L’économie vue comme un tout
Les problématiques
- Comment représenter globalement une économie ?
- Quels en sont les acteurs ?
- Quelles sont leurs fonctions ?
- La comptabilité nationale est-elle un outil neutre?
I– Une vision globale en termes de circuit
L’activité économique est le fruit d’une multitude de décisions prises par des millions d’agents. Pour l’analyser globalement, il faut disposer d’un cadre conceptuel précis. Il est fourni par la comptabilité nationale élaborée en France par l’INSEE . Pierres angulaires de ce cadre, les secteurs institutionnels sont au nombre de six : Les ménages (y compris les entrepreneurs individuels), les sociétés non financières, les sociétés financières, les administrations publiques (APU), les institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM) et le reste du monde. Chacun d’eux rassemble des acteurs qui remplissent le même type de fonction principale. Cela induit des comportements économiques similaires et justifie de les regrouper dans une même catégorie.
Ces catégories interagissent les unes avec les autres à travers un ensemble de relations qui correspondent à des flux : de production, de revenu, de consommation, d’épargne etc. que l’INSEE a pour mission de quantifier. Pour y parvenir l’institut s’appuie sur un raisonnement en termes de circuit au sein duquel les secteurs institutionnels sont mis en relation à travers les opérations qu’ils effectuent.
II – La consommation des ménages
Au sens statistique un ménage désigne l’ensemble des individus occupant un même logement sans qu’ils aient nécessairement des liens de parenté. Leur fonction principale est la consommation, soit l’utilisation de biens et de services pour satisfaire les besoins. Deux agrégats permettent de la mesurer :
- la dépense de consommation finale correspond à ce qu’ils décaissent (consommation marchande + la part qu’ils supportent des dépenses de consommation non marchande)
- la consommation effective y ajoute les dépenses relatives aux services non marchands pris en charge par la collectivité si elles sont individualisables (santé, éducation)
III – La production marchande des entreprises
Elles assurent cette production en utilisant du capital et du travail et dans le but d’obtenir un profit. Les biens produits peuvent être des biens de consommation finale, de production ou de consommation intermédiaire incorporés dans de nouveaux produits. Les services sont destinés à d’autres entreprises ou aux particuliers.
Les entreprises ont des formes juridiques diverses. Entreprises individuelles quand elles ont pour propriétaire une personne physique qui est responsable sur ses biens propres des dettes de l’entreprise, elles deviennent des sociétés quand plusieurs personnes sont propriétaires de son capital.
Eléments à retenir
La comptabilité nationale est une représentation globale, détaillée et chiffrée de l’économie nationale dans un cadre comptable. C’est dans ce cadre que sont calculés les principaux agrégats, c’est à dire les principales grandeurs significatives de l’économie nationale considérée comme un tout : le produit intérieur brut (PIB), le produit national brut (PNB), l’investissement des entreprises (ou FBCF), le revenu disponible des ménages, leur consommation etc…
Pour ce qui est de leur taille, l’INSEE distingue les micro entreprises (moins de 10 salariés et un chiffre d’affaires ou un total de bilan n’excédant pas 2 millions d’euros), les petites et moyennes entreprises (PME avec moins de 250 personnes et de 43 millions d’euros), les entreprises de taille intermédiaire (ETI ayant moins de 5000 salariés) et les grandes entreprises (plus de 5000 salariés, chiffre d’affaires annuel supérieur à 1,5 milliard d’euros et total de bilan supérieur à 2 milliards).
Les grandes entreprises sont presque toujours organisées en groupes rassemblant un ensemble de sociétés contrôlées par une « tête de groupe ». Pour elles, l’économie française n’est qu’un enjeu parmi d’autres souvent plus importants. On note aussi que comparé à celui de l’Allemagne, l’appareil productif français souffre d’un manque d’entreprises de taille intermédiaire.
IV – Le rôle des Administrations Publiques (APU)
Sous ce vocable on regroupe l’Etat central et les organismes qui lui sont liés (comme par exemple le CNRS), les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale. Pour caractériser leurs principales fonctions Richard Musgrave a proposé une typologie pertinente qui en distingue trois. La fonction d’allocation des ressources vise à remédier aux défaillances du marché que sont la présence d’externalités et/ou de biens publics. En agissant sur la manière dont le travail et le capital sont alloués les APU stimulent les activités génératrices d’externalités positives et font obstacle à celles qui induisent des externalités négatives. La fonction de répartition vise à réduire les inégalités en modifiant la répartition primaire des revenus par un système de prélèvements et de transferts
La fonction de stabilisation a pour objectif de créer un environnement stable pour les agents économiques en lissant les fluctuations économiques. Il s’agit alors de relancer l’économie en période de ralentissement, et de la brider en cas de surchauffe.
