs des structures sociales.
II – Individus, structures et effets de la mobilité sociale
La mobilité sociale a un impact sur la société et ses structures. Elle a aussi des effets sur les comportements des individus en situation de mobilité.
La mobilité n’est pas neutre socialement.
Elle peut favoriser l’ordre social.
Dans l’optique du courant fonctionnaliste, il faut que les individus occupant les différentes fonctions aient des compétences adaptées à ces fonctions. La mobilité sociale permettrait de mieux assurer cette adéquation des individus à leurs rôles sociaux et serait donc un facteur de bon fonctionnement des sociétés.
Avec Pareto, on peut aussi considérer que l’élite ne peut s’imposer durablement que si elle se renouvelle en écartant ses membres les moins aptes et en recrutant les meilleurs des membres des classes dominées.
Si on se place du point de vue des groupes sociaux, la mobilité sociale contribue à leur renouvellement et donc à leur vitalité. Ainsi l’histoire de la classe ouvrière française montre qu’elle a été un « creuset» pour de nombreux ruraux et immigrés. Mais, trop importants, les flux de mobilité sociale peuvent aussi menacer la cohérence et les possibilités de mobilisation et d’identification des groupes sociaux.
Son impact sur la stratification sociale est discuté.
Ce point a déjà été abordé dans le plan détaillé n° 15 sur la notion de classe moyenne. On se bornera ici à rappeler brièvement les deux grandes interprétations qui opposent les sociologues sur la nature de la stratification sociale.
Pour les uns, les flux de mobilité sociale qui ont marqué la société française depuis 1945 ont brouillé les frontières entre les classes. Ils ont permis des rapprochements entre les catégories sociales dont les modes de vie se sont homogénéisés. En affaiblissant la cohésion et l’identité des anciennes classes sociales, ils ont été le vecteur d’une moyennisation de la société. Située au carrefour de la circulation sociale, la catégorie des employés est ici emblématique : ses membres se sont rapprochés à la fois des ouvriers et des professions intermédiaires.
Pour les autres, ces modifications ne sont que superficielles. Ils font valoir que les résultats des tables révèlent la persistance de liens forts entre l’origine et la destinée sociale. Dans l’accès aux biens, les distances entre catégories sociales se sont maintenues. En outre, quand les parents ont connu une mobilité sociale ascendante, la probabilité que leurs descendants soient déclassés est forte. Les indices d’appartenance à chacune des catégories se sont déplacés vers le haut, mais les rapports de domination et les inégalités entre les groupes ont persisté. Les interprétations en termes de classes et de conflits de classe seraient donc toujours pertinentes. En d’autres termes, « il faut que tout change pour que rien ne change ».
La mobilité n’est pas neutre pour les individus.
Elle a un impact sur leurs comportements.
Les sociologues se sont interrogés sur les comportements des individus en situation de mobilité. Dans le domaine politique, on a cherché à savoir ce que les comportements sociaux peuvent devoir à la catégorie d’origine et à la catégorie de destination. Des enquêtes, il ressort que l’origine ouvrière prédispose au vote à gauche, alors même que l’individu mobile n’appartient plus à cette catégorie. On a aussi montré que des attitudes hyperconformistes pouvaient être adoptées par des individus qui n’ont pas été socialisés dans le groupe d’accueil dans lequel ils cherchent à s’intégrer tout en ayant le sentiment de ne pas y être tout à fait accepté. De ces études, qui rejoignent celles qui ont été consacrées aux migrants et aux processus d’acculturation, ressort un résultat général : ayant appartenu successivement à deux groupes, le mobile est socialisé dans chacun d’eux et adopte des comportements intermédiaires entre le groupe d’origine et le groupe d’accueil.
On a aussi cherché à mesurer l’influence de l’origine sociale sur les pratiques de fécondité sans pouvoir en tirer de conclusion générale. Dans certains cas l’influence de la catégorie sociale à laquelle le couple appartient semble dominante, dans d’autres l’influence de la catégorie d’origine prévaut.
Elle peut être source de déséquilibres pour les individus.
La mobilité sociale ascendante provoque une rupture avec le milieu d’origine et peut susciter un sentiment de double étrangeté, aussi bien vis-à-vis du groupe dont on vient que de celui qui a été rejoint. C’est notamment le cas des enfants de milieux populaires qui réussissent à s’élever dans l’échelle sociale par la réussite scolaire. Le déclassement social est également source de souffrance. La mobilité sociale a bien un coût social et psychologique.
Conclure |
Résumer et répondre
Le débat récurrent opposant déterminisme des structures sociales et initiative des individus n’a plus de sens si on le pousse à la limite. Comme le rappelait Raymond Aron, la sociologie recherche la présence des individus même dans la chose sociale la plus massive ainsi que celle de la présence de la collectivité même dans les contacts individuels.
L’enjeu pour l’analyse n’est pas dans l’opposition abstraite entre structures et acteurs, mais dans les modes d’articulation de ces niveaux d’analyse: les stratégies se déploient dans des structures sociales. Étudier la mobilité sociale comme le résultat de la mise en œuvre de projets de mobilité ou de conservation de la position sociale acquise ne saurait conduire à dissoudre la réalité des structures sociales, faute de quoi ces projets mêmes perdraient leur sens. Pour que des individus puissent .souhaiter s’élever ou se maintenir dans la structure sociale, il est nécessaire qu’existent effectivement des groupes sociaux différenciés et qu’un minimum de résistance s’oppose à ces projets.
Ouvrir
Structures, stratégies des acteurs et mobilité sont bien dans de constantes interactions qui de manière conjointe façonnent les destins individuels et sont porteurs de mutations des structures. En tout état de cause, l’étude de la mobilité, de ses facteurs et de ses effets est d’une grande portée pour la compréhension du changement social.
Réfléchir sur des sujets voisins |
Sujets d’écrit
Mobilité sociale et croissance économique en France depuis 1945 (Ecricome, 2001)
Peut-on dire que la mobilité sociale s’est accrue en France depuis les années 1960 ? (ESC, 2002)
Exemples de sujets tombés à l’oral de l’ESCP depuis 1997 :
– Comment peut-on analyser la mobilité sociale en France depuis 1945 ?
– Mobilité sociale et rythme de croissance en France depuis 50 ans
– Tel père, tel fils ? [Vous appuierez votre analyse sur l’exemple de la mobilité sociale dans la France contemporaine]
– Ecole et mobilité sociale en France depuis 1945
– La démocratisation de l’école a-t-elle été un facteur de réduction des inégalités dans la société française depuis 40 ans ?
