L’économie vue par les économistes classiques (1)

Jean Baptiste Say
Les problématiques
- En quoi la publication de la richesse des nations marque-t-elle une rupture dans l’histoire de la pensée économique ?
- Les classiques forment-ils une école ?
1 – Qui sont les classiques ?
Les économistes concernés ne se sont pas eux-mêmes qualifiés de classiques. Cette étiquette leur a été apposée de l’extérieur d’abord par Marx pour qualifier les économistes tenant pour vraie la théorie de la valeur travail puis par Keynes englobant sous ce qualificatif tous ceux qui tenaient pour vraie la loi des débouchés. En histoire de la pensée économique (HPE), par convention on désigne sous ce vocable les économistes qui ont été les plus influents entre 1776 et 1873, soit Adam Smith, David Ricardo, Thomas Robert Malthus, Jean Baptiste Say et John Stuart Mill. Ils appartiennent donc à trois générations différentes mais qui sont contemporaines de la révolution industrielle.
Leur point commun est d’avoir entrepris à la suite de Smith la construction d’une véritable science de l’économie dont ils cherchent à dégager les lois.
2 – Au point de départ, une enquête féconde
Publiée en 1776 l’ouvrage de Smith part d’une interrogation sur ce qui fait la richesse des nations. Comme les physiocrates, il reproche aux mercantilistes de confondre richesse et monnaie. Mais il juge trop restrictive la conception de Quesnay qui fait de l’agriculture la seule source de richesse. Pour Smith la richesse des nations est constituée de « toutes les choses nécessaires et commodes à la vie » que permet d’obtenir le travail annuel de cette nation. Ayant donné une définition moderne de la richesse, Smith étudie les facteurs de son augmentation. Il pose qu’au fondement de la richesse d’un pays il y a la productivité du travail (ce qui fait la richesse d’une nation c’est la « puissance productive » du travail de ses habitants).
Puis il montre, par l’exemple de la manufacture d’épingle que c’est la division du travail qui en accroît la productivité par trois voies différentes : spécialisation des ouvriers dans une tâche donnée et une seule, diminution des pertes de temps causées par le changement de tâche et utilisation des machines.
Ayant posé que la richesse des nations n’est pas fonction de l’importance de leur stock de métaux précieux, il en déduit qu’il est inutile de chercher à les accumuler par le biais de pratiques commerciales restrictives et défend résolument la liberté des échanges.
Dates à retenir
- 1776 : Année de la parution de l’ouvrage d’Adam Smith : Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (“An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations”)
- 1873 : Année de la mort de John Stuart Mill considéré comme le dernier représentant du courant classique.
3 – La métaphore de la main invisible
Chacun « recherche seulement son intérêt personnel, et il est en cela, comme dans bien d’autres cas, amené par une main invisible à atteindre une fin qui n’entrait nullement dans ses intentions. » (Livre IV, chapitre 2). Mus par leur seul intérêt personnel, les individus se comportent sans le vouloir dans un sens conforme à la prospérité générale à condition que l’économie soit soumise à un régime de libre concurrence. En effet les barrières limitant l’accès à certains marchés créent des rentes de situation au profit des entreprises qu’elles protègent et faussent le jeu de la main invisible.
Dans cette optique pleinement libérale, l’Etat ne doit pas interférer avec les lois autorégulatrices du marché. Son rôle économique est donc restreint. Cela ne veut pas dire qu’il n’ en a aucun. Il a d’abord une mission de défense du territoire et une mission d’exercice de la justice. Ce sont des missions dites régaliennes qui définissent ce que l’on a coutume d’appeler « l’Etat gendarme ». Smith leur ajoute une troisième mission qui est d’ «élever et d’entretenir ces ouvrages et établissements publics dont une grande société retire d’immenses avantages, mais qui sont néanmoins de nature à ne pouvoir être entrepris ou entretenus par un ou par quelques particuliers, attendu que pour ceux-ci, le profit ne saurait jamais en rembourser la dépense » (Livre V, chap. 1).
4 – La recherche des lois de l’économie
Le courant classique comprend des auteurs divers dont les analyses parfois divergent. Mais à la suite de Smith qui a initié la démarche ils ont tous cherché à construire une véritable science de l’économie, sur le modèle des sciences de la nature, et en particulier de la physique de Newton.
Ils ont tous cherché à mettre à jour des relations générales, auxquelles ils attribuent le caractère de “lois naturelles”. Ils empruntent même parfois aux physiciens leur vocabulaire ; ainsi Smith parle de la “gravitation” des prix de marché autour de leur niveau naturel.
Leur ambition ne se limite donc pas à proposer aux gouvernants des « recettes » différentes de celles que prônaient les mercantilistes. Ce qui les intéresse ce n’est pas la conjoncture du moment, c’est l’évolution à long terme de l’économie que leurs lois tentent de rendre intelligible.
Les “lois naturelles” des classiques sont en définitive des propositions visant à expliquer le fonctionnement de l’économie de marché dans un contexte de libre concurrence. Si une telle économie apparaît naturelle à Smith, c’est parce que le marché est, selon lui, l’expression directe d’un trait caractéristique de la nature humaine: la propension à l’échange. Parmi ces lois naturelles, les plus fondamentales concernent le problème de la valeur et la question de la répartition des revenus.
Elément à retenir
- Loi des débouchés: formulée par Jean Baptiste Say, elle pose que “les produits s’échangent contre les produits”, soit que l’offre crée sa propre demande
- Gravitation des prix : Les classiques distinguent pour chaque chaque marchandise son prix naturel (correspondant à la rémunération des éléments nécessaires pour la produire) et son prix de marché (résultant du jeu de l’offre et de la demande). Lorsque ce dernier s’écarte du prix naturel des forces spontanément l’y ramènent. De ce fait les prix de marché qui sont tantôt au dessus, tantôt au dessous des prix naturels « gravitent » autour d’eux.