Pour atteindre ces fins, leurs moyens d’action sont budgétaires (action sur leurs recettes et sur leurs dépenses) et réglementaires (adoption de textes fixant des normes s’imposant à tous les agents). On observe que la mondialisation a sensiblement limité l’efficacité des décisions prises au niveau national et que des compétences importantes ont été transférées à des entités régionales comme l’UEM.
Eléments à retenir
- Bilan : document comptable retraçant à droite tout ce qu’une entreprise doit (son actif) et à gauche tout ce qu’elle a (son actif)
- Chiffre d’affaires : on l’obtient en multipliant les quantités vendues par leurs prix de vente
- Appareil productif : concept totalisant utilisé pour désigner l’ensemble supposé formé par toutes les entités productives d’un pays
- Externalités : elles sont dites positives lorsque le rendement social d’une activité est supérieur à son rendement privé et négatives lorsque le coût social de cette activité est supérieur à son coût privé
- Biens publics : biens dont les caractéristiques sont telles que ne pouvant être financés par le paiement d’un prix de marché, ils doivent l’être par l’impôt
V – Cette représentation globale de l’économie est-elle neutre ?
- La comptabilité nationale qui en fournit le cadre est d’essence dirigiste.
On trouve à l’origine de son développement la prise de conscience, à la suite de la crise de 1929 et de la dépression des années 30, du rôle que peut jouer l’Etat dans la conduite de l’économie. Ce rôle a été théorisé par Keynes. Dès lors que l’Etat a vocation à assurer un contrôle macroéconomique, il faut qu’il puisse disposer d’une description de l’économie permettant la prévision.
Cette description doit être exhaustive (c’est-à-dire décrire tous les agents économiques), et par conséquent globale (on ne peut étudier chaque agent séparément). Elle doit aussi être quantifiable (de manière à chiffrer les mesures à prendre et à en mesurer les effets) et mettre en évidence les relations d’interdépendance entre les agrégats. Stone et Meade ont conçu et mis au point le cadre comptable approprié à ces impératifs. En 1941, à la demande du Parlement anglais, ils ont élaboré une série de tableaux illustrant les ressources produites par l’économie de la Grande Bretagne et leur utilisation sous forme de consommation, dépenses publiques, subventions et investissements. Par la suite, les travaux de Leontief et de Tinbergen ont perfectionné cet outil. La France, de son côté, a forgé son propre système de comptabilité nationale, différent de celui des pays anglo-saxons.
- La comptabilité nationale a été et reste l’outil indispensable à la conduite d’une politique économique interventionniste
En France, pendant la période de reconstruction puis de forte croissance, les données fournies par l’INSEE ont permis aux responsables de la politique économique de disposer d’un véritable tableau de bord de l’économie française. Cela était indispensable pour qu’ils puissent mettre en œuvre une régulation consciente de l’économie. Nationale et dirigiste à l’origine, la comptabilité nationale a par la suite su s’adapter à un contexte transformé par le tournant libéral et l’accélération du processus d’intégration des économies. Sous les auspices de l’ONU et de son système de comptes nationaux (SCN 1993), les méthodes ont été harmonisées. En Europe un système normalisé et articulé à celui de l’ONU, le Système Européen de Comptabilité (SEC 95), a été adopté par tous les pays de l’Union Européenne avec le statut de règlement européen. Il sert à évaluer les obligations découlant pour chaque Etat membre, du Traité de Maastricht et du pacte de stabilité et de croissance.
La comptabilité nationale s’est donc imposée en fournissant à tous, y compris aux libéraux, un langage commun et des données pertinentes. Elle n’en reste pas moins l’indispensable complément d’une vision légitimant l’intervention de l’Etat dans l’économie. Une telle intervention ne peut en effet se faire à l’aveugle, mais doit s’appuyer sur des informations précises.
Elément à retenir
- La coupure micro-macro : dans les années 30, sous l’influence de Keynes, l’analyse économique s’est subdivisée en micro-économie qui a pour objet l’étude formalisée des comportements des individus sur les différents marchés (de biens et services, du travail, des capitaux), et macro-économie qui établit directement des relations entre les agrégats de mesure des grandes fonctions économiques, sans passer par le détour d’une étude des comportements individuels. Cette coupure est aujourd’hui remise en cause par les économistes libéraux, en particulier par le courant dit de la Nouvelle Economie Classique (NEC) avec Robert Lucas.