– Les limites à la mobilité sociale en France aujourd’hui
– Quelles sont les limites à la mobilité sociale dans les grands pays industrialisés aujourd’hui ?
– La mobilité sociale des femmes en France après 1945
– Famille et mobilité sociale dans les grands pays industrialisés aujourd’hui
Conforter ses connaissances |
A lire : D. Merllié et J. Prévot, La mobilité sociale, Repères, La découverte, 1997
S’appuyer sur des citations |
« La caractéristique la plus remarquable des sociétés occidentales contemporaines est bien leur grande mobilité […] Un grand nombre des caractéristiques de notre civilisation sont dues à l’effet de cette mobilité intense »
P.A.Sorokin, Social Mobility, Harper and Brothers, New York, 1927, page 409
« Ce phénomène des nouvelles élites, qui par un mouvement incessant de circulation, surgissent des couches inférieures de la société, montent dans les couches supérieures, s’y épanouissent, et, ensuite, tombent en décadence, sont anéanties, disparaissent, est un des principaux de l’histoire, et il est indispensable d’en tenir compte pour comprendre les grands mouvements sociaux »
W. Pareto, Les Systèmes Socialistes, Girard et Brière, Paris, 1902-1903, I.
« Plus une classe dominante est capable d’accueillir dans ses rangs les hommes les plus importants de la classe dominée, plus son oppression est solide et dangereuse »
K. Marx, Le Capital, Livre III, 1894, Editions Sociales, Paris, 1976
« La société française s’est légèrement assouplie : d’une génération à la suivante, toutes choses égales d’ailleurs, la tendance à la reproduction s’est atténuée dans la plupart des groupes sociaux »
C. Thélot, Tel père, tel fils ? opus cité
Mémoriser des points de repère et des ordres de grandeur |
L’édition 2006 de données sociales, publiée par l’INSEE, établit qu’entre 1977 et 2003 la proportion d’ouvriers parmi les actifs est passée de 36 à 20%, celle d’agriculteurs de 7 à 3%. La part des cadres et professions intermédiaires dans la population active a en revanche progressé de 21 à 38%. Cela a provoqué un considérable appel d’air. Les classes moyennes et supérieures du salariat sont en effet forcément constituées de membres d’origines diverses. Les fils d’ouvriers et d’agriculteurs accèdent aux catégories supérieures du salariat en raison de cet appel d’air et non pas d’une réelle évolution de l’égalité des chances. Si les changements structurels liés au contexte économique ont joué en faveur d’une augmentation de la mobilité sociale, la mobilité nette des évolutions du marché de l’emploi ne s’est pas accrue.
Sur ce point l’étude de Stéphanie Dupays publiée par la même édition de Données sociales donne les précisions suivantes :
« En 2003, un homme âgé de 40 à 59 ans sur trois a une position sociale identique à celle de son père au même âge. Ce chiffre cache des situations très variées selon les groupes sociaux : 9 agriculteurs sur 10 ont la même position sociale que leur père, contre 2 cadres sur 10. Au cours des vingt-cinq dernières années, l’évolution de la structure sociale a favorisé la mobilité. En 2003, 40 % de la mobilité est ainsi due aux changements structurels de l’économie. La mobilité nette des transformations du marché du travail diminue toutefois entre 1977 et 2003. L’inégalité d’accès aux statuts supérieurs a augmenté. »
Thème V – Les stratégies de développement
Programme de travail
Ce Douzième et dernier thème porte sur les pays dits en développement (P.E.D.). On vous demande d’en étudier les caractéristiques spécifiques, ce qui conduit à constater que les PED ne forment pas un ensemble homogène : l’unité du tiers-monde affichée à la conférence de Bandoeng en 1955 a depuis volé en éclat, tant les évolutions des nations qui le composaient ont suivi des voies différentes. La cause majeure de ces divergences est à rechercher du côté des différentes stratégies mises en œuvre avec des résultats très inégaux.
Subdivisions du thème |
Sujets proposés |
Caractéristiques du sous-développement |
Plan détaillé n°2O : L’Agriculture est-elle un frein au développement des pays du tiers monde ? |
Réussites et échecs des stratégies de développement |
Sujet commenté N° III: La croissance des pays en développement nuit-elle à la prospérité des pays industrialisés?
ESSEC, épreuve écrite |
Plan détaillé n°20 : L’Agriculture est-elle un frein au développement des pays du tiers monde ? Vous analyserez cette question à la lumière de l’expérience des pays développés.
Répondre aux attentes des examinateurs
Le décryptage de l’énoncé
Développement : c’est un processus de long terme qui suppose un contexte institutionnel favorable et des populations motivées. Pour qu’il s’enclenche et que l’économie décolle, les industries naissantes ont besoin d’un minimum de protection vis-à-vis de la concurrence extérieure, conformément aux thèses du protectionnisme éducateur énoncées dès le 19ème siècle par F. List.
Agriculture : elle correspond à l’ensemble des travaux transformant le milieu naturel pour produire des végétaux et des animaux utiles à l’homme. Elle est l’activité autour de laquelle s’organise le secteur primaire dont la part reste largement majoritaire dans l’emploi et le PIB de la plupart des pays dits en voie de développement. De même que les industries dans l’enfance, le développement des agricultures du Tiers Monde suppose qu’elles ne subissent pas de plein fouet la concurrence agressive des exportations de lait, de viande ou de céréales vendues à prix subventionnés par les pays du Nord. L’histoire montre que les pays aujourd’hui prospères se sont d’abord presque tous appuyés sur une base agraire solide et continuent à protéger leurs agriculteurs. En revanche, les pays pauvres, au nom du développement, les ont trop souvent sacrifiés à d’autres secteurs de l’économie.
Tiers Monde : c’est une expression forgée par Alfred Sauvy pour désigner les pays sous-développés dont le point commun est de n’avoir pas connu de révolution industrielle au 19ème siècle. Apparue dans un article publié par la revue France observateur en août 1952, elle se réfère au tiers état de l’Ancien Régime : « car enfin, ce tiers monde ignoré, exploité, méprisé comme le tiers état, veut lui aussi, être quelque chose ». Son emploi dans l’énoncé indique qu’il faut se situer après 1945. La fin de la guerre marque en effet le début du processus de décolonisation, c’est-à-dire d’acquisition de leur indépendance politique par des pays qui passent du statut de colonies à celui d’Etats du tiers-monde. L’expression est devenue beaucoup moins pertinente depuis qu’a disparu le deuxième monde constitué autrefois de pays que l’on qualifiait de socialistes. Il convient désormais de l’employer au pluriel, car les trajectoires des nations que l’on regroupait sous son étiquette se sont considérablement diversifiées.
Les erreurs à ne pas commettre
Le sujet porte sur le rôle de l’agriculture dans le processus de développement des pays du tiers-monde à l’issue du processus de décolonisation.
Une première erreur consisterait à envisager les pays du tiers monde comme s’ils formaient un tout homogène. Il faut prendre en compte la diversité des situations.
Mais ce serait aussi une erreur de traiter la question au cas par cas en décrivant par le menu l’expérience de tel ou tel pays (si tant est que vous ayez en tête les éléments pour le faire). Tout au plus peut on illustrer par des références précises des propositions d’ordre plus général découlant de l’analyse économique.
C’est d’elle qu’il faut partir pour mettre en évidence la contribution que peut apporter l’agriculture à la dynamique du développement : action sur l’offre, action sur la demande, liens avec l’industrie, impact en termes de financement, de démographie, de mentalités et de représentations etc.…Cela conduit à montrer que cette activité qui occupe une part prépondérante de la population des pays du tiers monde peut aussi bien freiner que stimuler le processus de modernisation. L’enjeu est donc de dégager les conditions à réunir pour qu’elle y joue un rôle moteur. Cela nécessite de se référer aux expériences vécues par les pays qui se sont industrialisés avant 1945 qu’il s’agisse de la Grande Bretagne, de la France, de l’Allemagne, des Etats-Unis, du Japon et de la Russie (ou de l’ex-URSS).
La démarche à suivre
Ces premières considérations sur le sujet débouchent sur des questions du type : les pays en voie de développement doivent-ils sacrifier l’agriculture à l’industrie pour faire décoller leurs économies ? L’agriculture ne peut-elle au contraire être un élément moteur du développement, et si oui, à quelles conditions ? Dès lors quelle place faut-il lui donner dans les stratégies de développement ?
Pour y répondre, le plan pourrait être organisé de la manière suivante :
– la première partie porterait sur les enseignements du passé en distinguant ce qui s’est passé avant et après la première guerre mondiale.
– la deuxième montrerait pourquoi la modernisation de l’agriculture est nécessaire pour libérer les forces vives du développement, aussi bien du côté de l’offre que de la demande.
– La troisième aurait pour thème les obstacles à surmonter et les conditions à réunir au plan interne comme au plan externe.
Les connaissances et les auteurs à mobiliser
Mobilisez ce que vous savez :
– Sur les liens entre révolution agricole et révolution industrielle en Grande Bretagne et en France, ce qui suppose de se référer aux analyses de Rostow, de Bairoch, de Crouzet et d’Ashton.
– Sur le rôle joué par l’agriculture dans la modernisation du Japon sous l’ère Meiji et l’industrialisation de la Russie avant 1914, point très clairement exposé par JC Asselain dans son ouvrage sur la révolution industrielle.
– Sur les arguments respectifs de Preobrajenski et de Boukharine lors de la controverse qui les a opposés, avant que Staline n’impose par la terreur la collectivisation forcée des terres en URSS.
– Sur les expériences d’industries industrialisantes menées en Algérie après l’indépendance dans la lignée des thèses de G. Destanne de Bernis
– Sur la révolution verte au Mexique, en Inde et aux Philippines
– Sur le modèle de Lewis
– Sur quelques expériences de réformes agraires réussies (Corée du sud) ou non
– Sur les questions relatives aux cultures d’exportation, au commerce international de produits primaires et à l’évolution des termes de l’échange.
Rechercher et mettre en ordre les arguments
Premier volet de l’enquête : Les enseignements du passé
Premier point : avant 1914
Commencez par évoquer les liens entre révolution agricole et révolution industrielle en Grande Bretagne tels qu’ils se sont manifestés au 18ème et au 19ème siècle.
Montrez avec Rostow que les progrès de l’agriculture jouent un rôle clef lors de la deuxième étape de réunion des conditions préalables au décollage (vous devez désormais bien connaître les lignes directrices du schéma de Rostow et les caractéristiques de chacune des étapes).
Appuyez cet argument par l’analyse de Bairoch. Notez que dans Le Tiers Monde dans l’impasse, il s’appuie sur le cas anglais pour montrer que la révolution agricole est un préalable indispensable à tout processus d’industrialisation. Nuancez par le point de vue d’Ashton selon lequel c’est la révolution industrielle qui est à l’origine des modifications en profondeur de l’agriculture. Dans son optique ces modifications ne seraient donc pas une cause mais une conséquence de l’industrialisation. De même, l’exode rural aurait été provoqué par le creusement des écarts entre les salaires offerts par le secteur secondaire et ceux du secteur primaire.
En contrepoint, évoquez le cas de la France au 19ème siècle : le processus de transformation de l’agriculture y est beaucoup plus lent. Entre l’agriculture et l’industrie, ainsi que l’a montré Crouzet, il y a parallélisme et imbrication, mais non antériorité des mutations agricoles sur celles du secteur secondaire. Notez qu’en France la progression du PIB global et du PIB par tête est plus lente que dans le cas de l’Angleterre et qu’on ne peut pas repérer clairement une phase de décollage au sens où l’entend Rostow (si vous ne vous souvenez plus des critères du « take off » revoyez les dans votre cours ou votre manuel).
Poursuivez par la comparaison du cas du Japon et de la Russie :
Au Japon, dès le début de l’ère Meiji est mise en œuvre une réforme fiscale qui fait jouer à l’agriculture un rôle décisif dans le financement de l’industrialisation du pays avec un impôt assis sur la valeur estimée du capital foncier détenu par chaque famille de paysan (et non sur celle des récoltes). Remarquez qu’au Japon le secteur agricole contribue à une croissance équilibrée de l’économie fondée sur la dotation du pays en facteurs de production. Ses structures ne sont pas brutalement bouleversées mais évoluent progressivement. L’agriculture contribue à dégager non seulement des ressources fiscales mais aussi des recettes d’exportation.
En revanche, en Russie, la paysannerie n’est libérée du servage qu’en 1861, aux termes d’une réforme qui lui impose de lourdes indemnités de rachat, n’apporte aucune solution à la « faim de terres » et laisse intactes les structures du « mir » alors qu’elles sont un obstacle majeur à toute élévation significative de la productivité. L’industrialisation du pays repose sur l’appel aux techniques et aux capitaux étrangers. Son accélération a un caractère forcé. Elle laisse de côté un secteur agricole arriéré. Les réformes entreprises par Stolypine interviennent trop tardivement pour fournir au régime la base agraire stable dont il aurait eu besoin pour survivre aux épreuves de la guerre et des bouleversements révolutionnaires.
Deuxième point : au 20ème siècle
Mettez en avant le cas dramatique de l’URSS sous Staline. Dans les années 20, un débat en apparence théorique a opposé deux thèses : celle de Preobrajenski reposait sur la notion d’accumulation socialiste primitive. Pour financer l’industrialisation à marche forcée voulue par le régime il fallait imposer aux paysans des prix bas et des impôts élevés, tout en les incitant à intégrer des fermes collectives. Boukharine défendait la nécessité de respecter la loi de la valeur, c’est-à-dire d’un échange équivalent entre les deux secteurs. Agriculture et industrie devaient évoluer en parallèle, de manière à ce que l’économie « marche sur ses deux jambes ». Staline finit par imposer la collectivisation forcée des terres. Suscitant une résistance désespérée de la part des paysans, elle s’opéra dans des circonstances dramatiques. La société soviétique fut « dékoulakisée », ce qui fit des millions de victimes. L’agriculture du pays ne se releva jamais de ce terrible traumatisme et demeura le talon d’Achille de l’économie jusqu’à l’implosion de l’URSS.
Un autre contre-exemple est fourni par l’Algérie. Après son indépendance en 1962, les responsables firent le choix d’une stratégie d’industries industrialisantes. Préconisée par l’économiste français Gérard Destanne de Bernis, elle s’inspirait d’idées défendues par François Perroux et Albert Hirschman. Les conséquences furent moins terribles mais néanmoins catastrophiques : le pays eut à souffrir d’une forte dépendance alimentaire, d’une urbanisation galopante et d’un taux de chômage particulièrement élevé chez les jeunes. Son économie s’organisa autour de la rente pétrolière à travers un processus de croissance globalement appauvrissante peu compatible avec les exigences du développement.
Deuxième volet de l’enquête : Une modernisation nécessaire pour initier la dynamique de la croissance
Présentez d’abord les modalités puis les effets de la diffusion du progrès technique dans l’agriculture.
Les modalités du progrès technique dans l’agriculture
L’évolution des techniques culturales passe par l’utilisation d’engrais, par des travaux d’irrigation, par le remembrement des terres, par la spécialisation des cultures, par leur insertion dans l’économie de marché et donc par la monétarisation de l’économie. Illustrez par ce que vous savez de la révolution verte. Précisez que ce terme désigne le bond technologique réalisé en agriculture au cours de la période 1944-1970, à la suite de progrès scientifiques réalisés durant l’entre-deux-guerres. Elle a été rendue possible par la mise au point de nouvelles variétés à haut rendement, notamment de céréales (blé et riz). L’utilisation des engrais minéraux et des produits phytosanitaires, de la mécanisation, de l’irrigation y ont aussi contribué. Elle a eu pour conséquence un accroissement spectaculaire de la productivité agricole, et a permis d’éviter les famines catastrophiques qui auraient pu découler de l’augmentation sans précédent de la population mondiale depuis 1950.
Les principaux pays concernés sont le Mexique, l’Inde et les Philippines. Partout où elle a été menée avec succès, la révolution verte a nécessité une politique étatique volontariste qui s’est généralement traduite par des subventions à l’utilisation des intrants chimiques (pesticides, fertilisants…), par un aménagement du territoire permettant la maîtrise de l’eau, par des subventions à l’achat des semences et par une protection des prix des matières agricoles.
Pour ce qui est de l’analyse des effets du progrès technique, référez vous aux analyses de Fourastié soulignant l’importance cruciale des gains de productivité que ces progrès autorisent. Vous pouvez indiquer que la poursuite de l’amélioration des rendements soulève aujourd’hui la question très controversée de l’usage des organismes génétiquement modifiés (OGM).
Les effets du progrès technique dans l’agriculture
Les mutations de la production agricole jouent sur la dynamique de la croissance, aussi bien du côté de l’offre que de la demande.
Du côté de l’offre, elles permettent de[] baisser les prix des produits alimentaires, et par là de nourrir à moindre frais le reste de la population. Cela contribue fortement à maîtriser les salaires courants de l’industrie et à maintenir l’avantage compétitif du pays dans ce domaine. En outre, une agriculture modernisée peut fournir à l’industrie les matières premières dont elle a besoin, telles que le coton, la laine, le lin pour le secteur textile, le sucre les oléagineux le houblon, le maïs pour les industries agroalimentaires. De surcroît, elle constitue pour le secteur secondaire une réserve essentielle de main d’œuvre à bon marché. Sur ce point, utilisez le modèle de Lewis qui adapte la théorie de la croissance aux problèmes spécifiques des pays en voie de développement. Mettez en évidence l’axe structurant de ce modèle qui est la prise en compte du caractère dual d’économies où coexistent un secteur traditionnel avec un surplus de main d’œuvre et un secteur moderne. Ce dernier peut se développer grâce à la faiblesse des coûts salariaux maintenus sous la pression d’une offre illimitée de main d’œuvre provenant du premier secteur. Pendant une longue période cela permet à la croissance de ne pas venir buter sur le plein emploi des facteurs.
Envisagez maintenant l’impact sur les revenus et la demande en montrant qu’un base agraire solide est le socle de l’accroissement du marché intérieur. Faites apparaître les liens entre la hausse du pouvoir d’achat des agriculteurs que permettent les gains de productivité et la progression de la demande, puis entre la hausse des revenus agricoles et l’accroissement des capacité d’épargne qui lui-même autorise les progrès de l’accumulation du capital par tête. Mentionnez aussi le fait que les exportations accrues de denrées agricoles procurent au pays des ressources en devises susceptibles de financer l’importation de biens d’équipement et de nouvelles technologies.
Entre agriculture et industrie les interactions sont donc essentielles. Mais pour qu’elles jouent dans le sens du développement des conditions doivent être remplies.
Troisième volet de l’enquête : Les obstacles à surmonter
Les obstacles internes
Les obstacles internes peuvent s’analyser sous deux angles différents. Le premier est celui des problèmes associés à la diffusion de l’innovation. D’une part elle présente des risques et de ce fait peut susciter des résistances. Tel sera le cas si le bilan des coûts et des avantages associés au changement lui est défavorable. Jouent également des facteurs socioculturels liés à l’état des mentalités. Le deuxième angle est celui de la répartition des terres cultivables. Les structures foncières sont l’enjeu de conflits qui peuvent devenir paralysants et bloquer les évolutions nécessaires. Deux écueils sont ici à éviter : un morcellement excessif des terres est un obstacle à l’essor d’une agriculture viable ; leur concentration excessive est à la racine de blocages sociaux également contraires au développement. De nombreux exemples d’échecs, en Argentine notamment, montrent que les réformes agraires sont difficiles à mettre en œuvre. Celle menée en Corée du sud est le plus souvent présentée comme une réussite. Elle souligne toutefois les difficultés de l’entreprise. Au début des années 1950 la population rurale représente 75% de la population totale de ce pays occupé par l’armée américaine qui impose une réforme agraire radicale basée notamment sur l’expropriation sans indemnisation des grands propriétaires japonais. Mis en possession de modestes parcelles de terre, les paysans ont été soumis à une forte contrainte de la part de l’Ėtat jusque dans les années 70. Les autorités publiques fixaient les prix à l’achat (aux paysans) et à la vente (aux consommateurs). Cela permettait de fournir des aliments à prix subventionnés et donc bas à la population urbaine, et notamment aux catégories ouvrières en expansion dont les salaires ont longtemps été comprimés. En outre, les impôts et taxes payés par les paysans ont été utilisés par l’Ėtat pour des investissements dans les infrastructures de communications, l’électricité et l’industrie. Une fois le décollage opéré, il a été possible de réduire le rôle des offices publics de commercialisation, de libérer les prix et de relâcher la contrainte qui pesait sur les agriculteurs.
Les obstacles externes
Ils tiennent aux spécificités du commerce des produits agricoles. Pendant longtemps les questions agricoles ont été exclues des négociations internationales. Sur les marchés agricoles la concurrence est toujours faussée par les puissances exportatrices et protectionnistes du nord qui subventionnent leur agriculture. L’importation par les pays clients de produits alimentaires à des prix souvent inférieurs aux coûts de production des agriculteurs locaux y décourage l’élevage et les cultures vivrières. Ce phénomène négatif est renforcé par les pratiques des offices publics de commercialisation lorsqu’ils imposent des prix de rachat insuffisamment stimulants pour les paysans.
Pour ce qui est des cultures d’exportation, rappelez qu’elles sont régies par des mécanismes spécifiques globalement défavorables aux pays en voie de développement. Les marchés internationaux sont en effet dominés par quelques firmes multinationales et par une poignée de grandes puissances agricoles parmi lesquelles on compte les Etats-Unis, le Brésil, l’Argentine, le Canada et la France. Les cours sont cotés sur les places financières occidentales et notamment au Chicago Board of Trade (C.B.O.T.).
Outre ces effets de domination, la spécialisation dans le commerce de produits agricoles présente des dangers qui lui sont inhérents. Dans ce domaine joue toujours la loi de King. De plus, même si la question est discutée, on y observe aussi une dégradation des termes de l’échange. Les deux phénomènes se conjuguent pour provoquer l’instabilité des recettes d’exportation. Autre grief fait à ce type de cultures, elle accentuerait la désarticulation des économies. De plus l’emprise des cultures d’exportation, même si elle est limitée en pourcentage des surfaces cultivables, fait naître des tensions sur la production vivrière.
Répondre à la question posée
La modernisation de l’agriculture est une condition indispensable du développement. Elle doit s’effectuer selon des modalités qui renforcent la base agraire du pays et qui donc ne sacrifient pas son agriculture à son industrie. Cela peut à court terme freiner quelque peu le processus, mais est sur la durée la garantie d’une croissance équilibrée. De plus des bouleversements semblent actuellement se manifester dans ce domaine. Sur les marchés internationaux, les cours des matières premières agricoles – blé, riz, soja, lait, maïs – ont connu de très fortes progressions en 2007 et 2008. Croissance démographique et économique forte, changement des habitudes alimentaires dans les pays émergents, essor des biocarburants poussent durablement en ce sens. Les perspectives sont donc favorables pour les pays exportateurs et devraient inciter les autres pays à limiter autant que possible leur dépendance alimentaire. Il ne faut donc surtout pas sacrifier l’agriculture, secteur d’avenir même si les voies du succès sont étroites et demandent du temps.
Sujet commenté N° III: La croissance des pays en développement nuit-elle à la prospérité des pays industrialisés? ESSEC, épreuve écrite
Sujet proche : L’émergence des nouveaux pays industriels est-elle un frein à la croissance des pays avancés ? Vous répondrez en vous aidant de l’analyse économique et historique et en faisant référence à des exemples historiques précis.
HEC, épreuve écrite du concours 2006
I – Les attentes du jury
Le jury attend des candidats qu’ils connaissent l’actualité de manière à pouvoir illustrer leurs propos par de nombreux exemples, qu’ils soient à même de valoriser la dimension historique du sujet et qu’ils sachent évoquer les débats que suscite une question qui fait l’objet de divergences notables entre économistes. Au-delà de ces remarques générales sont formulées des attentes plus précises :
Sur la lecture de l’énoncé
Le rapport remarque que trop de candidats ne prennent pas la peine de définir en introduction les termes principaux du sujet : « Cette lacune les conduit presque inévitablement à ne pas distinguer la situation des pays les moins avancés de celle des nouveaux pays industrialisés, asiatiques notamment, et à considérer le «Sud» comme un ensemble homogène ».
Il était donc essentiel de ne pas tomber dans ce travers et, au sein des pays en développement (PED), de focaliser l’analyse sur ceux qui par leurs stratégies de développement ont connu une phase d’industrialisation rapide au cours des trente dernières années.
De même, il était nécessaire de prendre en considération la diversité des situations des pays industrialisés en distinguant le cas des Etats-Unis, dont l’économie a fait preuve d’un grand dynamisme depuis le début des années 90, de ceux de l’Allemagne, de la France ou du Japon.
Sur le déroulement de l’argumentation
Le jury constate qu’un grand nombre de candidats ne hiérarchise pas suffisamment les arguments présentés qui s’enchaînent sans lien direct et sans cohérence. Le rapport rappelle qu’une introduction n’affirme pas un point de vue ex nihilo et a priori, et que le plan choisi doit répondre à une problématique correspondant au sujet. Il est aussi noté que la conclusion, souvent pauvre, doit être construite en deux parties : résumant l’argumentation, elle la prolonge par une ouverture sur une autre question.
Sur la problématique et le plan
Le jury fait état du plan simple le plus fréquemment retenu par les candidats, avec une première partie montrant en quoi les pays en développement menacent la prospérité des pays industrialisés, et une seconde partie mettant en évidence la perpétuation de la domination des pays industrialisés dans un monde toujours plus inégal. Il est noté que certains candidats ont rajouté à cette structuration une partie intermédiaire dans laquelle la croissance des pays en développement est neutre pour la prospérité des pays industrialisés.
Le jury observe que « Globalement, les plans choisis ne sont pas critiquables » en ajoutant que « le seul véritable écueil à éviter était de centrer l’analyse sur la question du développement ». En effet, l’analyse des stratégies de développement considérées en tant que telles ne relève pas du sujet, qui ne porte que sur leurs conséquences pour les pays antérieurement industrialisés.
Sur la mobilisation des outils de l’analyse économique
Le jury regrette que dans de nombreuses copies, des erreurs ou des imprécisions soient commises, avec même une confusion grossière et pourtant fréquente entre avantages absolus et avantages comparatifs.
Il aurait souhaité que les candidats, qui ont à juste raison souvent cité l’analyse de J-N Giraud sur ce point, ne se bornent pas à mentionner la concurrence des pays à bas salaires et le chômage croissant des travailleurs exposés qui en résulte dans les pays industrialisés, mais établissent aussi le lien entre le niveau des salaires et celui de la productivité du travail.
Dans le même ordre d’idée, il constate que le théorème de Stolper-Samuelson sur l’égalisation des prix des facteurs de production, a souvent donné lieu à des interprétations fantaisistes. Or : «Une bonne connaissance de ce dernier pouvait pourtant permettre de lier mondialisation et disqualification tendancielle du travail non qualifié, creusant ainsi les inégalités sociales au Nord et amenant parfois, lorsque les déséquilibres deviennent géographiquement concentrés, à la désertification régionale ».
Après avoir noté que les candidats ont en général choisi d’opposer les théories néoclassiques (Solow, HOS) et les théories marxistes (Amin, Emmanuel), il estime « qu’il n’est pas certain que cette opposition ait suffisamment apporté de nuances dans le traitement de la question posée ». En effet, le point de vue d’un auteur comme A. Emmanuel, théoricien de l’échange inégal, a évolué, ainsi qu’en témoigne sa phrase souvent citée : «Ce n’est pas parce que les firmes multinationales investissent en Afrique que cette dernière est sous-développée, c’est au contraire parce qu’elles n’y sont pas assez présentes». Après l’avoir reproduite, le rapport apporte la précision suivante : « La thèse du développement auto-centré, chère aux tiers-mondistes des années 1960, n’est plus guère à l’ordre du jour et l’échec de ce type de stratégie de développement a rendu très discutables les analyses néo-marxistes en termes d’exploitation de la périphérie par le centre ».
II – La recherche des arguments
Le sujet porte non sur les caractéristiques des stratégies de développement (question de cours), mais sur leurs conséquences pour les pays industrialisés et la configuration à venir de l’économie mondiale.
Les correcteurs indiquent que son traitement nécessite en particulier de :
– savoir utiliser la thèse exposée par P. Krugman dans La mondialisation n’est pas coupable, ouvrage où il défend l’idée que malgré le développement des échanges internationaux, les niveaux de vie restent très largement déterminés par des facteurs internes.
– savoir exploiter les enseignements des théories du commerce international en ayant bien conscience du fait que l’idée selon laquelle le commerce international est un jeu à somme positive remonte à David Hume, philosophe ami d’Adam Smith dont ce dernier fut l’exécuteur testamentaire. Confirmée par toutes les analyses classiques et néo-classiques, elle fait aujourd’hui l’objet d’un large consensus.
– penser à introduire le rôle des institutions internationales chargées de promouvoir des stratégies de coopération entre pays,
– nuancer les conclusions optimistes des libéraux, en faisant notamment référence à la question de la dégradation des termes de l’échange ou à celle de la croissance appauvrissante de Prebisch.
– mettre au centre de l’analyse la question de la coopération qui méritait d’être mieux exploitée. A cet égard, le rapport déplore que « peu ou presque rien ne fut noté sur les problèmes de développement durable, concept en lien avec la croissance au Sud, qui demanderaient la coopération de tous. La croissance énergétivore de certains pays en développement réactualise la question de l’épuisement des ressources rares avec une acuité sans précédent. De même, beaucoup de pays en développement ont pris conscience que leurs stratégies protectionnistes ou le fait de demander des traitements spécifiques les excluaient finalement du processus de négociation par lequel les pays industrialisés se partageaient les gains issus de la libéralisation des échanges. Les difficultés actuelles ne résultent-elles pas justement de l’absence de coopération entre les Etats ? »
– rappeler que le commerce mondial reste le privilège des grandes puissances. Les Firmes multinationales (FMN) du nord sont les principales instigatrices de l’essor des Investissements directs à l’étranger (IDE) et du commerce intra firme, et les grandes places financières restent localisées dans les pays développés. Le protectionnisme de ces derniers «trouve de nouvelles justifications dans le dumping social et monétaire (qu’il fallait débattre) des pays en développement, et dans les conclusions alarmistes de certains rapports (ex rapport Arthuis) ». Dans cette optique on était fondé à relever que « la volonté des pays développés de soumettre les pays tiers à un modèle culturel occidental en liant modernisation et occidentalisation est encore manifeste ».
III – La mise en ordre et en forme des idées
Toujours dans le but de vous permettre de mieux appréhender ce qui est attendu de vous en concours, le texte ci-dessous s’inspire directement de la copie que le jury a estimé bon de publier avec l’appréciation suivante : « L’analyse est convaincante. Elle s’appuie principalement sur l’ouvrage de Paul Krugman «La mondialisation n’est pas coupable». Les arguments développés sont solides et bien assimilés. L’introduction est intéressante et pose bien la façon de traiter le sujet. La conclusion est cependant trop synthétique et les aspects historiques du sujet sont insuffisamment développés. »
Il s’inspire des arguments mis en avant par le candidat, mais les restructure selon un autre plan pour tenir compte des observations des correcteurs.
Introduction
Accroche
Celle du candidat se réfère aux travaux de Lester Thurow et Adrian Wood.
Professeur d’économie au MIT pendant plus de 30 ans, Lester Thurow est aussi un éditorialiste influent aux Etats-Unis et un auteur d’ouvrages à succès (The Coming Economic Battle Among Japan, Europe and America, 1992, The Future of Capitalism, 1996, Building Wealth, 2000).
Adrian Wood, spécialiste anglais de l’économie du développement, est l’auteur d’études mesurant l’impact des échanges Nord – Sud sur les salaires des travailleurs non qualifiés des pays industrialisés. Ses conclusions sont que cet impact est négatif.
La référence aux travaux de ces deux auteurs conduit à l’idée que la croissance des pays en développement (PED) nuirait à la prospérité des pays développés à économie de marché (PDEM) par le biais d’une stagnation, voire d’une baisse du pouvoir d’achat et de la montée du chômage.
Deux canaux de transmission seraient ici à l’œuvre : celui du commerce international et celui des investissements directs à l’étranger (IDE). La compétitivité prix des PED garantirait en effet la croissance de leurs exportations, alors que la faiblesse de leurs coûts salariaux susciterait un flux croissant d’IDE. En détruisant des emplois industriels mal compensés par la création d’emplois moins bien rémunérés dans les services, ces évolutions seraient désastreuses pour des économies avancées en voie de désindustrialisation.
Problématique
Demandez vous ce qu’il en est de la validité de cette thèse. Pour affiner cette question qui servira de guide à votre réflexion, cernez davantage le sens des mots clefs du sujet en précisant par quels indicateurs statistiques s’apprécie la prospérité d’un pays, et surtout en n’oubliant pas de déconstruire la notion de pays en développement. Rappelez que cet ensemble hétérogène inclut le groupe des pays les moins avancés, mais aussi des pays qui grâce à leurs stratégies de développement ont connu une phase d’industrialisation rapide au cours des trente dernières années.
Annonce du plan
Si la thèse selon laquelle la croissance de certains PED nuit à la prospérité des pays industrialisés est plausible, elle ne s’en heurte pas moins à de sérieuses objections.
D’autres arguments permettent d’ailleurs de montrer que cette croissance induit des conséquences globalement positives sur celle des pays du nord, mais que ces opportunités font aussi naître des dangers.
Première partie : Une thèse plausible mais réfutable
Une thèse plausible
En accroissant sans cesse leur participation au commerce international de produits manufacturés, les pays récemment industrialisés auraient exercé des effets négatifs sur l’emploi et le pouvoir d’achat dans les pays développés.
Pour souligner la plausibilité de cette thèse, appuyez vous sur le modèle HOS aux termes duquel chaque pays a intérêt à se spécialiser dans les productions nécessitant l’utilisation intensive du facteur dont il est relativement le mieux doté.
Tirez en la conclusion que les PED, en mettant sur le marché une quantité croissante de biens nécessitant du travail peu qualifié dont ils disposent en abondance, concurrencent les emplois peu qualifiés des PDEM, trop chers au vu de leur faible productivité.
Notez que le problème ne se pose pas dans l’absolu, mais chaque fois que le coût salarial unitaire évolue en défaveur des salariés des pays du nord. Il faut donc mettre en regard le coût salarial et la productivité du travail pour analyser correctement ce type de mécanisme.
Notez aussi que la dégradation de l’emploi peut être reliée à la législation sur le salaire minimum et la protection sociale : en empêchant la diminution du prix du travail non qualifié, elle contribuerait à l’augmentation du chômage au sein d’une partie de la population.
Référez vous également au théorème stolper-Samuelson sur l’égalisation des prix des facteurs de production, aux termes duquel dans les pays industrialisés le commerce tire vers le bas les revenus du travail non qualifié et accroît les inégalités entre les salariés.
Autre élément à prendre en compte, la croissance des PED est liée à celle des IDE qui la dynamisent. En retour le fait que leur croissance soit plus forte attire vers eux une quantité croissante de capitaux. Même si le stock d’IDE accumulé aujourd’hui par les PED est marginal par rapport au stock de capital disponible dans les PDEM, les flux d’IDE prennent de l’envergure et les opérations de délocalisation se multiplient, avec leurs conséquences nuisibles à la croissance et aux emplois dans les PDEM.
On cumulerait donc désindustrialisation, chômage et pression à la baisse des salaires des moins qualifiés. Ainsi l’étude d’ Adrian Wood estime à six millions d’emplois la perte des pays de l’OCDE contre un gain de vingt millions d’emplois pour les PED. Elle a été contestée par d’autres économistes qui observent que l’essentiel des flux commerciaux et d’investissement s’opère entre les économies de l’OCDE, et non pas entre les économies de l’OCDE et les pays en développement. En outre, nombre de ces économistes estiment que la technologie a une incidence plus importante sur le marché du travail que les échanges. Il faut aussi noter qu’on s’est moins interrogé sur les exportations, qui constituent l’autre dimension des échanges. Or le secteur exportateur, avec tout son dynamisme et l’importance qu’il donne au savoir, amène souvent des améliorations sensibles pour les travailleurs au sein des économies des pays industrialisés. D’autres perspectives existent donc sur la question, en particulier celle que développe Paul Krugman dans La mondialisation n’est pas coupable.
Les objections de Krugman
Il arrive à la conclusion que les échanges avec les PED n’expliquent qu’une très faible partie du chômage américain. Référez vous au raisonnement par lequel il montre qu’au sein de chaque pays, l’évolution des niveaux de vie est pour l’essentiel commandé par des facteurs internes. Indiquez qu’il utilise à cet effet le modèle de Lewis en l’appliquant à deux pays, un pays industrialisé et un PED, et à trois biens: un bien de haute technologie, produit uniquement dans le PDEM, un bien de technologie intermédiaire, produit dans les deux pays et un bien de faible technologie, produit uniquement dans le PED. La concurrence sur le marché mondial fait que le rapport des rémunérations tend à égaliser le rapport des productivités dans le bien où les deux pays sont en concurrence uniquement. L’augmentation de la productivité du PED dans le bien de faible technologie n’a donc aucune incidence directe sur la rémunération des salariés du PDEM. Elle engendre même un gain de pouvoir d’achat si ces gains de productivité sont répercutés sur le prix de vente dans le pays industrialisé.
Si la productivité augmente dans le bien intermédiaire, le rapport des rémunérations diminue mais c’est moins parce que les rémunérations diminuent au Nord que parce que la rémunération augmente au Sud. En revanche, il peut y avoir perte de pouvoir d’achat pour les salariés du Nord dans la mesure où, par revendication de la parité de pouvoir d’achat, cette augmentation des rémunérations au Sud renchérit le coût de production du bien de faible technologie dont la productivité n’a pas augmenté. Toutefois en contrepartie, l’augmentation des rémunérations au Sud va probablement entraîner une augmentation des importations du Sud et le PDEM a de fortes chances d’en bénéficier.
Il y a donc deux effets opposés des gains de productivité dans le secteur où le PDEM et le PED sont en concurrence, mais en définitive il semble que l’impact de la croissance des PED par le canal du commerce international sur le niveau de l’emploi ne soit pas très significatif. Par ailleurs, une partie de ses arguments souligne les effets positifs de la croissance des PED sur celle des PDEM.
Deuxième partie : La croissance des PED est source d’opportunités et de dangers.
Les opportunités
L’analyse de Krugman met en effet en évidence des éléments confortant l’idée ancienne et bien argumentée selon laquelle le commerce n’est pas un jeu à somme nulle. Si les PED disposant d’une forte compétitivité-prix ont une forte croissance de leur revenu, cette augmentation de revenu peut profiter aux pays industrialisés avec un impact qui dépend de leur capacité à saisir les opportunités offertes par le commerce international.
Un raisonnement du même type permet de montrer que les investissements directs à l’étranger (IDE) peuvent aussi être facteurs de prospérité mutuelle. En suscitant des gains de productivité et en provoquant une croissance du revenu dans les pays d’accueil, les flux d’IDE entraînent aussi une croissance des importations. Là encore il y a de fortes chances qu’elles proviennent des PDEM et favorisent leur prospérité économique.
Ainsi, il semble bien que la croissance des pays nouvellement industrialisés ne nuise pas de façon significative aux emplois et au pouvoir d’achat des pays industrialisés, et qu’ils peuvent même en tirer profit. En revanche elle provoque de considérables mutations susceptibles de modifier la donne interne aux PDEM, la hiérarchie des nations et l’avenir de la planète.
Les mutations et les dangers
En lien avec la poussée industrielle de certains PED s’opèrent des mutations au sein de chaque pays industrialisé. Cette poussée s’accompagne de la recrudescence des inégalités de revenus comme l’a très clairement montré P-N Giraud dans L’inégalité du monde. Vecteur de la mondialisation elle remet en question l’idée même d’économie nationale et suscite la recherche difficile de nouvelles formes de solidarité. Sur ce point mobilisez les analyses développées par Robert Reich dans son livre sur L’économie mondialisée.
La hiérarchie des nations ne peut également être que bouleversée.
Mobilisez les enseignements de l’histoire économique sur ce point en montrant comment dans le passé la montée en puissance de l’Allemagne, des Etats Unis et du Japon a remis en question les positions acquises par le Royaume Uni et la France.
Aujourd’hui, on assiste à des phénomènes du même type avec l’irruption de la Chine et de l’Inde sur le devant de la scène mondiale. La configuration des rapports de force entre le monde en développement et les pays du nord ne peut pas ne pas en être modifiée.
Il en est de même au sein du groupe des pays avancés qui n’ont pas tous les mêmes capacités à saisir les opportunités offertes par la mondialisation.
PN Giraud dont l’analyse n’est pas fondée sur la nature qualifiée ou non des emplois mais sur leur situation compétitive à l’égard des pays à bas salaires et à capacité technologique (PBSCT) soutient que dans les pays industrialisés une véritable course de vitesse s’est engagée entre les destructions d’emplois exposés à la concurrence des PBSCT et les créations d’emplois compétitifs qui ne le sont pas. Or dans cette course, les investissements dans l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche ont une importance décisive. La qualité de la gouvernance dans ces domaines conditionne l’avenir, de même que la plus ou moins grande capacité de chaque pays à s’adapter aux mutations en cours. La poursuite de la croissance des pays émergents est en effet une source de tensions croissantes pour les sociétés des pays avancés.
Au plan global, la crainte la plus fondée porte sur la raréfaction relative de certaines matières premières et produits de base, et sur l’épuisement des ressources non renouvelables. La fièvre qui s’est emparée du marché du pétrole, des céréales ou des métaux est en partie liée au rythme très soutenu de progression de l’industrie chinoise. De même, la pression sur l’environnement qu’exerce la forte croissance de certains PED incite à se demander si une telle croissance est soutenable. Le sujet amène ici à évoquer les possibilités d’une coopération internationale sur les sujets les plus sensibles, alors que les partenaires sont multiples, que leurs intérêts sont divergents et que le monde tend à devenir multipolaire.
Conclusion
Synthèse
Il semble donc que la croissance d’une partie des PED, symbolisée par l’extraordinaire essor de la Chine et de l’Inde depuis le milieu des années 90, ne nuise pas directement à la croissance, à l’emploi et au pouvoir d’achat dans les pays industrialisés. Elle est toutefois porteuse de mutations considérables dont certaines sont inquiétantes. La plus forte crainte provient de l’épuisement prévisible de ressources non reproductibles.
Ouverture
Or les pays avancés doivent faire face aux chocs induits par ces mutations, à un moment où leurs économies sont confrontées à d’autres évolutions majeures telles que l’accélération des évolutions technologiques et le vieillissement de leur population. Face à eux, les pays en développement sont aussi confrontés à des forces centrifuges. Ainsi que le souligne Lester Thurow, la Chine est elle-même soumise à des tensions croissantes entre des zones côtières en pleine expansion et l’intérieur du pays qui ne profite pas de la modernisation de l’économie. On est donc fondé à s’interroger sur la pérennité de sa croissance.
Pour terminer ce parcours méthodologique
Un dernier conseil :
Chaque sujet est un sujet particulier. Il demande une réflexion spécifique. Son traitement nécessite toujours de ne retenir et de n’utiliser que les connaissances qui s’adaptent à lui. C’est la problématique que vous aurez définie qui vous permet d’opérer ce choix et de ne pas vous égarer sur de fausses pistes. Or sa formulation dépend d’une analyse préalable rigoureuse des termes de l’énoncé : on ne soulignera jamais assez l’importance de la définition de ses mots clefs.
Et un souhait en forme de conclusion :
Le chemin que vous avez choisi demande beaucoup de détermination. Entretenez la votre, de manière qu’elle demeure « aussi fixe et immuable qu’un clou vigoureusement enfoncé » comme aurait dit Saint Ignace de Loyola.